Sites pornos : La vérification de l’âge, « c’est de la merde, hors de question de donner mon identité »

Tour de vis pour les sites pornos. A compter de ce samedi, les plateformes doivent renforcer leur contrôle de l’âge des utilisateurs pour se conformer à la loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique (SREN), votée en 2024, et aux exigences de l’Arcom. Dans un premier temps, une carte bancaire devrait suffire. Par la suite, les utilisateurs devront se servir de solutions gérées par des prestataires externes, qui vérifieront une pièce d’identité ou un selfie vidéo.

Chez les consommateurs de vidéos X qui ont répondu à notre appel à témoignages, la nouvelle est fraîchement accueillie. « C’est de la merde, hors de question de donner mon ID, tranche Simon*. A mon avis, il va y avoir un paquet de faux. » « En tant qu’adulte utilisateur, je me dis que ça va être casse-pieds car, bien évidemment, je n’ai pas envie d’être fiché, raconte Marc*, quadra en région bordelaise. […] Ça nous rappellera le temps où il fallait qu’un pote qui avait Canal nous enregistre le porno de la semaine, qu’il nous passe la cassette et que les parents ne soient pas à la maison pour le mater. Il est peut-être temps de se faire un petit stock sur son disque dur. »

Consulter des sites pornos sous VPN

« L’acte de consommer de la pornographie est très souvent un besoin immédiat et la vérification serait un frein, admet quant à lui Vince. Le sentiment de honte lié à cette pratique et le partage d’éléments personnels avec des plateformes inconnues ne donnent pas envie. » Alexis, 35 ans, pense que cette mesure va « asphyxier une industrie française du X déjà en grande difficulté », mais surtout encourager la consultation « des plateformes illégales, souvent basées à l’étranger, qui échappent à toute régulation ».

Si peu mentionnent un possible passage à des formules payantes comme OnlyFans, certains évoquent tout de même un autre moyen d’accéder au porno. « Il y a des réseaux sociaux qui proposent ce genre de contenu sans vérifier l’âge de l’utilisateur, explique Val. Reddit et Twitter [désormais appelé X, sans mauvais jeu de mots] ont de beaux jours devant eux ! » Le réseau social autorise en effet explicitement les contenus adultes depuis juin. Certains utilisateurs évoquent aussi le recours aux VPN, ces programmes de protection des données, qui peuvent aussi tromper votre navigateur Internet en lui faisant croire à une connexion depuis un autre pays.

On l’a dit, les internautes redoutent l’utilisation de leurs données personnelles. « Je crains de donner mon identité ou ma CB à n’importe quel site par peur de piratage, redoute « Tonik ». Cela ne concerne pas que ces sites adultes, la sécurité sur Internet est illusoire. » « Cela soulève des inquiétudes sur l’exploitation et la protection des données personnelles, abonde Alexis. Cela pourrait aussi décourager les utilisateurs d’accéder à des contenus légaux par peur d’être stigmatisés ou surveillés. » Pas de panique sur ce point : les dispositifs de vérification devraient passer par des entreprises tierces, qui ne sauront pas pour quel service exact elles sont amenées à confirmer l’âge d’une personne.

« Si un site est bloqué, il y en aura d’autres »

Ils sont quelques-uns, malgré tout, à saluer l’objectif initial : restreindre l’accès à la pornographie pour les mineurs, alors qu’une étude de l’Arcom de 2023 montrait que 12 % de l’audience des sites pornographiques était réalisée par eux. « Quels que soient les moyens, on doit faire quelque chose pour protéger les enfants et surtout les adolescents, applaudit Filippo. De nouvelles mesures sont donc les bienvenues, bien qu’elles ne marchent pas. Au pire, on a cherché des solutions. »

La majorité partage en tout cas l’avis que certains sites ne respecteront pas la loi et resteront accessibles plus simplement – ou trouveront un moyen de contourner les demandes des autorités. « Je pense que ça ne changera rien, car j’utilise principalement des sites qui se foutent des régulations et proposent du contenu payant gratuitement. S’il y en a un qui demande l’identité, je trouverai un autre site, et s’il est bloqué, y en aura d’autres, estime Lionel *. La seule chose qui pourrait réellement freiner de telles pratiques, c’est si les moteurs de recherche empêchent tout type de requête liée au porno, car le contrôle parental ne suffit clairement pas. » Sans en arriver là, les internautes devront peut-être prévoir cinq minutes supplémentaires lors de leur prochaine visite sur site X.

* Les prénoms ont été modifiés