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L’Espagne débloque 2,5 millions d’€ pour aider le Maroc à freiner les flux migratoires vers l’Europe

L’Espagne a alloué une enveloppe de 2,5 millions d’euros ( € ) au Maroc pour l’aider dans sa lutte contre l’immigration irrégulière. Cette somme doit servir à l’acquisition de matériel de surveillance et de transport. Le but : permettre aux autorités marocaines d’améliorer la mobilité et la réactivité des forces de sécurité dans des zones difficiles d’accès, notamment dans les zones montagneuses et côtières.

Nouvelle aide financière de l’Espagne allouée au Maroc. Selon les médias espagnols, le royaume chérifien a reçu en décembre dernier une enveloppe de 2,5 millions d’euros par l’intermédiaire de la Fondation internationale et ibéro-américaine pour l’administration et les politiques publiques (FIIAPP), une institution dédiée à la coopération internationale dont le conseil d’administration est présidé par le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares.

Cette aide vise à renforcer les capacités du Maroc en matière de surveillance des frontières, de mieux contrôler les points d’entrée, de lutter contre les réseaux de trafic d’êtres humains et de protéger le sud de l’Europe des flux migratoires venus de ce pays du Maghreb.

« Approche humaniste »

Avec cette somme, Rabat va acheter 183 motocyclettes d’une valeur de 660 000 euros, ainsi que 33 véhicules pour un montant total de 1,9 million d’euros, pour permettre aux autorités marocaines d’améliorer la mobilité et la réactivité des forces de sécurité dans des zones difficiles d’accès, notamment dans les zones montagneuses et côtières.

Le contrat inclut également la livraison de véhicules tout-terrain, de camions, d’ambulances, de bateaux, ainsi que d’équipements de surveillance avancés, tels que des caméras thermiques et des matériels de surveillance nocturne. Ce dispositif, qui atteint 120 millions d’euros pendant toute la durée du gouvernement de Pedro Sánchez, vient s’ajouter aux moyens déjà existants.

L’accord passé avec l’UE comprend aussi une formation technique pour le personnel en charge de l’entretien de ces véhicules, afin de garantir leur bon fonctionnement.

Pour Madrid, cet investissement prévoit ainsi d’ »atténuer les vulnérabilités liées à la migration irrégulière » et de « renforcer les capacités de contrôle et de surveillance des frontières avec une approche humaniste ».

« Partenaire loyal et fiable »

Depuis 2019, le gouvernement espagnol de Pedro Sánchez a débloqué des dizaines de millions d’euros à Rabat pour soutenir ce pays de transit dans sa lutte contre l’immigration irrégulière. En parallèle, depuis 2013, l’UE a déboursé plus de 360 millions d’euros – dont 234 millions proviennent du Fonds fiduciaire d’urgence de l’Union pour l’Afrique, indique une note de l’UE datée de février 2022 – pour aider le Maroc.

Ainsi, « parmi les voisins de l’UE, le Maroc représente le deuxième portefeuille de coopération en matière de migration », peut-on lire dans le même document européen. En 2022, l’UE affirmait voir en Rabat « un partenaire stratégique et engagé […] en matière de migration », « loyal et fiable ».

Ces dernières années, l’UE a multiplié les accords avec les pays, notamment africains, afin de bloquer l’arrivée des migrants avant même qu’ils n’atteignent les frontières européennes et faciliter les retours des personnes en situation irrégulière. Une stratégie déjà appliquée en 2016 avec la Turquie, puis dans les années suivantes avec la Libye, la Tunisie, la Mauritanie ou encore l’Égypte. Tous bénéficient de fonds européens pour bloquer les flux migratoires.

Mais ces partenariats sont largement dénoncés par les ONG de défense des droits, en raison notamment des violations des droits des exilés pratiqués par ces régimes.

Des accords controversés

En mai 2024, une enquête publiée par des médias internationaux dont Le Monde et le Washington Post avec le collectif de journalistes Lighthouse Reports, révélait comment « l’Europe soutient, finance et participe directement à des opérations clandestines menées dans les pays d’Afrique du Nord pour abandonner chaque année des dizaines de milliers de personnes noires dans le désert ou dans des régions reculées afin de les empêcher de venir dans l’Union européenne ».

L’enquête signalait que des réfugiés et migrants au Maroc, en Mauritanie et en Tunisie sont « appréhendés en raison de la couleur de leur peau, emmenés dans des bus et conduits au milieu de nulle part, souvent dans des zones désertes et arides », sans eau ni nourriture. Certains sont emmenés vers des zones frontalières où ils sont « vendus par les autorités à des trafiquants d’êtres humains et à des gangs qui les torturent contre rançon ». Des faits déjà rapportés à plusieurs reprises par InfoMigrants ces dernières années, via des témoignages d’exilés.

Selon l’enquête de Lighthouse Reports, ce « système de déplacement de masse (…) fonctionne notamment grâce à l’argent, les véhicules, l’équipement, le renseignement et les forces de sécurité fournis par l’UE et les pays européens ».

Le quotidien Le Monde détaillait ainsi qu’en Tunisie les « pick-up Nissan utilisés par la police pour arrêter les migrants correspondent à des modèles livrés par l’Italie et l’Allemagne entre 2017 et 2023 ». Au Maroc, les « 4×4 Toyota Land Cruiser, utilisés lors d’arrestations dont les images ont été diffusées sur les réseaux sociaux (…) correspondent aux modèles achetés par l’Espagne, puis par l’Europe » dans le cadre d’un accord entre les deux pays.

« Des exemples, parmi d’autres, qui démontrent que ces opérations, contraires à la Convention européenne des droits de l’Homme, bénéficient du soutien financier de l’UE et de ses États membres », insistaient alors les journalistes.

À la suite de cette enquête, l’UE, par la voix d’une porte-parole, avait reconnu que « parfois, la situation est difficile dans nos pays partenaires » mais il « reste des États souverains qui contrôlent leurs forces nationales », avait-elle précisé sans détailler.

Source : https://www.infomigrants.net/