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« Tellement de ravages que je porte une perruque »… Elles souffrent de trichotillomanie et s’arrachent les cheveux

Des trous parsemés dans sa chevelure brune, et des traces de sang. Sur cette photo postée sur son compte Instagram, Audrey, 36 ans, ne montre pas les conséquences d’une agression dont elle aurait été victime. Car c’est elle qui s’est causé ces blessures. En cause, sa maladie : la trichotillomanie.

Ce trouble comportemental consiste à s’arracher les cheveux, les sourcils ou les cils de manière répétée et irraisonnée. Touchant très majoritairement les femmes, la trichotillomanie présente différents degrés de gravité. « Si des personnes ne s’enlèvent qu’un ou deux cheveux par-ci par-là, d’autres vont vivre des crises hypnotiques pendant une ou deux heures avant de se rendre compte qu’elles ont une tonsure », explique Jean-Christophe Seznec, médecin psychiatre et auteur de J’arrête de m’arracher les cheveux (Editions PUF).

Un post du compte Instagram d'Audrey
Un post du compte Instagram d’Audrey - tricho_etc

Une addiction comportementale

Coralie, brune à lunettes de 31 ans, fait partie de cette deuxième catégorie. « Il m’arrive de prendre conscience d’une crise à cause de la douleur au cuir chevelu. » Dans ces moments, la trentenaire constate, désolée, la présence d’un tas de cheveux à ses pieds. Chez Axelle, 33 ans, dont le crâne s’est progressivement dégarni sur le dessus, la trichotillomanie se manifeste surtout lorsqu’elle est stressée. « Ce geste me procure un apaisement temporaire mais après, je culpabilise. » Cependant, l’anxiété n’est pas à l’origine de tous les arrachages. « Chaque moment d’inaction peut donner lieu à une crise, témoigne de son côté Audrey. C’est peu un geste doudou. »

« La trichotillomanie est une addiction comportementale qui se fait de manière frénétique et pas forcément consciente », précise Jean-Christophe Seznec. « Se contrôler est difficile, même avec la plus grande volonté du monde », confirme Axelle, qui en souffre depuis l’adolescence. Si tout le monde peut être concerné, des pics de fréquence surviennent à la petite enfance, la préadolescence et le début de l’âge adulte.

« La trichotillomanie a fait tellement de ravages que je porte une perruque au quotidien »

Pour les personnes qui en souffrent depuis des années, les séquelles sont visibles. Des cheveux qui repoussent moins vite, moins bien, voire plus du tout. « A certains endroits, ils repoussent en blanc car ma réserve de kératine est épuisée, raconte Audrey. La trichotillomanie a fait tellement de ravages que je porte une perruque au quotidien. » Elle a mis six mois avant d’avouer à son compagnon qu’il ne s’agissait pas de ses cheveux.

Si cette maladie reste peu connue, c’est notamment en raison de son caractère tabou. Même à 33 ans, Axelle préfère dire à sa famille qu’elle a une pelade liée au stress plutôt que d’avouer qu’elle s’arrache ses propres cheveux. A l’adolescence, Coralie avait consulté un dermatologue, sur conseils de sa mère. Mais impossible de lui dire la vérité. « J’avais beaucoup trop honte et l’impression d’être folle. » Résultat : l’ado part avec une crème et un shampoing. Et la sensation d’être seule au monde.

Trouver d’autres gestes d’apaisement

C’est grâce à l’arrivée d’Internet, à son adolescence, qu’Axelle découvre la trichotillomanie. « Ça a été un choc mais aussi un soulagement de savoir que c’était un vrai trouble, reconnu, et surtout que je n’étais pas seule. » Elle a depuis créé un compte Instagram sur le sujet. « Partager mon expérience me permet de dédramatiser, de réduire un peu la honte et de briser la solitude. »

Pour en savoir plus sur la dermatillomanie, cet autre trouble du comportement

Pour diminuer les crises, « il faut dévier le geste comportemental et trouver d’autres gestes d’apaisement », souligne le docteur Seznec. Occuper ses mains, porter des gants, un bonnet, une perruque ou un bracelet qui se met à vibrer dès qu’on lève la main. « Des outils de gestion du stress et de l’activité physique peuvent aussi aider, ajoute le psychiatre. Et s’il y a une pathologie sous-jacente comme un trouble de l’attention, un trouble anxieux ou une bipolarité, il faut la traiter », poursuit le psychiatre.

Si nécessaire, le médecin peut prescrire des médicaments utilisés pour le sevrage tabagique. Audrey se voit d’ailleurs comme une ancienne fumeuse. Abstinente mais pas guérie. « Si quelque chose m’arrive, je sais que je pourrais replonger. » Elle a donc choisi de l’accepter. « Maintenant, je me dis que ça fait partie de moi. »