France

Ecrans, alimentation, préventions des violences : Le nouveau carnet de santé veut s’inscrire dans son temps

Au fil des années, sa couverture a changé, son contenu aussi, mais il nous suit toutes et tous depuis la naissance. Et à l’occasion de la nouvelle année, il fait peau neuve. Une nouvelle version du carnet de santé des enfants est disponible depuis le 1er janvier.

Dans cette version actualisée, qui ajoute un nouvel examen obligatoire à l’âge de six ans, les vingt examens de santé obligatoires des enfants sont tous détaillés, a indiqué la Direction générale de la santé (DGS). Ce nouveau carnet de santé introduit également de nouveaux conseils aux parents, notamment sur l’utilisation des écrans. Le but des autorités sanitaires : faire de ce nouveau carnet de santé un outil pédagogique à destination des parents et des enfants, qui colle aux enjeux actuels de la société.

Renforcer la prévention

Dans cette nouvelle version, l’un des objectifs est de renforcer la prévention face à différentes problématiques de santé. Ainsi, à l’occasion des examens de la première année de l’enfant, le professionnel de santé apportera également des informations sur les « risques de dépression post-partum pour la mère et sur l’importance des interactions parents/enfants ». Et le carnet de santé comporte désormais des tableaux sur l’introduction des aliments au moment de la diversification alimentaire ou encore des conseils concernant le sommeil de son bébé. « Des conseils nouveaux et adaptés, pour aider les jeunes parents, notamment lorsqu’il s’agit du premier enfant, à décrypter les besoins de son bébé », salue le Dr Brigitte Virey, pédiatre et présidente du Syndicat national des pédiatres français (SNPF).

Des messages de prévention seront également transmis aux parents concernant la position de couchage, la mort inattendue du nourrisson, liste la DGS. Mais aussi pour prévenir le syndrome du bébé secoué (SBS). Selon un rapport publié en 2019 par Santé publique France, 1.215 enfants ont été victimes de traumatismes crâniens infligés par secouement et hospitalisés sur la période 2015-2017. Des chiffres qui seraient en deçà de la réalité. D’où l’importance de renforcer la prévention du SBS. « On ne m’a jamais parlé de ce syndrome, ni pendant ma grossesse, ni à la maternité. Mais je suis sûre à 100 % que c’est en parlant qu’on va prévenir le passage à l’acte, il faut engager la parole », plaidait déjà en 2020 Aude Lafitte, maman d’un enfant décédé des suites du SBS.

Pour chaque âge, des repères sont proposés aux parents pour situer l’enfant dans son développement, aussi bien social, cognitif que moteur. L’objectif est de détecter le plus précocement possible d’éventuels troubles du neurodéveloppement. « Pour cela, le carnet de santé prévoit des cases à cocher par le médecin durant l’examen, explique le Dr Virey. Si des anomalies sont détectées, il doit alors adresser les parents vers une plateforme de coordination et d’orientation (PCO) sans avance de frais. Sur le papier, c’est une bonne chose, mais en pratique, les pédiatres sont déjà en première ligne pour repérer ces troubles, et les résumer à deux cases cochées peut être trompeur, En outre, les délais de prise en charge peuvent être très longs, ce qui peut être anxiogène pour les parents », souligne la pédiatre.

En phase avec les « évolutions scientifiques et sociétales »

Au fil des pages, ce nouveau carnet de santé dispense différents messages de prévention face aux « évolutions scientifiques et sociétales », indique le ministère de la Santé. Les parents trouveront ainsi des conseils pour élever leur enfant sans violences, mais aussi pour apprendre à mieux gérer l’exposition aux écrans, qui a de nombreux effets délétères sur la santé et le développement des tout-petits. Selon une enquête de l’Insee publiée en 2022, plus d’un quart des enfants (27 %) de 2 ans utilisent déjà un écran. Et à 5 ans et demi, plus de la moitié d’entre eux (54 %) en a un usage régulier. Une habitude qui peut causer troubles du sommeil, de l’attention, mais qui peuvent aussi augmenter les risques d’obésité et affecter les capacités cardio-vasculaires, prévient l’Assurance maladie.

Pour lutter contre ce phénomène, les pages de prévention dédiées à cette problématique dans le nouveau carnet de santé préconisent, « dans une démarche de repérage par le professionnel de santé du mésusage des écrans », de ne pas laisser un enfant de moins de 3 ans seul devant un écran, qu’il s’agisse de la télévision, d’une tablette ou d’un smartphone. « Ces évolutions, déjà présentes dans la version précédente, traduisent la volonté des autorités sanitaires de faire du carnet de santé un outil pédagogique qui s’inscrit dans son temps, qui répond aux enjeux actuels en matière de santé globale des enfants, c’est bien », comment le Dr Virey.

Et les enfants plus âgés ne sont pas oubliés. Ce nouveau carnet de santé intègre désormais des questions concernant la pratique d’une activité physique pour tous les enfants, y compris adolescents, et prévoit pour eux des questions pour renforcer le suivi de leur état psychoaffectif. En outre, le repérage de l’endométriose est également abordé. « C’est une bonne chose, estime le Dr Virey, puisque nous suivons les enfants de 0 à 18 ans. On sait que l’endométriose touche beaucoup de femmes, dès un âge très jeune, et qu’il y a aujourd’hui encore de très gros retards de diagnostic. C’est bien de prévoir un temps d’échange avec les jeunes filles après leurs premières règles et de les interroger sur leur ressenti et leurs éventuelles douleurs. Le diagnostic précoce est toujours préférable ».

A quand le carnet de santé numérique ?

Du côté des pédiatres, si l’on salue les améliorations apportées à cette nouvelle version, on déplore quelques incohérences et le fait qu’elle soit encore en papier. « Cette nouvelle version peut-être un peu confusante pour les parents, craint le Dr Virey. Elle ne suit pas assez une ligne chronologique, on ne s’y retrouve pas facilement. Quant à l’aspect technologique et notre longue attente d’avoir enfin un carnet de santé numérique, le ministère de la Santé nous le promet depuis longtemps, mais ce n’est toujours pas une réalité, regrette-t-elle. Dans le cadre de cette refonte massive du carnet de santé, c’est dommage qu’elle n’ait pas été déployée d’emblée sous forme électronique. Non seulement pour optimiser le suivi médical de l’enfant, qui lorsqu’il est pris en charge par des professionnels de santé, parfois en urgence, n’a pas toujours son carnet de santé en papier avec lui », souligne-t-elle.

« Mais aussi afin de pouvoir élaborer une vraie politique de santé de l’enfant en France, insiste la pédiatre. Pour cela, il faut des données, or, des données, à ce jour, on n’en a pas. Dans le cadre du suivi de l’enfant, nous remplissons le carnet papier et différents documents et certificats, en papier aussi, ce qui ne permet pas une exploitation des données à l’échelle nationale. Ce sont des informations précieuses dont on se prive, et c’est peut-être le prochain grand chantier qu’il serait intéressant de mener ».

La dématérialisation du carnet de santé devrait, assure la DGS, être intégrée d’ici fin 2026 dans l’espace numérique en santé (Mon Espace Santé) de l’enfant.