Etats-Unis : Drones, ovnis… Face à l’étrange ballet aérien dans le ciel du New Jersey, « les autorités sont perdues »
La nuit, le ciel du New Jersey, situé sur la côte est des Etats-Unis, s’illumine d’un étrange ballet d’aéronefs. Ces dernières semaines, des centaines de signalements ont afflué, les habitants s’inquiétant de ces chorégraphies nocturnes. Face aux questions du public, la réponse des autorités reste lacunaire. Si elles évoquent des engins qui ne posent « aucune menace crédible », elles n’ont toutefois pas de réponse claire à apporter au public.
Au point d’agacer… Jusqu’aux membres du Congrès. « Vous me dites que nous ne savons pas ce que ces drones sont dans le ciel du New Jersey ? », s’indignait ainsi le républicain Tony Gonzales, élu de la Chambre des représentants face à Robert Wheeler Junior, membre du FBI, mardi dernier. « Les autorités des Etats-Unis sont sans doute elles-mêmes perdues. Dans la vallée de l’Hudson en 1984, de nombreuses personnes ont rapporté avoir vu des lumières étranges et personne n’était capable de l’expliquer », rappelle Pierre Lagrange, sociologue et anthropologue, chercheur associé à l’EHESS) et auteur de La guerre des mondes a-t-elle eu lieu ? (Robert Lafont, 2005).
Des fées aux aliens
D’après Robert Wheeler Junior, les autorités ont reçu pas moins de 3.000 signalements en lien avec ces objets volants non identifiés (ovni) en une seule semaine. Si certains s’interrogent et évoquent des « ovnis » dont les autorités américaines cacheraient la véritable essence, Pierre Lagrange rappelle que « les ovnis sont surtout une « incroyance populaire », pas une croyance populaire ». La majeure partie du public considère, en effet, qu’il s’agit de mythes ou d’évènements explicables dont on ne connaît pas encore l’origine.
Mais aux Etats-Unis, « le développement de l’aviation et de l’aérospatial, à la pointe, stimule l’imaginaire de la population qui y voit parfois un rapport avec les extraterrestres », souligne Thomas Michaud, chercheur sur les rapports entre science-fiction et innovations. « Avant, les gens croyaient aux fées, aux ogres ou aux licornes. Certaines personnes s’amusaient déjà à faire des montages photos au XIXe siècle pour faire croire à l’existence des fées. A force de découvrir notre terre, nous avons compris que c’était de l’ordre de l’imaginaire mais aujourd’hui, c’est l’espace que ne nous connaissons pas très bien », glisse l’auteur de La science-fiction institutionnelle (L’Harmattan, 2023).
Le mystère des activités militaires
De surcroît, les activités militaires secrètes du gouvernement inquiètent de nombreux citoyens qui les lient souvent à ce type d’évènements. Dans un post sur Reddit, un internaute évoque ainsi la possibilité que ces drones soient « NHI », un acronyme que l’on pourrait traduire par « aucun humain impliqué », sous-entendant ainsi une origine extraterrestre. Il finit toutefois sa publication en assurant que, selon lui, « le scénario le plus probable » est qu’il s’agisse de « drones américains de pointe ».
« Historiquement, il y a eu des « black programs » aux Etats-Unis avec des programmes d’essais militaires qui ont englouti des sommes colossales. Le F-117 [un avion d’attaque au sol] avait déjà une dizaine d’années quand le grand public l’a découvert », explique Pierre Lagrange. Les secrets entourant les recherches militaires – notamment la base militaire surnommée Zone 51, entièrement inaccessible au public – alimentent la paranoïa sur ces phénomènes inexpliqués.
Une fascination aussi culturelle
« Il y a un imaginaire d’une armée secrète et d’un gouvernement qui comploterait contre le peuple aux Etats-Unis. Il s’est développé durant la guerre froide et a trouvé un nouvel élan avec Hollywood ou des séries comme »X-Files » », abonde Thomas Michaud. La théorie des « chemtrails », selon laquelle les traînées blanches laissées par les avions seraient en réalité des épandages du gouvernement, a d’ailleurs trouvé sa source sur le Web américain dans les années 1990.
Cependant, les ovnis fascinent aussi en France et « l’un des tout premiers groupes d’enquêteurs amateurs était français, créé en 1951 », rappelle Pierre Lagrange. « En France et en Europe aussi, il y a une culture ufologique [ou ovniologique] et de nombreux adeptes », renchérit Thomas Michaud. Il évoque notamment un symposium sur l’arrivée des extraterrestres organisé au Zénith de Limoges en mars dernier et qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes. L’intérêt pour les ovnis n’est donc pas seulement américain. Et compte tenu de l’inquiétude suscitée par le ballet aérien qui anime le ciel nocturne du New Jersey ces dernières semaines, le sujet est bien loin de l’extinction.