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Le « Trump du Canada » ? Voici le populiste et populaire Pierre Poilievre, favori pour devenir Premier ministre

Un personnage dans l’air du temps. Dans l’air de cette droite radicale, conservatrice, aux penchants libertariens et anti-woke, volontiers outrageuse et provocatrice, qui tient une nouvelle figure en passe d’arriver au pouvoir : le Canadien Pierre Poilievre.

Depuis la démission annoncée de Justin Trudeau, le leader du Parti conservateur canadien, âgé de 45 ans, est le grand favori des élections fédérales anticipées qui doivent se tenir avant l’automne prochain. Sur la forme, il est aisé de voir en Pierre Poilievre un ersatz de Donald Trump. Mais il semble se détacher sur le fond du président américain élu, notamment sur la question de l’immigration, même s’il « est souvent difficile de savoir ce qu’il pense vraiment au-delà des slogans qu’il répète », relève le politiste canadien Charles-Etienne Beaudry, enseignant à l’Université d’Ottawa et auteur de Radio Trump : Comment il a gagné la première fois (publication indépendante, 2024)

Les slogans comme « Axe the tax » (passer les taxes à la hache), « Canada first », « Spike the hike » (contre la taxe carbone), « cut the aid » (couper les aides) ponctuent régulièrement les prises de paroles de Pierre Poilievre, qu’il aime à conclure par une invocation au « bon sens » dans une « culture rhétorique clairement trumpiste », comprend Charles-Etienne Beaudry.

Des prises de paroles qu’il réserve avant tout « à un écosystème médiatique alternatif d’ultra-droite aux tendances complotistes », poursuit l’universitaire. Lequel remarque que sa première interview de 2025 a été diffusée par le podcasteur canadien Jordan Petterson, connu pour ses positions pro-vie et antivax, notamment. « Poilievre a des liens organiques avec l’écosystème complotiste américain qui soutient Trump et l’encense, comme les podcasteurs Joe Reagan ou Alex Jones ». Sur ce terrain-là donc, le parallèle avec Donald Trump sonne comme une évidence. « Electoralement, la base Trump est la même que celle de Poilievre », ajoute Charles-Etienne Beaudry.

Vingt ans en politique et des positions encore floues

Pour autant, Pierre Poilievre a pu prendre position pour l’avortement, pour le maintien du mariage pour tous, et il a pu exprimer des positions pro-immigration tout en dénonçant la politique migratoire de Justin Trudeau, entretenant le flou sur ses intentions. « Il avance plus masqué, plus doucement que Trump. Il ne peut pas faire le cow-boy comme aux Etats-Unis, car les Canadiens n’aiment pas ça. Ils préfèrent des personnalités plus flegmatiques », relève l’universitaire.

Un flegme qu’il a pu donner à voir dans un moment dont raffolent les réseaux sociaux et qu’Elon Musk avait pu valider, gratifiant cette publication d’un émoji flamme. La scène se passe en octobre 2023 dans un verger lors d’un point presse. Un journaliste canadien lui pose alors une question sur sa « méthode Trump ». « De quoi parlez-vous ? », « Qui a dit ça ? », « Je ne comprends pas votre question », lui rétorque le leader conservateur tout en croquant dans sa pomme, qui semble à ce moment-là l’intéresser davantage.

Mais Pierre Poilievre peut aussi tomber dans l’outrance, notamment au Parlement. Il en a été exclu pendant un jour – une première au Canada – après avoir qualifié Justin Trudeau de « cinglé ». « Il a des phrases simples et l’injure facile comme Donald Trump, partage son refus des médias traditionnels, mais c’est un parallèle très rapide qui vaut essentiellement pour la forme », souligne Alexis Gacon, journaliste canadien qui a pu suivre l’évolution de Pierre Poilievre. « Son discours anti-Etat et anti-élite s’apparente plus à la droite traditionnelle des plaines de l’Ouest, en opposition aux élites de l’est que d’une idéologie libertarienne », poursuit-il.

« Un populiste populaire »

Et tout à l’inverse de Trump, Pierre Poilievre est né dans un environnement populaire de l’Alberta, dans l’ouest du pays. Lorsque sa mère accouche, elle n’a que 16 ans et le confie à l’adoption. Pierre Poilievre grandit ainsi à Calgary, élevé par un couple d’enseignants. Il s’engage très tôt au sein du parti conservateur et fini par être repéré par Stephen Harper, chef du parti d’alors et Premier ministre du Canada de 2006 à 2015. Ce dernier l’intronise député en 2005, avant de confier au jeune Pierre Poilievre, alors surnommé « le pitbull d’Harper », quelques portefeuilles ministériels de moindre envergure.

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Reste qu’après vingt ans de présence politique, « nous en sommes encore à deviner ce qu’il pense au-delà de ses slogans », constate le journaliste canadien. Qui voit d’abord en Pierre Poilievre « un pro du marketing qui s’adapte à l’air du temps et a compris ce qui fonctionne. Il a un côté insaisissable et laisse le suspense sur son programme ».

« Il avance en sous-marin »

« C’est un leader populiste, mais aussi populaire par ses origines », résume Charles-Etienne Beaudry. « Il est parvenu à la tête du parti conservateur après avoir soutenu “le convoi des camionneurs”, sorte de “gilets jaunes “d’ultra-droite, qui protestaient contre les mesures anti-Covid. Il s’est affiché avec eux, à l’air d’ailleurs d’un camionneur, d’un travailleur, mais c’est un politicien de carrière, député à 25 ans », recadre l’universitaire, qui attend de le voir au pouvoir.

« Pour l’heure, on ne le connaît pas encore vraiment. Il avance masqué, en sous-marin ». Un sous-marin qui devrait faire surface à la faveur des élections fédérales anticipées.