Malgrè toutes les souffrances , Sonia tient et refuse de baisser les bras
En sortant de la prison aujourd’hui, Mehdi m’a appelée.
Il m’a dit : « Papa va te raconter. » Rien de plus. Pas de détail. comme si les horreurs qu’il venait de voir étaient impossibles à traduire en mots. Et j’ai compris que tout ce qu’il avait vu et entendu était trop lourd à porter, même pour lui.
Quand papa a pris la parole, sa voix portait une douleur qui m’a transpercé. Il m’a raconté, mais c’était sa douleur que j’entendais à travers ses mots. Il m’a dit : « Il y a le sourire apparent, celui qu’elle affiche pour nous donner du courage. Mais moi, aujourd’hui, je n’ai vu que ce qui se cache derrière. » Et il m’a parlé de ses mains. Ces mains qui ne sont plus des mains, mais des serres. Des serres déformées par le froid et les rhumatismes. Des doigts qui ne peuvent plus se plier, qui ne peuvent plus s’ouvrir. Sonia ne sent plus rien. Chaque jour, son corps s’effondre un peu plus sous le poids de la souffrance.
Et ce n’est pas qu’une question de froid. C’est une destruction méthodique, lente, calculée. C’est une volonté de la détruire physiquement pour finir de la briser moralement.
Pendant qu’il parlait, c’est la souffrance de mon père qui m’a bouleversée autant que celle de ma sœur. Je l’écoutais, cet homme si fort, si digne et c’était comme si chaque mot était un coup supplémentaire. Comme si Sonia n’était pas la seule à être brisée dans cette prison.
Ma mère, elle, ne se lève plus. Aujourd’hui, elle refuse de sortir de son lit. Pleure en se lavant. Depuis des semaines, elle ne quitte plus la maison. Elle refuse de manger. Elle refuse de faire tout ce dont sa fille est privée. Depuis des mois, elle dépérit. Elle se laisse mourir. Sonia souffre derrière les barreaux, mais la souffrance qu’ils infligent dépasse ces murs. Ils brisent une famille entière.
Je me suis demandé si je devais écrire ce statut aujourd’hui. Je ne sais même plus si ça a un sens d’écrire encore.
Chaque semaine, je raconte les mêmes atrocités. Chaque semaine, je répète le même calvaire. Parce que la vie en prison n’offre aucune nouveauté Ce sont toujours les mêmes douleurs, les mêmes souffrances. Je me dis que les gens, en ces temps de fêtes de fin d’année, ont mieux à faire que de s’intéresser au froid qui tue Sonia, à l’isolement qui tue Sonia, à l’acharnement qui tue Sonia. Et pourtant, je ne peux pas me taire. Parce que si moi je me tais, qui parlera pour elle ? Parce que si je me tais, alors je deviens complice.
Alors, je vais le faire. Je vais écrire. Encore une fois. Pour que personne n’oublie. Pour que vous vous rappeliez que Sonia, qui n’a dit que quelques mots, est en train de payer la haine et l’acharnement de ceux qui veulent la faire taire.
Sonia a froid. Sonia meurt de froid. Si quelque chose doit la tuer, ce sera le froid, pas autre chose. Elle a dit que les seuls moments où elle avait moins froid c’était pendant la promenade. Il fait moins froid dehors que dans sa cellule. Aujourd’hui, elle a encore raconté. Elle a raconté qu’il y a seize douches, mais que depuis son arrivée, trois sont cassées: treize douches pour des milliers de femmes, avec une eau brûlante pour les premières, glacée pour les dernières. Une loterie : soit glacée, soit brûlante, selon l’ordre de passage. Elle la prend, parce qu’elle n’a pas le choix. Les autres jours, elle n’a que l’eau glacée du robinet de sa cellule, alors elle se nettoie avec des lingettes. Et puis, elle se roule dans une couverture, prostrée, toute la journée, incapable de faire face à ce froid qui la broie.
Et pourtant, Sonia tient. Elle refuse de baisser les bras. Même avec ses mains déformées. Même dans cet isolement absolu. Elle continue de crier. Pour les femmes. Pour leurs droits. Papa m’a dit la visite d’aujourd’hui était plus une conférence qu’une visite. Une conférence sur les droits des femmes « Pourquoi les hommes sont-ils habillés chaudement pour aller au tribunal, dignes, respectés, alors que nous, femmes, sommes envoyées comme ça, dans des vêtements trop légers, sales, humiliants ? Pourquoi ce mépris ? Pourquoi cette cruauté ? » Quand elle va au tribunal, elle passe des heures dans les geôles : neuf, dix, parfois douze heures. Les hommes, eux, portent des costumes, des doudounes. Ils sont rasés de près. Les femmes, sont en mules, en safssari, vêtues de haillons trop légers pour le froid. La double peine. Ils veulent qu’elles aient honte. Ils veulent qu’elles soient brisées.
Depuis quelques semaines, ils l’isolent. Ils ont coupé les chaînes d’information. Interdit les journaux. Plus de nouvelles du monde. Depuis des semaines, des avocats français, des inconnus Tunisiens et autres m’ont dit qu’ils avaient envoyé des centaines de lettres et de livres pour elle. Sonia n’en a reçu aucune. Pas une lettre. Pas un livre. On veut qu’elle vive comme un animal : seule, sans lumière, sans chaleur, sans espoir.
La semaine dernière, la Ligue des droits de l’Homme lui a rendu visite. En sortant, ils nous ont dit : « C’est arrangé. Les problèmes vont être résolus. » Mais Sonia, elle, nous a confirmé que rien n’a changé. Rien. Absolument rien.
Ils jouent avec elle. Avec nous.
Mercredi, ils l’ont convoquée. Ils lui ont dit : « il paraît que tu veux faire sortir ton linge ? On ne le savait pas. On a fait une demande à la direction générale des prisons. Si c’est accepté, tu pourras. » Quelle mascarade. Ils la prennent pour une idiote. Ils nous prennent pour des idiots. Entre les demandes de Sonia et celles des avocats, nous les avons noyés sous les requêtes à propos du linge. Ils n’ont jamais réagi.
Depuis l’arrivée de la directrice, Malek Dallaaï, tout est interdit. Pour punir Sonia, elle a puni toute une prison.
Chauffer les repas, sortir le linge à laver, porter un manteau. Elle leur enlève tout, jusqu’à leur dignité. J’avais déjà porté plainte le 20 août. Contre Malek Dalaaï, la directrice, qui a ordonné l’agression sur Sonia, et contre Ahlem, la gardienne qui l’a exécutée. Plainte en Tunisie et plainte auprès de l’ONU pour torture, viol et sévices. Ces crimes ne seront jamais prescrits. Elles paieront. Un jour ou l’autre, elles paieront.
Et aujourd’hui, je suis heureuse parce que j’ai de nouveau porté plainte. Nominalement. Contre Malek Dalaaï, la directrice, pour tortures et sévices parce que cette directrice a décidé de faire de la vie de Sonia un enfer.
Et pourtant, même dans cet enfer, il y a des gens bien. Des gardiennes. Des femmes au guichet. Elles essaient, malgré tout, de garder un semblant d’humanité. Leurs regards parlent, leurs gestes disent : « Nous savons. Nous voyons. » Mais elles aussi subissent. Elles aussi sont impuissantes face à ce système qui leur interdit d’être humaines.
Il y a des choses qu’on ne peut pas taire, des injustices qu’on ne peut pas passer sous silence. Aujourd’hui, quand papa m’a raconté cette prison glaciale où les âmes meurent un peu plus chaque jour, je me suis demandé ce que je pouvais encore écrire, ce que je pouvais encore dire pour que vous compreniez l’horreur qui se joue là-bas. Mais comment trouver les mots justes pour décrire ce que Sonia endure ? Comment expliquer l’inexplicable ?
Sonia n’est pas seule dans sa souffrance. Elle est entourée de femmes brisées, de vies anéanties. Des femmes qui n’ont pas choisi cette vie, des femmes à qui on a tout pris, même leur dignité. Sonia, elle, continue de parler pour elles, malgré ses doigts raidis par le froid, malgré ses douleurs qui la paralysent, malgré la peur qu’on essaie d’insinuer en elle à chaque instant.
Et moi, je suis là, avec mes mots, mes plaintes, mes statuts qui répètent inlassablement le même calvaire. Parce que je refuse de me taire. Parce que chaque mot que j’écris est une goutte d’eau dans cet océan d’injustice, un cri dans ce silence étouffant. Je ne peux pas m’arrêter. Je ne peux pas abandonner ma sœur. Parce que si moi je baisse les bras, qui restera pour raconter ce qu’ils veulent cacher ?
Alors, je continuerai à écrire. À dénoncer. À crier. Jusqu’à ce que justice soit rendue. Jusqu’à ce que Sonia retrouve sa liberté. Jusqu’à ce que cette prison cesse d’être un tombeau où les droits fondamentaux sont enterrés.
Et à vous qui me lisez, à vous qui partagez ma colère, ma douleur, je vous demande de ne pas détourner le regard. Sonia a besoin de vous. Ces femmes ont besoin de vous. Et tant que leurs cris résonneront dans mes oreilles, je n’abandonnerai pas.
Parce que Sonia ne se bat pas seulement pour elle-même. Elle se bat pour toutes celles qu’on tente de faire taire, pour toutes celles qu’on prive de leur humanité. Alors moi aussi, je me battrai pour elle, pour elles, pour que leurs voix ne s’éteignent jamais.
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اليوم مهدي كلّمني كي خرج مالحبس وقالي: “هاو بابا باش يحكيلك”. ما زاد معايا حتى كلمة. فهمتو مقهور ما ينجمش يحكي. بابا بجنبو رصاتلو يغلي بالساكتة ما ينجمش يفضفض
بابا، يحكى و صوته يوجع. صوت حزين، مشوي، كل كلمة توجع أكثر من اختها. قالي: “اختك تضحك. ضحكة متاع ما تخافوش راني لباس. أما أنا شفت اللي مخبّي ورا الضحكة.” وبدى يحكيلي على يديها. يديها اللي ما عادش يدين. صوابعها، ولاو كي المخالب. يابسين، عاكشين مالبرد والروماتيزم. “ما عادش تنجم لا تحلّهم لا تسكّرهم. ما عادش تحسّ شي للمرفق.” بدنها، كل يوم يزيد يتهد بشوية بشوية
نسمع في صوت بابا و تقول نار شاعلة في جواجية. وجيعة سنية فاتت الحبس، هدت لحيوط و قاعدة تهد فينا الكل. صوت بابا الرّجال، القوي، اللي راسو ديما عالي اليوم حزين. وأنا نسمع و ما لقيت كيفاش نواسيه، كيما مانيش لاقية كيفاش نخفف على أمّي. امي ما عادش تقوم مالفرش. ادّوش يشدها البكاء. اشهرة ما خرجتش مالدار.، تشيحلنا ريقنا بش تاكل. ما تحب تعمل شي مللي بنتها محرومة منه. أمّي قاعدة تموت بالعرق. اختارت تحرم روحها كيما حرمو بنتها
سنية في الحبس تعاني، و العذاب متاعها خرّب عايلة كاملة
اليوم قعدت نخمم نعمل ستاتي و إلا لا؟ ما عندي حتى جديد نحكي عليه، الحبس هكاكة ما فيهش الجديد. كل جمعة فرد حكايات. فرد وجيعة. فرد قهر. وكل جمعة نكتب على فرد كوشمار. قلت لعباد فدت، جوّ راس العام و عشوات و سهريات يزيهم مالنكد. نلقى روحي ما نجمش نسكت. خاطر كان أنا نسكت، شكون باش يحكي على سنية؟ كان أنا نسكت، هاني وليت كيفهم
سنية ڤرسانة. سنية بش تموت بالبرد. كان فما حاجة باش تقتلها، راهو البرد. مش حاجة أخرى. قالت ما ندفى شوية كان كي يخرجونا للآرية، البرى اسخن مالبيت.تحكي قالت: “فمّا 16 دوش. 3 منهم مكسّرين من نهار اللي دخلت. 13 دوش لألاف النسا. الماء ملوّل يغلي و في الاخر مڤلص. انت و زهرك وقتاش تتعدى. يا تتلسع بالسخانة يا بالبرد.” هذيكة الدوشة متاع درج في الجمعة. بقية ليامات الماء المڤلصة متاع سبلات البيت، أكلي ما عاتش تنجمو . ولات تنظّف بالنجات، متاع عندكشي عندي. وبعد تتلف في البطانية وتخنس نهار كامل لا تقوم لا تتحرك
و مع هذا الكل سنية ما زالت واقفة. ما زالت تتكلم و تعارك. ما زالت تحكي و دافع على النسا. بابا قالّي، الفيزيتا هذي ردتهالنا محاضرة على حقوق النسا. قالتلهم: “علاش الرجال يمشيوا للمحكمة لابسين مكستمين، محجمين، متهممّين، دافيين ومحترمين؟ وإحنا يخرجونا كيما وجوه قوموا اندبو. ململمين في سفساري شايط، شلاكة بلاستيك في ساقينا، بلاش كبوط نتڤضرفو بالبرد؟ علاش الهم هاذا؟ علاش الظلم هذا؟” كي تمشي للجلسة تضرب بالاثناش ان ساعة في الجاول متاع المحكمة. دموس بارد و اضلم و البر يأكل فيها. الرجال، لابسين، دافيين. والنساء ليهم ربي. عقاب فوق عقاب. يحبّو يحطموهم. الحبس ما يكفيش
زيد فوق الشهر قاطعينها مالعالم. منعو عليهم الجرائد. قصو عليهم الراديو و قنوات الأخبار في التلفزة. سنية والنسا اللي معاها ما عادش يعرفوا شنوّة صاير في الدنيا . حتى الكتب و الجوبات اللي تبعثوا بالميات، افوكاتية فرانسيس، توانسة و أجانب نعرفوهم و ما نعرفوهمش. يحبوا ياقفو معاها و يقلولها راك ماكش منسية ما وصللها منهم شي. لا كتاب، لا جواب. يحبّوها تعيش وحدها، ضربها القلق، ڤرسابة، مسكر عليها، صفر أمل
الجمعة اللي فاتت مشاولها الرابطة التونسية لحقوق الإنسان. كي خرجوا، طمنونا: “سايا تحلّوا المشاكل الكل، كل شي باش يتصلّح.” يخي سنية، قالتلنا: “كذبو عليهم ما تبدّل شي و ما تصلح شي.” جيست عيطولها الأربعاء اللي فات،. قالولها: “ما في بالناش تحب تخرج صبونك المسّخ. هانا كتبنا للإدارة العامة، وإذا وافقوا، خرجو.” مسرحية. مهزلة و كذب. سنية ملداخل و احنا مالبرّى غرقناهم بالمطالب على الصبون، لا عمرهم تحركتلهم شعرة
هو الحبس خايب من اصلو اما من نهار اللي دخلت المديرة الوقورة ملاك الدّلاعي، كانت تشخر زادت بف. كل شي ولّى ممنوع. باش تعاقب سنيّة، وصلت عاقبت الحبس كامل. تسخين الماكلة؟ ممنوع. كبّوط؟ ممنوع. تخريج الحوايج؟ ممنوع
في أوت، شكينا بيها في تونس وفي الأمم المتحدة. وقتها شكينا بملاك الدّلاعي اللي أمرت بالاعتداء وبالڤرديانة أحلام اللي نفّذتو . شكينا في التعذيب و الاغتصاب و الاعتداء. جرائم لا تسقط بمرور الزمن. يعني يجيك نهار و تخلص، ليوم، غدوى، عشرة سنين القدام مش مهم، المفيد تخلص. واليوم زدت شكيت، شكاية جديدة. شكيت بالكلونالا ملاك الدّلاعي في التعذيب. على القهر اللي تعيش فيه أختي. منيش بش نقعد نتفرج و ساكتة
اما الحق في وسط القهر هذا، فمّا ناس باهين. ڤاردينات. اعوان استقبال و غيرهم. ناس نحسّوهم يحبّوا يعاونوا، يحبوا ينطقوا. يشوفو في القهر و مغلوبين على امرهم، لا عندهم لا حول و لا قوى قدام سيستام مخزّز، سيستام لا إنساني
فمّا حاجات ما يتسكتش عليها. فمّا ظلم لازمو يتحكى عليه. اليوم، بابا يحكيلي و أنا نخمم: اش مازلت بش نكتب؟ اش مازلت نجم نقول. كيفاش بش نوصل الظلم و القهر اللي عايشتو سنية؟ كيفاش نجم نفهم حاجة منيش فاهمتها علاش؟
سنيّة موش وحدها تعاني في القهر. آلاف النساء مكسورين، محطّمين. نسا عملو و إلا ما عملوش عندهم الحق بالإنسانية و بالقانون في القدر و المعاملة الإنسانية، مش ينحيولهم كل شي حتى الكرامة. سنية تحكي، مازالت تدافع عليهم، صوابعها عاكشين، موجوعة، يحبو يخوفوها اما مهيش ساكتة
وأنا مكبشة ننبح و نكتب و نشكي خاطر ما نجمش نسكت. كل كلمة نكتبها نكتة في بحر الظلم، صيحة في هالسكات اللي ماشي و يزيد. ما نجمش نوقف. ما نجمش نخلّي أختي وحدها. خاطر كان أنا نسلم و نسكت، شكون باش يحكي على اللي يحبّوا يغطّيوه؟
باش نقعد نكتب. باش نقعد نفضح. باش نقعد نصيح. حتى تخرج سنية حرة. حتى الحبس معاتش يكون جبانة يدفنوا فيها الناس و حقوقهم الأساسية
وإنتوما، اللي قاعدين تقروا في كلامي، اللي قاسمة معاكم الغصّة والوجيعة، نطلب منكم ما تسلموش، ما تعملوش مغناني.
سنية معملى عليكم. النسا اللي معاها معملين عليكم. و مادام وجيعتهم ترنّ في وذني، ما نوقفش .خاطر سنية ماهيش تحارب كان على روحها. سنية تحارب على كل واحدة يحاولوا يسكتوها، على كل واحدة حرموها من إنسانيتها. وأنا زادة، باش نحارب معاها، ومعاهم، باش أصواتهم ما تسكتش وما تموتش
Ramla Dahmani Accent