MMA : « L’UFC, ils ont droit de vie et mort sur toi »… Pourquoi Parnasse ne combat pas encore aux Etats-Unis ?
Pas besoin de chercher un obscur arrière-grand-père polonais, comme l’ancien défenseur Damien Perquis, passé international après de longues démarches. Salahdine Parnasse pourrait demander la nationalité de Lech Walesa qu’il aurait le passeport dans l’heure. Le combattant français, l’une des figures de proue de l’organisation polonaise KSW (Konfrontacja Sztuk Walki), a même réussi à ramener la Pologne à Paris pour la deuxième fois, ce vendredi, où il sera opposé en main event à son compatriote Wilson Varela à La Défense Arena.
Détenteur du titre des poids plumes et des légers, Parnasse (27 ans) aurait même pu devenir, il y a un an le premier combattant à détenir trois ceintures dans trois catégories différentes. Après sa défaite face au Polonais Adrian Bartosinski, certains attendaient du Dyonisien qu’il quitte le KSW, qu’il a retourné dans tous les sens, pour rejoindre l’UFC, la grande organisation américaine, « la première division du MMA, la Ligue des champions même », selon Daniel Woirin, ancien coach d’Anderson Silva ou Benoît Saint-Denis.
Six fois moins à l’UFC qu’au PFL pour Doumbè
Alors, pourquoi ne pas affronter ce qui se fait de mieux dans l’octogone ? Exclusivement pour des raisons financières. Et Parnasse ne s’en cache pas : « Je suis arrivé dans cette organisation quand j’avais 20 ans, ils me respectent très bien et je suis bien traité, expliquait-il sur RMC Sports. J’ai toujours combattu pour gagner ma vie. Si je repars à l’UFC, je serai obligé de retravailler. Là, je peux vivre pleinement de mon sport. » Les Américains ne se sont pas alignés sur ce que le KSW proposait, à savoir un salaire qui équivaut au top 3 UFC.
« L’UFC, au-dessus du top 10, ils ne gagnent quasiment presque pas leur vie de leur sport, indique David Foucher, le manager de Cédric Doumbè. Et top 5, on gagne très bien sa vie. Nous, dans notre cas, l’UFC proposait six fois moins que le PFL [une autre organisation]. Six fois moins quand on a 32 ans, on y réfléchit quand même à deux fois. » D’autant que signer à l’UFC ne garantit pas un pont d’or assuré pour toute sa carrière. Pour bien gagner sa vie, il faut au moins attendre le troisième contrat (un contrat équivaut généralement à quatre combats), avec le risque de se faire dégager à tout moment.
Oui, car le rêve américain, c’est bien, mais si vous ne satisfaites pas Dana White et ses petits copains, la porte vous est indiquée sans grand ménagement. Demandez donc à Yanis Ghemourri, qui avait signé un contrat de quatre combats avec l’UFC pour se faire virer au bout de deux après deux défaites. « Ils ont envoyé un mail à mon manager, et une fois qu’ils ont pris la décision, c’était fini, détaille le combattant. Et même si tu performes, tu fais des victoires, ils peuvent décider de te mettre sur le côté parce que ce qu’ils veulent en premier, c’est du show, c’est du KO, c’est du trashtalk pour satisfaire le grand public. »
« L’UFC, ils ont droit de vie et de mort sur les combattants, résume David Foucher. Et puis, ils sont hyper contraignants. Tous nos délires avec Cédric, le matelas, l’ambulance, les « Baki t’es mort », c’est impossible de faire à l’UFC. Tout est beaucoup plus cloisonné, la marge de manœuvre est très faible. » »
« L’UFC fonctionne parfois comme un McDo »
Autre avantage du KSW ou de la PFL, pour un combattant français, est de pouvoir venir se fighter à domicile un peu plus souvent, alors que l’UFC ne vient qu’une fois par an à Paris. Et qui dit combat dans l’Hexagone, dit plus de visibilité, plus de sponsors, dans une discipline où les partenaires sont encore peu nombreux. Et donc plus d’argent, le nerf de la guerre. « Nous pouvons présenter une approche plus directe à un combattant, qu’on traite comme une grande star, nous explique Wojslaw Rysiewski, matchmaker au KSW. Pour Salahdine, on peut construire des shows en France autour de lui, et nous pouvons lui offrir davantage. C’est comme ça que nous pouvons parfois gagner ces batailles face à l’UFC. »
« L’UFC fonctionne parfois comme un McDonald’s, ajoute le Polonais. Ils ont certaines règles et dans tous les McDo, le Big Mac ressemble à la même chose. Nous avons une approche un peu différente. Evidemment, nous avons eu nos champions et quand le jour est venu, nous n’avons pas pu battre l’offre de l’UFC et ils sont allés poursuivre leurs rêves dans l’UFC. »
Car, oui, forte de ses trente ans d’expérience, l’UFC reste le graal sportif à atteindre pour tout combattant de MMA, là où se trouve l’élite du sport. Et même si le chèque d’entrée est moindre et les risques de se faire « fireeeeed » importants, « signer à l’UFC, en matière d’images et de sponsoring, c’est beaucoup plus facile pour la carrière, tempère Daniel Woirin. C’est tellement ancré dans le paysage de notre sport que certains confondent même l’UFC et le MMA. L’UFC, ça ouvre des portes. »
« Et puis, d’un point de vue logistique, ils sont vraiment les meilleurs, rapporte Ghemmouri. Ils sont à la pointe de la technologie, ils pensent vraiment à tout. T’as besoin de quelque chose à n’importe quelle heure, ils sont là. T’arrives à l’hôtel, ils te prennent en charge. T’as des médecins, t’as des kinés. Tu peux vraiment tout faire. » « L’UFC, ils sont tellement au-dessus, ajoute Woirin. Pour le cutting, par exemple, ils ont tout un staff qui s’en occupe, avec des repas faits par des diététiciens. Ils mettent tout en place. Le gars perd du poids dans les bonnes conditions. Il n’y a que l’UFC qui fait ça. Je n’ai jamais vu ça dans d’autre orga. »
Un combat unifié un jour ?
Alors, à la manière de ce que peut proposer la boxe, pourra-t-on voir un jour un combat pour unifier les ceintures UFC/KSW/PFL pour voir qui est le meilleur combattant du monde ? Ce n’est pas pour demain, assurent tous nos experts. « On aimerait beaucoup, mais ça ne se fera jamais, malheureusement, parce que l’UFC aurait beaucoup à perdre, indique David Foucher. Si, demain, le champion du PFL bat le champion UFC, d’un point de vue de crédibilité, ils vont perdre énormément. »
« Je ne pense pas que ce soit possible avec l’UFC, parce qu’ils ne veulent pas être copromoteurs, ajoute Wojslaw Rysiewski. C’est leur modèle de business, ils préfèrent juste attendre et signer des gars. » Et nul doute que Salahdine Parnasse pourrait être le prochain, avec enfin un contrat à la hauteur. « C’est vraiment une question de temps avant qu’il aille à l’UFC, est persuadé Ghemmouri. Tôt ou tard ça, je pense qu’il ira. Et l’UFC, ça reste un rêve de gosse. On le regardait tous à la télé, on a grandi avec ça. » Un gamin de Seine-Saint-Denis qui réalise son rêve en touchant le pactole, ça ne vous rappelle pas quelqu’un ?