Météo : Qu’est-ce que ces « trous à froid » où on enregistre des -30 °C en France ?
Vous n’avez pas mal lu : des – 20 à – 30 °C ont bien été enregistrés ce samedi de janvier dans le Jura, en France. A la Mouthe, station célèbre de Météo-France située à 940 mètres d’altitude. Le mercure y est descendu à -19 °C et même à -28 °C à Reculfoz, dans le Doubs. Certains sites encaissés sont propices au développement de ce phénomène glacial qu’on appelle « trous à froid ». Dans certaines conditions, l’air froid s’y retrouve piégé et des différences de 20 degrés peuvent exister entre la température sur le plateau et celle mesurée au fond du creux. Explications de ce phénomène météo peu connu, qui est ponctuel et localisé, avec l’aide de deux spécialistes.
Où se trouvent les « trous à froid » ?
« C’est un phénomène lié à une topographie particulière, pointe Jérôme Lecou, météorologue chez Météo-France. Il faut un creux souvent en altitude, à 900 ou 1.000 mètres. » « Les plateaux avec dépressions du Jura sont très propices aux trous à froid mais on en voit aussi à Saint-Martin-de-Londres, une plaine dans l’arrière-pays méditerranéen car il suffit d’une dépression pour que de l’air froid s’y accumule », complète Serge Zaka. Docteur en agroclimatologie, il étudie l’impact du climat sur l’agriculture et se présente comme vulgarisateur sur X. Il y a d’ailleurs posté un thread après les températures polaires relevées dans le Jura pour attirer l’attention sur le phénomène.
Dans quelles conditions se produisent-ils ?
Pour que la température descende au plus bas dans ces cuvettes, il faut un temps dégagé la nuit et quasiment pas de vent. « La neige au sol accentue le rayonnement infrarouge, soit la perte chaleur, et donc les gelées matinales, souligne Serge Zaka. Dans le Jura, toutes les conditions étaient réunies. » L’air se refroidit au contact des sols enneigés et sans vent, il n’y a pas d’échanges entre les masses d’air chaud et froid. « Avec la neige, le rayonnement la nuit est maximal ce qui favorise un refroidissement nocturne très intense », ajoute Jérôme Lecou. Le redoux peut intervenir rapidement, si le temps se couvre ou si le vent se lève. « Dès qu’il y a du vent, on peut gagner 20 degrés en quelques heures et le trou à froid ne fonctionne plus », commente Serge Zaka.
Comment évoluent ces mesures au fil des années, en lien avec le dérèglement climatique ?
« Le phénomène va exister dans un climat plus chaud mais on n’atteindra pas des -40 ou -50 °C, qui ont déjà été relevés en Europe, selon des données non officielles », avance l’agroclimatologue. Il n’existe pas de stations météo dans tous les trous à froid donc peut-être que les températures y sont descendues à des niveaux inférieurs. Le record national de froid français, officiel celui-là, a été de -36,7 °C à Mouthe, le 13 janvier 1968. Des passionnés installent cependant de plus en plus de stations météo et on a de plus en plus de relevés.
S’agissant des -19 °C de la Mouthe ce samedi, le météorologue de Météo-France pointe qu’il n’y avait « pas eu une valeur comme ça depuis janvier 2021 » et que globalement, « c’est un peu moins fréquent et un peu moins bas ».
« Cela ne veut pas dire que le climat général de la région ne se réchauffe pas, ce sont des phénomènes très ponctuels », tient à préciser Serge Zaka, voulant couper court aux commentaires des climatosceptiques sur le sujet, qui se sont précipités en généralisant le phénomène pour servir leur argumentaire.