L’Etat belge, la police bruxelloise et 11 policiers se trouvent ce jeudi devant le tribunal pour divers abus qui auraient été commis lors d’une manif
Fixées initialement en février 2024 avant d’être reportées, les plaidoiries auront lieu ce jeudi pour se poursuivre ce vendredi 10 janvier. Les plaignants estiment avoir été maltraités en marge d’une manifestation en 2021. L’absence de mécanisme de contrôle dans les lieux de détention et le « nassage » des manifestants sont au cœur du procès.
- Publié le 08-01-2025 à 18h46
Le 24 janvier 2021, près de 150 personnes étaient rassemblées sur la place de l’Albertine, à deux pas de la Gare centrale à Bruxelles, pour manifester contre « la justice de classe » et les abus policiers.
À l’époque, la crise sanitaire avait fortement réduit les possibilités de manifester. Initialement, l’événement n’avait d’ailleurs pas été autorisé, mais le bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Philippe Close (PS) l’avait ensuite toléré. Sauf que le rassemblement a rapidement dégénéré. Plus de 200 personnes ont été interpellées et emmenées à la caserne de police à Etterbeek. Certains témoignages évoquaient des arrestations arbitraires, des coups infligés gratuitement, des crachats, une impossibilité d’aller aux toilettes, obligeant certaines personnes à se soulager devant tout le monde en cellule, ou encore des insultes sexistes et racistes.
Après la manifestation, le 24 janvier 2021, un syndicat policier (la CGSP Police) avait pointé la gestion de l’événement par la police. Le syndicat avait en effet été alerté par plusieurs de ses affiliés qui ont été témoin de violences après une manifestation. Dans la foulée, un courrier a été envoyé au bourgmestre de la Ville de Bruxelles pour dénoncer la situation.
Le 24 janvier 2023, soit deux ans jour pour jour après les faits, onze personnes avaient assigné en justice l’État belge, la zone de police de Bruxelles capitale/Ixelles et le bourgmestre Philippe Close, en tant que chef de la zone de police. La Ligue des droits humains (LDH) s’était jointe à cette action, intentée au civil devant le Tribunal de première instance de Bruxelles.
Fixées initialement en février 2024, les plaidoiries avaient finalement été reportées et auront lieu ce jeudi pour se poursuivre et se clôturer ce vendredi 10 janvier.
L’absence de contrôle dans certains lieux de détention
En se joignant à cette action judiciaire, la Ligue des droits humains avait ciblé deux éléments qu’elle estime problématique dans le travail de certains policiers.
Le premier point concerne l’absence de mécanisme de contrôle dans les lieux de détention tel que la caserne d’Etterbeek où avaient été emmenés les manifestants arrêtés dans la foulée de la manifestation du 24 janvier 2021.
La Belgique a pourtant signé en 2005 l’Opcat, le Protocole facultatif de la Convention des Nations Unies contre la Torture. « Ce protocole poursuit l’objectif d’établir un système de visites régulières, effectuées par des organismes internationaux et nationaux indépendants, sur les lieux où se trouvent des personnes privées de liberté, afin de prévenir la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, expliquait, à l’époque, Pierre-Arnaud Perrouty, directeur de la LDH. La Ligue des droits humains demande la mise en œuvre de ce mécanisme qui aurait pu éviter la survenance de tels abus ».
La problématique de la nasse
L’autre élément pointé est la pratique dite de la nasse, dispositif policier qui consiste à encercler un groupe et l’empêcher de sortir, action qui pourrait être assimilée à une privation de liberté qui ne dit pas son nom selon certains défenseurs des droits humains.
En janvier 2023, Robin Bronlet, l’avocat des onze plaignants, rappelait à La Libre que la privation de liberté est soumise à une série de règles précises, raison pour laquelle, selon lui, le dispositif de la nasse pose encore plus problème. « Quand on est pris dans une nasse, on est, de facto, privé de liberté. Pourtant, aucun texte légal n’encadre clairement cette technique. En plus, la nasse ne permet pas de distinguer les individus et se fait donc de manière arbitraire. Lors de la manif, certains témoins ont d’ailleurs expliqué avoir été encerclés alors qu’ils n’étaient même pas présents pour le rassemblement. Des témoins nous expliquent aussi que les arrestations semblent avoir été décidées sur la base d’un profilage ethnique. Il est fondamental d’apporter des règles claires en la matière pour éviter ce genre d’abus. […] Ce que nous souhaitons, ce sont des changements de fond, car les abus pointés sont symptomatiques de maux plus profonds. »