La numérisation de la justice : Une menace pour les droits des justiciables ?
La mise en place récente d’une plateforme numérique par la Cour suprême pour traiter les pourvois en cassation suscite une vive controverse au sein de la communauté juridique algérienne. Avocats et défenseurs des droits pointent du doigt une « déshumanisation de la justice », causée par des rejets massifs de requêtes pour des raisons de forme.
À l’origine de cette polémique, Me Ahmed Saï, ancien président de l’Union des Ordres des avocats (UNOA), a dénoncé sur les réseaux sociaux les conséquences graves de cette « robotisation de la justice ».
Selon lui, un simple oubli, tel que l’omission de la profession ou de l’adresse du justiciable, suffit à entraîner le rejet d’une requête.
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« C’est la machine qui tranche, ce qui équivaut à déshumaniser la justice », déplore Me Saï, affirmant que dans 57 cas étudiés, les requêtes ont été rejetées.
Pour Me Saï et d’autres avocats, ces rejets, souvent motivés par des erreurs mineures, entraînent une atteinte grave aux libertés et aux droits fondamentaux des justiciables.
« La justice ne peut pas se limiter à chercher des erreurs de forme pour éviter de traiter les affaires sur le fond », ajoute-t-il, appelant le ministre de la Justice à intervenir pour réviser le Code de procédure pénale et intégrer les propositions des avocats.
Une crise dénoncée par l’Union des Ordres des avocats
Brahim Taïri, président de l’UNOA, soutient les propos de Me Saï et qualifie la situation de « crise grave ». Selon lui, environ 60 % des pourvois en cassation sont rejetés pour des motifs formels. « Nous avons demandé une réunion avec le président de la Cour suprême pour discuter de cette problématique, mais nous attendons toujours une réponse », explique-t-il.
De son côté, Me Abdellah Heboul parle sur sa page Facebook d’une « catastrophe légale et juridique » qui compromet gravement les droits des citoyens.
Pour Me Fetta Sadat, cette plateforme est un outil pour désengorger la Cour suprême, mais au prix des droits des justiciables.
« La Cour suprême est leur ultime recours pour obtenir justice. Rejeter les dossiers en la forme revient à empêcher leur traitement sur le fond », argue-t-elle.
Elle souligne que ni le Code de procédure pénale ni aucune autre loi ne prévoient un tel recours à la numérisation pour trancher les affaires. Selon elle, « ce procédé abusif représente un déni de justice et va à l’encontre de la construction d’un État de droit ».
Un appel à des réformes urgentes
Face à ces critiques, les avocats demandent une intervention rapide pour corriger cette dérive.
La rencontre souhaitée avec le président de la Cour suprême pourrait offrir l’opportunité d’évaluer les impacts de cette plateforme numérique et d’explorer des solutions pour préserver les droits des justiciables tout en modernisant le système judiciaire.
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Dans ce contexte, le défi reste de concilier efficacité technologique et respect des principes fondamentaux de la justice humaine.