Noël : « Rolls-Royce de la volaille », la poule coucou de Rennes veut sauver ses plumes
«Je préfère ça à un chapon, je trouve ça beaucoup plus tendre et agréable en bouche. » Comme chaque année avant les fêtes, Nolwenn a fait un détour par les Halles Centrales de la capitale bretonne pour commander une poule coucou de Rennes qu’elle accompagnera avec « des pommes de terre, des châtaignes et du potimarron ». Sur les tables de Noël, les volailles fermières vont encore occuper une bonne place aux côtés des fruits de mer. Avec au choix, une dinde, une pintade ou un chapon tandis que les plus fins gourmets se tourneront vers le poulet de Bresse, souvent considéré comme « la Rolls-Royce de la volaille ».
Mais une autre race, plus confidentielle, pourrait aussi se prévaloir de ce titre honorifique en la personne de la coucou de Rennes. Une poule au nom rigolo, en référence à son joli plumage gris barré de blanc rappelant celui de l’oiseau coucou gris, qui comme son nom l’indique est originaire de Bretagne. A partir de la fin du XIXe siècle, on en trouvait dans tous les élevages de la région et particulièrement dans le bassin rennais. Poule assez sauvage, bagarreuse et résistante au froid et à la pluie, elle se verra sacrer « meilleure race française » en 1903 au Concours général agricole avant son homologation officielle en 1914.
Une poule appréciée des chefs étoilés
Un âge d’or qui se prolongera jusqu’à la moitié du XXe siècle avant son lent déclin au sortir de la guerre. « Elle ne correspondait plus aux critères de l’agro-industrie où il fallait produire rapidement et en quantité », souligne Olivier Renault, éleveur à Louvigné-de-Bais, non loin de Vitré (Ille-et-Vilaine). La race quasiment éteinte, l’Écomusée du pays de Rennes parvient tout de même à retrouver la trace de quelques spécimens avant de se lancer dans une mission sauvegarde. Paul Renault, le père d’Olivier, fait également goûter la poule à certains restaurateurs de sa clientèle parmi lesquels des grands chefs comme Pierre Gagnaire, Olivier Rœllinger ou Alain Passard.
« Tous les retours ont été unanimes », souligne Olivier Renault, louant « la chair très goûteuse » au léger goût de noisette de la cocotte. Dans la foulée, une association de producteurs voit alors le jour « pour sortir la poule du musée » et relancer une microfilière au cahier des charges très exigeant. « C’est au minimum cinq mois d’élevage en plein air, contre deux mois et demi pour une Label Rouge, avec une alimentation à base de céréales de la ferme et une finition au petit-lait », détaille Olivier Renault.
Crise du Covid + guerre en Ukraine + grippe aviaire
Bien choyées, aux antipodes de leurs consœurs élevées en cages, les poules coucou disposent aussi d’un espace d’au moins 10 m2 chacune et ne sont élevées que par petits lots de 500. « Elles n’ont pas trop à se plaindre en effet », sourit l’éleveur, fier d’avoir sauvé « cette race typique et ancienne qui était menacée de disparition ».
Mais depuis quatre ans, de nouvelles menaces pèsent sur les huit éleveurs qui produisent encore cette poule de luxe. Il y a d’abord eu la crise du Covid qui a stoppé toutes les ventes avec la fermeture des restaurants et marchés. Puis le déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022 qui a fait exploser le prix des céréales. Et la grippe aviaire enfin qui a fini d’assommer les éleveurs, dans l’obligation de confiner leurs volailles.
Malgré des aides des collectivités et la fidélité des clients, l’association des producteurs de coucou est ressortie de cette lessiveuse avec une dette de 50.000 euros que ses membres peinent à apurer. D’où le cri, ou plutôt le caquètement d’alarme, de ces éleveurs qui ont lancé une cagnotte en ligne pour les aider « à sauvegarder ce patrimoine génétique et à le transmettre aux générations futures ».