France

« C’est ici et nulle part ailleurs qu’elle est née »… Mais la raclette, au fait, c’est Suisse ou c’est Français ?

De notre envoyé spécial de l’autre côté des Alpes,

Arrivé en cuisine, Guillaume Rozier, dirigeant du restaurant l’Auberge de Savièse, à Genève, demande à un membre de sa troupe : « La raclette, ça vient d’où ? ». L’homme délaisse un peu l’épluchage de sa pomme de terre, nous regarde avec un sourire narquois, et balance : « Ça vient de France et de Savoie, bien évidemment ». L’humour suisse a beau être moins réputé que sa variante belge, pas besoin d’être polyglotte pour la traduction. Oui, messieurs dames, nous venons d’assister à du sarcasme.

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De l’autre côté des Alpes, on se marre bien de voir les frouzes – petit surnom aussi affectif que moqueur pour nous autres Français – s’approprier la paternité du plat. C’est qu’ici aussi, la raclette est une institution… et qu’on est assez certain de son origine. Suisse, évidemment, et plus précisément Valaisanne, un canton du sud. « C’est ici – et nulle part ailleurs – que la raclette est née officiellement comme recette et comme typologie de fromage », défend Guillaume Rozier. La raclette du Valais possède d’ailleurs une appellation d’origine contrôlée (AOP), le plus haut niveau possible, quand celle de Savoie n’est que d’Indication géographique protégée (IGP), cette grosse nulle.

« Une moquerie bon enfant »

Difficile pour autant de connaître le vrai point de départ de l’histoire. « Des recettes avec un fromage dans les Alpes, il y en avait même avant Jésus-Christ. Le fromage servait même de monnaie d’échange », nous rapporte Stéphane Donche, chef du restaurant voisin l’Edelweiss. Selon la légende populaire, un Suisse – nommé Léon – aurait oublié une meule de fromage près du feu et, pour ne pas gâcher, aurait étalé le produit un peu fondu sur des pommes de terre. De manière quelque peu plus factuelle, la recette est déposée une première fois en 1909 lors de l’exposition Cantonale Valaisanne, et s’exporte ensuite peu à peu hors des montagnes à travers tout le pays.

Elle n’atteindra réellement la France qu’en 1975, avec l’invention du premier appareil à raclette domestique qu’on connaît tous, par Tefal. En Suisse, l’engin porte le nom (là encore un peu moqueur) de raclonette. Car chez les Helvètes, la raclette, on préfère la faire cuire en demi-meule qu’en petits morceaux.

« Les vaches qui pâturent ne se posent pas la question »

Vous l’aurez compris, « il s’agit plus de moquerie bon enfant que de vrai tacle », enchaîne Guillaume Rozier. Côté confession, Stéphane Donche reconnaît : « Les vaches qui pâturent dans les Alpes vont du côté français et du côté suisse, elles ne se posent pas de question. » Et la France, avec sa capacité de production bien supérieure – notamment pour les appareils industriels –, « a beaucoup fait dans la popularisation du plat », poursuit Guillaume Rozier.

Bon bah voilà, la raclette, c’est un peu de chez nous aussi do… « Non. Mais vous avez de très bons fromages aussi », admet le dirigeant. On arrête un temps le débat pour savourer une raclette made in Switzerland, tandis que le restaurant passe en fond sonore du Jean-Jacques Goldman. C’est bon, lui, il est de chez nous ou vous allez nous dire que son arrière-arrière-arrière-grand-mère a vécu à Zurich ?