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Attaque à la Nouvelle-Orléans : Muet aux Etats-Unis depuis 2017, l’Etat islamique peut-il y redevenir une menace ?

Contrairement à la fake news répandue par Donald Trump et Fox News, Shamsud-Din Jabbar, le suspect de l’attentat à la Nouvelle-Orléans la nuit du Nouvel An, était un citoyen américain, né au Texas. Il avait même servi au sein de l’armée de Terre, de 2007 à 2015, comme spécialiste en informatique puis chargé de ressources humaines, et reçu une médaille « Global War on Terrorism » après son déploiement d’un an en Afghanistan. Malgré ces marqueurs du patriotisme américain, Shamsud-Din Jabbar semble être tombé dans la spirale djihadiste.

A l’arrière du pick-up Ford F-150 qu’il a utilisé pour foncer sur la foule, les enquêteurs ont retrouvé un drapeau de l’Etat islamique. Le FBI a par ailleurs indiqué ce jeudi soir que le suspect avait déclaré avoir rejoint Daesh. Mais l’attentat n’a pas été revendiqué. « On ne sait pas encore si cette attaque, est organisée, planifiée, téléguidée par l’Etat islamique, ou bien s’il s’agit d’une attaque d’inspiration », tempère Laurence Bindner, cofondatrice du JOS Project, plateforme d’analyse de l’extrémisme en ligne. Ni même si le suspect « avait besoin d’être ancré dans une idéologie ou bien s’il s’agissait d’un pétage de plombs ». Mais le FBI estime qu’il aurait « agi seul ».

Daesh, une « marque leader » du terrorisme

Il n’y avait plus eu, aux Etats-Unis, d’attentat islamiste depuis le 22 mai 2020, lorsqu’un homme d’origine syrienne avait foncé sur la base militaire de Corpus Christi. Pour un attentat revendiqué par l’Etat islamique, il faut même remonter à fin 2017 à New York, lorsqu’un Ouzbek avait tué 8 personnes dans un attentat à la camionnette-bélier le 31 octobre, avant un attentat à la ceinture explosive dans le métro quelques semaines plus tard.

Pourquoi Shamsud-Din Jabbar a-t-il donc choisi une référence à l’Etat islamique ? Daesh « reste la marque leader sur le marché cognitif de la radicalité », analyse Laurence Bindner. « C’est comme un système de franchise, n’importe qui veut faire un attentat peut utiliser la marque, et plus il y a d’attentat, plus la marque est puissante », explique Manon Lefebvre, maîtresse de conférences en civilisation des États-Unis à l’Université polytechnique des Hauts-de-France. Même pour un ancien militaire converti à l’islam qui n’est pas allé directement au front, la « marque » peut être attirante. « Ce sont des gens qui ont vu de près la guerre au terrorisme et ont pu être dégoûtés de la manière dont elle se passe. Il n’y a pas de guerre propre », pointe-t-elle.

Plus récemment, si Al-Qaïda a davantage « capitalisé » sur le 7-Octobre, « cela fait presque deux ans et demi que les autorités françaises ont réévalué les capacités de menace projetée par l’Etat islamique », souligne Laurence Bindner. Même constat outre-Atlantique, où « plusieurs officiels américains ont récemment tiré la sonnette d’alarme » quant au risque terroriste. « Sur les six derniers mois, plus de 200 personnes soupçonnées de soutenir ou d’être liées à Daesh ont été arrêtées », note Manon Lefebvre, citant un rapport du FBI. En septembre, un attentat prévu pour l’anniversaire du 7 octobre a d’ailleurs été déjoué par les autorités.

Trump et la lutte antiterroriste

En Syrie, justement, les troupes américaines sont toujours bien présentes, malgré « deux tentatives de la part de Trump, pendant son dernier mandat, de quitter » le pays, rappelle Laurence Bindner. Les troupes américaines y mènent régulièrement des frappes sur les bases de Daesh, et « la présence américaine en Syrie contribue à sécuriser les lieux de détention de membres de l’EI et de leurs familles ».

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Plus récemment, la chute du régime de Bachar al-Assad « peut accroître le vide sécuritaire dans l’est du pays et le désert syrien où l’Etat islamique sévit ». Le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche peut-il remettre en cause cette présence ? Pour Manon Lefebvre, ses annonces « s’apparentent à de l’isolationnisme ». Elle tire un parallèle avec « l’avant 11-Septembre, au début du mandat de Georges W. Bush, qui avait refusé d’écouter les alertes des démocrates sur le danger que représentait Al Qaïda ».

Le risque est que Donald Trump « dévie des fonds alloués à la lutte contre le terrorisme vers la lutte contre l’immigration », poursuit l’experte. L’attentat de la Nouvelle-Orléans peut-il faire office d’alerte ? « Des attaques terroristes en lien avec l’EI ne manqueront pas de rappeler aux Américains que la guerre contre le terrorisme se poursuit », estime Laurence Bindner. Et contrairement à ce que semble croire le président élu, fermer les frontières ne suffira pas à épargner l’Amérique.