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Etats-Unis : « Les historiens diront que l’impact a été grand », que faut-il retenir de l’interview de Joe Biden ?

Alors que son mandat touche à sa fin, le président Joe Biden s’est livré dans une rare interview avec USA Today. Dans l’atmosphère intime du Bureau ovale, il revient sur les moments marquants de son mandat, ses réussites, ses regrets et les décisions majeures qu’il pourrait encore prendre avant de quitter la Maison-Blanche.

Entre introspection, confidences sur ses limites personnelles et défense de son bilan, 20 Minutes vous explique tout ce qu’il faut retenir de cet entretien exceptionnel.

« Jusqu’ici tout va bien, mais qui sait ce que je serai à 86 ans ? »

Joe Biden a déclaré qu’il pensait avoir de bonnes chances de remporter un second mandat s’il n’avait pas choisi de se désister de la course à la Maison-Blanche. « C’est présomptueux de le dire, mais je pense que oui », a-t-il affirmé.

Mais l’actuel président pour encore deux semaines est lucide quant aux exigences physiques et mentales du poste. Il ne cache pas les préoccupations qui ont influencé sa décision. « Jusqu’ici tout va bien, mais qui sait ce que je serai à 86 ans ? »

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« Il n’est pas nécessaire de régler ses comptes »

À seulement deux semaines de la fin de son mandat, Biden a expliqué à la journaliste Susan Page qu’il envisageait d’accorder des grâces de manière préventive, une mesure exceptionnelle et rarissime dans l’histoire présidentielle américaine. Ce type de grâce, bien que légale, permettrait de protéger des individus contre d’éventuelles poursuites judiciaires avant même qu’elles ne soient engagées. Parmi les noms évoqués figure Liz Cheney, ancienne représentante républicaine du Wyoming, qui a joué un rôle clé dans la commission chargée d’enquêter sur l’assaut du Capitole le 6 janvier 2021. Autre figure mentionnée, le Dr Anthony Fauci, ancien conseiller en chef pour la santé publique, qui est devenu une cible récurrente des attaques de l’extrême droite pour son rôle dans la gestion de la pandémie de COVID-19.

En envisageant ces grâces, Biden cherche à protéger des figures publiques exposées à des représailles politiques potentielles sous la future administration Trump. « J’essaie de montrer qu’il n’est pas nécessaire de régler des comptes », a expliqué Biden, avant de préciser que sa décision dépendrait en partie des nominations faites par Trump pour des postes clés, notamment à la tête du FBI et du ministère de la Justice.

Récemment décorée de la "Presidential Citizens Medal", la représentante du Wyoming Liz Cheney est dans le viseur de la future administration Trump.
Récemment décorée de la « Presidential Citizens Medal », la représentante du Wyoming Liz Cheney est dans le viseur de la future administration Trump.  - CNP/AdMedia/SIPA

Un regret majeur : contrer la désinformation

Alors que Mark Zuckerberg vient d’annoncer que les réseaux sociaux de Meta ne seront plus « fact-checkés », Biden a exprimé sa frustration face à son incapacité à lutter efficacement contre la désinformation, un phénomène qu’il considère comme l’un des plus grands défis de son mandat. Il a notamment pointé du doigt l’évolution du paysage médiatique, dans lequel les plateformes numériques ont remplacé les éditeurs traditionnels capables de vérifier les faits.

« À cause de la manière dont l’information est partagée aujourd’hui, il n’y a plus d’éditeurs pour dire : « C’est tout simplement faux » », a-t-il déploré. Le futur ex-président a pris pour exemple une affirmation de Donald Trump qui avait affirmé qu’une « invasion venant du sud » était responsable de divers crimes. « Trump dit : « C’est clair, c’est une invasion venant du sud. » Et je parie que 70 % des gens qui lisent cela le croient. Comment lutter contre ça ? », s’est-il interrogé.

« L’avantage d’être un vieux gars, c’est que je connais les grands dirigeants mondiaux depuis longtemps »

Au cours de cet entretien, Joe Biden a mis en avant sa longue expérience en politique étrangère comme un atout clé de sa présidence. « L’avantage d’être un vieux gars, c’est que je connais les grands dirigeants mondiaux depuis longtemps. J’ai une perspective sur chacun d’eux et sur leurs intérêts », a-t-il confié.

L’un des points saillants de son mandat a été la restauration des alliances historiques des États-Unis, mises à mal sous l’administration Trump. Le président sortant a notamment œuvré pour reconstruire la relation transatlantique avec les pays européens en réaffirmant l’engagement des États-Unis envers l’OTAN. En Europe, son leadership s’est particulièrement manifesté dans la réponse occidentale à l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Sous son impulsion, les États-Unis ont fourni une aide militaire et humanitaire massive à l’Ukraine, tout en fédérant les alliés européens autour de sanctions économiques sans précédent contre Moscou. En évoquant la situation internationale, Biden décrit une période charnière de l’Histoire mondiale : « Ce qui se passe en Ukraine a une influence profonde sur ce qui se passe ailleurs dans le monde. Le monde devient vraiment petit, vraiment de plus en plus petit. »

Joe Biden - ici aux côtés du président Volodymyr Zelenskyy en juillet dernier - a fédéré ses alliés Européens autour de la question de l'Ukraine.
Joe Biden – ici aux côtés du président Volodymyr Zelenskyy en juillet dernier – a fédéré ses alliés Européens autour de la question de l’Ukraine. - Chris Kleponi

Un bilan économique en demi-teinte

Joe Biden a défendu avec vigueur son bilan économique, en insistant sur les mesures qu’il considère comme essentielles pour préserver la stabilité des États-Unis après la pandémie. Parmi ses réalisations majeures figurent le plan de relance de 1.900 milliards de dollars, conçu pour soutenir la croissance et préserver les emplois, ainsi que le plan d’infrastructure de 1.200 milliards de dollars, destiné à moderniser les routes, les ponts, les réseaux ferroviaires et l’internet haut débit dans tout le pays. Ces projets, qu’il qualifie d’éléments structurants pour l’avenir des États-Unis, avaient pour ambition de renforcer la compétitivité à long terme du pays. « Comment l’Amérique peut-elle diriger le monde sans avoir la meilleure infrastructure, le meilleur système éducatif et les meilleurs soins de santé ? », s’est-il interrogé.

Mais au terme de son mandat, force est de constater que si les idées sont là, les résultats pas toujours. Joe Biden a notamment reconnu que l’impact immédiat de ses initiatives avait été limité par des retards dans leur mise en œuvre. « Les historiens diront que l’impact a été grand, mais il n’a pas eu d’effet immédiat sur la vie des gens », a-t-il admis, en faisant allusion aux processus bureaucratiques qui ont ralenti considérablement la mise en place de ces projets.

Alors qu'il ne lui reste qu'à peine deux semaines de mandat, Joe Biden était aux côtés du gouverneur Californien Gavin Newsome pour faire le point sur les feux qui ravagent actuellement Los Angeles.
Alors qu’il ne lui reste qu’à peine deux semaines de mandat, Joe Biden était aux côtés du gouverneur Californien Gavin Newsome pour faire le point sur les feux qui ravagent actuellement Los Angeles. - Stephanie Scarbrough

Une empreinte durable sur le pays

Ces retards, combinés à l’inflation et à la hausse des coûts de la vie, ont pesé sur le quotidien de millions d’Américains et ont terni la perception publique de son mandat. « Je pense qu’on aurait été bien mieux si nous avions pu accélérer certains de ces projets », a-t-il ajouté, exprimant son regret de ne pas avoir pu livrer plus rapidement des résultats tangibles aux citoyens.

Malgré ces obstacles, Biden reste convaincu que ces investissements laisseront une empreinte durable sur le pays. Fait surprenant, même Donald Trump, lors d’une rencontre privée post-électorale, aurait reconnu certains succès économiques de Biden, en disant qu’il « laissait un bon bilan » sur ce point. Un compliment pour le moins inattendu.