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Ligue 1 : Est-il encore possible d’éviter la catastrophe avec DAZN ?

Une nouvelle pierre dans le jardin de DAZN. La Ligue de football professionnel (LFP) a annoncé jeudi que le coup d’envoi des rencontres du samedi soir – et du vendredi soir quand il y a un match à 19 heures, comme c’est le cas ce vendredi – est décalé à 21h05, afin de permettre « une meilleure éditorialisation » des avant-matchs de Ligue 1. Ce qui veut dire en creux qu’elle n’était pas, jusque-là, satisfaisante.

Du point de vue de qui ? Des abonnés, c’est une certitude, si l’on en juge par les très nombreuses critiques qui affleurent sur les réseaux sociaux depuis le début de saison. Le contenu des avants-matchs et des mi-temps est considéré comme trop pauvre, envahi par la pub. La LFP s’en est forcément rendu compte, et a fait remonter les problèmes à la chaîne, qui lui aura sûrement répondu que le délai très court entre la fin du match de 19 heures et le début de celui de 21 heures ne lui laissait pas assez de marge de manœuvre.

Un avenir « guère reluisant ni réjouissant »

On en reste pour ces deux acteurs au stade des conjectures, puisque ni la Ligue ni DAZN n’ont répondu à nos sollicitations. Mais quoi qu’il en soit, ce changement accentue l’idée d’une greffe qui a du mal à prendre entre la plateforme britannique et le foot français. « Tout ça ne respire pas la sérénité, estime le spécialiste des droits TV Pierre Maes. On sent un manque de confiance dans le plan, une certaine panique, où l’on procède à des changements tout de même importants un peu à l’emporte-pièce. »

Qui aurait pu prédire ? Débarqué au dernier moment au terme d’un appel d’offres où rien n’a fonctionné comme l’avait promis le président de la Ligue Vincent Labrune, DAZN a été contraint de se lancer à la va-vite, pour ne rien arranger à un tarif trop élevé pour ne voir que le championnat de France (29,90 euros par mois avec engagement, 39,90 euros sans). « A la défiance des fans vis-à-vis de la Ligue, qui les envoie se balader d’une plateforme à l’autre en leur faisant payer le prix fort, s’est ajoutée la défiance vis-à-vis de DAZN vu la faiblesse du produit », poursuit Pierre Maes.

Même si cela s’apparente à un pansement sur une jambe de bois, les prochaines semaines diront si ces cinq minutes de rab’, couplées au retour du multiplex du dimanche après-midi et à une nouvelle promotion sur l’abonnement à l’occasion de Noël, seront salvatrices pour le diffuseur et changeront la perception des téléspectateurs – au moins un petit peu. L’avenir ne semble toutefois « guère reluisant ni réjouissant », comme le dit l’auteur du livre La ruine du foot français. La Ligue 1 et ses clubs se retrouvent aujourd’hui dans un vrai bourbier.

L’Equipe évoquait en décembre le chiffre de 500.000 abonnés, inférieur à celui qu’avait réussi à amasser en moins de temps Mediapro en 2020, avant de tout de même jeter l’éponge. Le quotidien ajoutait qu’une clause de sortie pouvait être activée fin novembre prochain par la LFP ou la plateforme britannique si le seuil du million et demi d’abonnés n’est pas atteint.

Novembre 2025, échéance fondamentale

A l’origine, cette clause avait été demandée par les présidents de clubs, au cas où le marché des droits TV serait plus profitable à cette échéance. Mais elle pourrait finalement se retourner contre eux, si jamais DAZN estimait qu’il était temps pour elle d’arrêter les frais. « Un nouvel appel d’offres au début de 2026 est hautement probable, observe Pierre Maes, et à ce jour, rien ne montre que le marché sera plus concurrentiel à ce moment-là. Il le sera même sans doute encore moins si DAZN se retire. La Ligue serait exposée à des droits TV encore plus bas. »

Les clubs rateraient également la meilleure partie du contrat de cinq ans signé par la plateforme, puisque ce dernier prévoit une augmentation de 350 millions d’euros annuels pour cette première saison à 450 millions annuels en 2029. Sans l’assurance, donc, de trouver mieux ensuite. Alors, la catastrophe pressentie est-elle inévitable ? Une grande partie de la réponse dépendra de DAZN et de sa stratégie à grande échelle.

NOTRE DOSSIER SUR LES DROITS TV DU FOOT

Le groupe britannique est en passe de finaliser un énorme achat en Australie, celui de l’opérateur Foxtel pour près de deux milliards de dollars, afin de mettre la main sur les droits de diffusion du cricket et du football australien. « L’enjeu industriel est majeur pour DAZN, rappelle le consultant en droits TV du sport. Le groupe avait 6 milliards de dollars de pertes cumulées, ce montant doit être plus grand maintenant. On ne voit pas quand il arrivera à l’équilibre, on a l’impression d’assister plutôt à une fuite en avant. » Il serait peut-être temps pour la Ligue de se rabibocher avec Canal +, si jamais c’est encore possible.