Sport

JO 2024 : « Il fallait tout recommencer à zéro en dix jours »… L’après Jeux olympiques vu par Lucas Dussoulier

Un premier tour poussif et quasiment anonyme (quatre défaites en sept matchs), avant une montée en puissance dantesque. Comme leurs collègues du 5×5, les basketteurs 3×3 tricolores ont fait vibrer le public en enchaînant des succès inattendus contre la Serbie (22-19) et la Lettonie (21-14) lors des JO de Paris 2024. Si un shoot lointain fatal du Néerlandais Worthy De Jong les a privés d’or (17-18), les Bleus ont conquis la place de la Concorde cet été au-delà de leurs espérances.

Parmi les quatre joueurs ayant vécu cette folle aventure couronnée d’une médaille d’argent à la maison, Lucas Dussoulier a accordé vendredi un entretien à 20 Minutes. Joueur professionnel en Betclic Elite avec Nanterre (en basket 5×5 donc), l’ailier gaucher de 28 ans revient avec cinq mois de recul sur sa digestion délicate des Jeux, liée à une grande fatigue accumulée.

Repensez-vous souvent à votre lancer-franc décisif contre la Lettonie, le 5 août dernier, synonyme de finale olympique ?

Il n’y a pas que ce lancer-franc. Je me remémore beaucoup de moments, déjà car on m’en reparle régulièrement, que ça soit ma famille, des amis ou des joueurs adverses qui me félicitent pour ce que j’ai fait cet été. Ne sortir qu’un seul souvenir de ces JO, c’est compliqué. Il y en a plein qui reviennent par-ci par-là, au quotidien. Ça fait toujours plaisir de repenser à ces moments incroyables qu’on a vécus.

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Dans un sens, avez-vous le sentiment que vous ne vivrez plus jamais un moment sportif aussi fort de toute votre carrière, et est-ce dur à accepter ?

Oui, je suis même persuadé qu’en cas de médaille d’or à Los Angeles en 2028, ça ne sera pas aussi intense. Là, on était à Paris, à domicile, il s’agissait de mes premiers JO, et ça avait toujours été un rêve pour moi. Vivre ça avec nos familles, avec nos proches, c’était assez fou. Je suis complètement conscient de ça, et c’est pourquoi c’était un peu dur au début de passer à autre chose.

Qu’est-ce qui a vraiment été dur selon vous, au sortir de cette médaille d’argent historique pour le basket 3×3 français ?

De vite passer du probable meilleur moment de ma carrière, le plus intense en tout cas, au fait de repartir sur une nouvelle saison. En fait, il fallait tout recommencer à zéro en seulement dix jours. Je vois que certains autres athlètes ont pris deux ou trois mois de vacances et qu’ils n’ont pas encore repris la compétition aujourd’hui. Moi, j’ai eu dix jours pour passer à autre chose. Même si je me suis engagé dans ce processus en sachant tout ça, je ne m’attendais pas à un tel succès, à de telles émotions, et c’est forcément compliqué.

Finalement, vous pointez ce qu’évoquait Kylian Mbappé dans sa récente interview sur « Clique », au sujet de l’usure mentale et physique des footballeurs professionnels…

Oui, à ma petite échelle, j’ai vécu ça : je n’ai pas eu de moment pour couper et profiter de ces JO avec un temps rien que pour moi. J’ai dû enchaîner directement en me focalisant sur de nouveaux objectifs avec Nanterre. Mon corps était très fatigué, même si j’étais bien entouré avec le préparateur physique du club, qui m’a aidé avec des compléments et de la récupération. J’ai fait attention à ne pas me blesser. Dans le premier mois de reprise, je n’avais parfois pas forcément envie d’aller m’entraîner. Mais je n’avais pas le choix, alors j’y allais. Le côté mental a beaucoup joué.

Lucas Dussoulier (à droite) a pu savourer sa médaille, le 7 août au Parc des Champions du Trocadéro, aux côtés de ses potes du 3x3 Jules Rambaut, Timothé Vergiat et Franck Seguela.
Lucas Dussoulier (à droite) a pu savourer sa médaille, le 7 août au Parc des Champions du Trocadéro, aux côtés de ses potes du 3×3 Jules Rambaut, Timothé Vergiat et Franck Seguela.  - J.Guez/AFP

Quand on a goûté à l’adrénaline d’un match couperet en vue d’une médaille olympique, est-il difficile de se remettre pleinement dedans en retrouvant la Betclic Elite et la Ligue des champions (BCL), et non la NBA ou l’Euroligue comme les médaillés du 5×5 ?

Oui, mon après-JO a été très difficile sportivement. J’avais beaucoup de difficultés à me motiver, à repartir sur un tout nouveau projet. Aujourd’hui, tout va très bien mais oui, comme il y a plus d’émotion au 3×3, on vit les choses beaucoup plus intensément. Après deux mois de 3×3, les matchs de 5×5 me paraissaient super longs, parfois un peu fades. Je me demandais même pourquoi j’étais là.

Comment avez-vous fini par retrouver le goût du basket 5×5 et de la Betclic Elite ?

Je suis un peu habitué au changement 5×5 et 3×3 chaque été. Ce qu’il y a de bien après un résultat comme ça, c’est qu’on arrive avec de la confiance, peu importe où on va. Ça m’a facilité les choses. Là, j’ai retrouvé tout le plaisir du 5×5. Et puis je suis lucide : je sais qu’aujourd’hui, je n’ai pas le niveau pour jouer en Euroligue. La Betclic Elite et la BCL, ce sont les objectifs qui m’animent.

Ici lors d'un match de Betclic Elite disputé le 15 décembre à Gravelines-Dunkerque, Lucas Dussoulier tourne cette saison à 8 points de moyenne dans le championnat de France avec son équipe de Nanterre (10e).
Ici lors d’un match de Betclic Elite disputé le 15 décembre à Gravelines-Dunkerque, Lucas Dussoulier tourne cette saison à 8 points de moyenne dans le championnat de France avec son équipe de Nanterre (10e).  - A. MCKIE/SIPA

A quel point cette médaille a-t-elle un impact sur votre carrière professionnelle, sur les sollicitations dont vous pouvez faire l’objet depuis cet été ?

Le 3×3 et le 5×5 sont vraiment deux disciplines différentes. Mes performances en 3×3 n’ont rien changé sur ma valorisation dans le basket 5×5, sur ce que les entraîneurs peuvent penser de moi. Je venais de signer mon nouveau contrat en juin à Nanterre (jusqu’en 2026), et aucun autre club ne m’a contacté depuis. La première semaine, on avait quelques sollicitations. Aujourd’hui, on n’a plus grand-chose. Mais je n’ai pas fait ça pour avoir de la lumière sur moi, tout ça reste un peu futile. Je sais que ma famille est fière de moi, c’est le plus important à mes yeux.

On vous propose un scénario « what if » concernant la finale face aux Pays-Bas (17-18) : si Worthy De Jong avait raté son ultime tir ou si Timothé Vergiat avait marqué le sien dans le temps réglementaire, votre vie serait-elle différente aujourd’hui ?

C’est difficile à dire. On a déjà beaucoup marqué les esprits des Français, des fans de basket comme de tous ces gens qui ont découvert le 3×3 grâce à notre parcours magnifique. Avec le recul, il y a forcément des regrets quant à cette médaille d’or, mais aussi beaucoup de fierté. Je ne suis pas certain que l’or aurait changé grand-chose.

Y a-t-il eu des retombées concrètes et immédiates sur la professionnalisation du basket 3×3, que visent vos coéquipiers Franck Seguela et Jules Rambaut, sans contrat pro en 5×5 ?

Pendant deux ans, Franck et Jules ont parcouru le monde entier en étant payés par la Fédération française de basket-ball (FFBB). Ils ont pu en vivre avec pour objectif les JO. La Fédé a depuis arrêté de financer le projet et Franck et Jules essaient de créer une nouvelle équipe avec des sponsors privés. Même si c’était prévu comme ça, il y a forcément de la déception de voir le projet avec la FFBB s’arrêter alors qu’on venait de réussir notre objectif. On peut donc se dire que l’investissement a payé et qu’il faudrait continuer. Mais avec notre médaille, on a aidé à mettre en avant le basket 3×3 en France, à pousser les gens à le découvrir et à l’aimer. C’était hyper important, surtout pour ceux qui cherchent à vivre du 3×3.

A 28 ans, comment voyez-vous votre carrière d’ici les JO de 2028, entre 5×5 et 3×3 ?

D’ici 2028, il peut se passer énormément de choses. Je ne me prends pas la tête et j’essaie de profiter de cette Olympiade 2024 tout en me consacrant à ma saison de 5×5 avec Nanterre. Dans l’immédiat, je ne veux pas passer professionnel en 3×3, mais pourquoi pas dans le futur si l’occasion se présente. Là, la dimension financière attire moins de monde dans le 3×3 que dans le 5×5. Mais quand le 3×3 aura créé tout un circuit économique, il va attirer de plus en plus de bons joueurs. Depuis le début, le 3×3 a toujours un peu été une aventure. C’est plus roots que le 5×5 : on ne sait pas trop où on va mais on y va à fond.

Notre dossier sur les JO de Paris 2024

Et vous, serez-vous personnellement à fond pour les prochaines échéances de 3×3, avec la Coupe du monde et la Coupe d’Europe à l’été 2025 ?

L’été prochain, j’aurai besoin de reposer mon corps et ma tête car ça fait quasiment dix ans que j’enchaîne saison de 5×5 et 3×3. Je n’ai jamais vraiment de vacances donc je vais essayer de profiter de mes proches. Cette fois, le 3×3 ne sera pas ma priorité.