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Guerre au Proche-Orient : Militaire, chrétien… Qui est Joseph Aoun, le nouveau président du Liban ?

Il a recueilli 99 voix sur 128. Joseph Aoun, 61 ans, a été élu jeudi président de la République du Liban. Le commandant en chef de l’armée libanaise n’a aucune expérience politique mais tire profit de sa position à la tête d’une des institutions les plus respectées du pays, miné par les crises politique et financière. Joseph Aoun « a la réputation d’être un homme intègre », indique le politologue Karim Bitar. « Au sein de l’armée libanaise, il est perçu comme quelqu’un de dévoué, qui défend l’intérêt national, et qui essaye de consolider l’institution, la seule encore épargnée par le confessionnalisme et qui tient encore debout », ajoute-t-il.

Le général jouit par ailleurs du soutien de plusieurs puissances étrangères comme les Etats-Unis et de l’Arabie saoudite. Le président américain sortant Joe Biden a dit sa « confiance » dans le nouveau président après l’élection de celui-ci : « J’ai confiance dans le président Aoun. Je crois fermement qu’il est le bon dirigeant pour cette période. » Joseph Aoun a été élu jeudi par les députés lors d’un deuxième tour de scrutin alors que le Liban était privé depuis plus de deux ans d’un chef de l’Etat en raison des profondes divergences entre blocs politiques.

Sauvegarder la solde de ses soldats

Le général Aoun, qui n’a aucun lien familial avec le président sortant Michel Aoun, dirige depuis mars 2017 une institution qui a pu rester à l’écart des dissensions confessionnelles et politiques qui déchirent le pays. Au sein de l’armée, il a su manœuvrer pour surmonter les crises, notamment un effondrement économique qui a frappé de plein fouet la solde de ses 80.000 soldats, l’obligeant à accepter des aides internationales pour préserver son institution.

Depuis un accord de cessez-le-feu fin novembre mettant fin à la guerre entre le puissant mouvement Hezbollah et Israël, l’armée a la tâche délicate d’assurer le respect de la trêve. Intervenant dans le fief du Hezbollah, qui a promis une « coopération totale », le chef de l’armée doit veiller à préserver le précaire équilibre social et confessionnel du jeu politique libanais : ne pas fâcher le mouvement pro-iranien sans s’attirer les foudres de ses détracteurs.

Le militaire au verbe laconique, chauve et à la carrure solide, peut compter sur son réseau tissé à travers l’ensemble de la classe politique libanaise, mais aussi ses contacts avec les capitales occidentales, Paris et Washington en tête. Le président français Emmanuel Macron a d’ailleurs souhaité jeudi un « plein succès » au président libanais nouvellement élu, et « convenu » avec lui lors d’un entretien téléphonique de « se rendre au Liban très prochainement », a annoncé l’Elysée.

Un « bilan sans faute à la tête de l’armée »

Mohanad Hage Ali, du think-tank Carnegie pour le Moyen-Orient, souligne ses « liens avec les Etats-Unis », l’armée libanaise étant financièrement soutenue par Washington. « Il a entretenu des relations avec tout le monde, mais il a souvent été critiqué par les médias affiliés au Hezbollah » justement pour cette connexion américaine, ajoute-t-il. Outre l’allié américain, l’institution a reçu des aides du Qatar ou de la France.

Une conférence internationale organisée à Paris en octobre a permis de lever 200 millions de dollars pour l’armée, un soutien vital : au plus fort de la crise économique en 2020, l’armée avait même dû retirer la viande des repas servis à ses militaires. « Tout le monde reconnaît son bilan sans faute à la tête de l’armée », indique un diplomate occidental. « Mais peut-il se muer en politicien ? C’est la question. »

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A l’aise en français et en anglais, le général Aoun est père de deux enfants. Il est issu de la communauté chrétienne maronite, à laquelle la présidence est réservée, en vertu du partage confessionnel du pouvoir qui accorde aux musulmans sunnites le poste de Premier ministre et aux musulmans chiites celui de président du Parlement.

Pour le politologue Karim Bitar, « même parmi ceux qui le respectent, nombreux sont ceux » qui étaient opposés à son élection, « essentiellement parce qu’il vient de l’armée ». Car certains ex-présidents au profil similaire ont laissé aux Libanais « un arrière-goût amer », ajoute-t-il. Sans compter que cela pourrait entériner l’idée que le chef de l’armée peut « systématiquement devenir président ». Michel Aoun était aussi un ancien commandant des forces armées libanaises, et ses trois prédécesseurs étaient également issus des rangs de l’institution militaire.