France

« Chemsex » : Comment sortir de l’engrenage ?

Dans la nuit de mercredi à jeudi, un jeune homme d’une vingtaine d’années est décédé à Tourcoing, dans le Nord, alors qu’il participait à une soirée « chemsex ». Ce terme, contraction des termes « chimique » (comprendre drogues) et « sexe » désigne « l’usage de substances psychoactives illicites lors de rapports sexuels » selon le site de Sidaction. 20 Minutes retrace le chemin qu’a suivi Léo* pour se défaire de cette addiction, éclairé par l’analyse du psychiatre-addictologue Laurent Karila.

Des sensations extrêmes… et un piège insidieux

Léo*, 26 ans, connaît bien l’univers du chemsex. « J’ai commencé à Madrid en 2021, j’étais curieux et je testais déjà d’autres drogues comme l’ecstasy ou la cocaïne » raconte le jeune homme. « Un gars rencontré sur Grindr – une application de rencontre LGBTQ – m’a proposé d’essayer la 3 MMC ». Cette drogue de synthèse, courante dans la pratique du chemsex « décuple tout : le toucher, le plaisir… le rapport sexuel peut alors durer plus de sept heures non-stop ».

De retour à Paris, sa consommation s’accélère, « d’abord une fois tous les deux mois, puis toutes les deux semaines ». Il explique : « Avant, on m’avait déjà proposé, et je disais non. Mais une fois que j’avais découvert ça, à chaque proposition, je finissais par dire oui ». Une pratique qui s’étale sur tout le week-end et qui impacte son emploi dans la restauration : « le lundi, j’étais épuisé, incapable de travailler ». Léo explique que la descente est de plus en plus rude : fatigue, culpabilité, isolement. Son déclic ? Une soirée où il est allé « trop loin ». Il lui aura fallu quatre jours d’arrêt de travail pour s’en remettre. « J’ai pris 5 taz ( ecstasy) et 4 grammes de 3-MMC en quarante-huit heures. J’ai halluciné, transpiré comme jamais… J’ai compris que je jouais avec ma vie et que d’autres personnes seraient mortes », témoigne le jeune homme, désormais abstinent.

« Un cocktail explosif »

Pour Laurent Karila, psychiatre addictologue à l’hôpital Paul-Brousse (AP-HP) cet épisode délirant et hallucinatoire fait partie des risques encourus, au même titre que la paranoïa ou le risque dépressif et suicidaire. « Le chemsex, c’est un cocktail explosif. Les drogues utilisées, comme la 3-MMC, la méthamphétamine ou le GHB, augmentent les risques de crises cardiaques, d’AVC et d’infarctus ».

La manière de consommer aggrave les dangers. « Beaucoup s’injectent les produits – ce qu’on appelle le « slam » – et partagent des seringues, favorisant les transmissions de maladies virales. Ces substances diminuent aussi les inhibitions, augmentant les risques d’infections sexuellement transmissibles », prévient le psychiatre, également auteur de « Docteur : Addict ou pas ? ».

« Réduire les risques liés au chemsex est essentiel pour éviter que la consommation ne déborde en dehors des soirées, » explique Laurent Karila. Il souligne l’importance d’éviter l’injection et de privilégier des environnements où le consentement est respecté, car « les effets des drogues peuvent facilement dépasser les utilisateurs. »

« L’addiction, une maladie chronique »

Aujourd’hui, Léo est sobre depuis plus d’un an et demi. « J’ai tout arrêté, pas seulement la 3-MMC. J’ai compris que je ne pouvais pas consommer d’autres drogues sans replonger ». Le jeune homme a aussi changé son environnement social. « J’ai arrêté de fréquenter les soirées où ça consommait. Maintenant, quand quelqu’un me parle de chemsex, je coupe les ponts ». Léo n’est pas le seul : sur l’application Grindr, certains précisent dans leur profil qu’ils refusent le chemsex. « C’est important de montrer qu’on peut dire non », souligne cet ancien consommateur.

Selon Laurent Karila, une des spécificités du chemsex est le lien entre consommation et sexualité. « Pour certains, il devient impossible d’avoir des rapports sans produits. C’est là qu’une dépendance s’installe ». Sortir du chemsex est un chemin difficile, mais pas impossible.

« L’addiction est une maladie chronique, qui peut entraîner des rechutes » souligne l’addictologue, qui préconise une abstinence durable. Pour s’en sortir, il conseille de « prendre rendez-vous dans un centre d’addiction, de rentrer dans un programme de désintoxication et de rejoindre un groupe de parole ». Et conclut, « avec un accompagnement adapté, on peut retrouver une vie équilibrée. »

* Prénom modifié