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Etats-Unis : Droits de douane, menaces, 51e Etat… A quoi joue Donald Trump avec le Canada ?

Dans l’esprit un peu fou d’Elmo McElroy, personnage campé par Samuel L. Jackson, l’Angleterre était le 51e État des Etats-Unis. Dans celui de Donald Trump, c’est le Canada. Le président américain fait grincer des dents à Ottawa depuis plusieurs jours, proposant à Justin Trudeau de devenir « gouverneur » de ce 51e état.

Voyant que la petite phrase balancée lors d’un dîner à Mar-a-Lago le 29 novembre dernier ne passait pas, le président élu s’était justifié en évoquant une « blague ». Mais le 8 décembre, lors d’une interview sur NBC, Donald Trump a de nouveau suggéré que le Canada pourrait intégrer les Etats-Unis. De quand date cette idée ? Pourquoi Donald Trump s’en prend-il ainsi au Canada ? Comment Justin Trudeau réagit-il ? 20 Minutes fait le point.

Le Canada intégré aux Etats-Unis, une idée neuve ?

Le Canada restant un territoire de la monarchie britannique, dont les Etats-Unis ont pris leur indépendance il y a environ 250 ans, l’idée peut sembler loufoque. Durant tout ce temps, les deux pays ont suivi un chemin côte à côte, et ont fondé une solide alliance. Mais en réalité « l’idée n’est pas nouvelle, en fait elle remonte au XVIIIe siècle avec la première Constitution des Etats-Unis », note Pierre-Alexandre Beylier, professeur de civilisation nord-américaine à l’Université Grenoble Alpes.

Au moment où Napoléon lâche un territoire allant du Québec à la Louisiane et que les Etats-Unis s’engagent dans la conquête de l’Ouest, « l’idée que le Canada fait partie de la destinée manifeste » du pays prend de l’ampleur, raconte l’universitaire. A Washington, « il y avait des plans militaires pour envahir le Canada au XIXe siècle ». Un plan qui ne verra jamais le jour, et dont « on a jamais entendu parler au cours du siècle suivant ». Aujourd’hui, « les deux pays sont très différents, même des provinces canadiennes conservatrices sont plus progressistes que des Etats démocrates », et une intégration serait difficile à accepter pour les Canadiens.

Pourquoi Donald Trump s’en prend à un allié historique des Etats-Unis ?

Au cours de son premier mandat, Donald Trump avait surtout attaqué le Mexique et sa frontière. Mais dans la continuité de son plan « America First », il avait déjà traité l’accord de libre-échange Alena de « pire traité du monde », avant de le renégocier. « Le Canada avait dû faire des concessions, notamment sur le lait, mais Justin Trudeau avait négocié des exceptions sur l’aluminium », cite Pierre-Alexandre Beylier. Adepte du protectionnisme, Donald Trump veut remettre, comme pour l’Europe, de forts droits de douane à la frontière de 25 % pour le Canada et le Mexique.

Alors que Justin Trudeau l’a mis en garde sur les dangers que ferait peser cette décision sur l’économie canadienne, le président élu lui a rétorqué : « Votre pays ne peut donc pas survivre s’il n’arnaque pas les États-Unis à hauteur de 100 milliards de dollars ? ». Donald Trump reproche aussi au Canada un manque de vigilance sur sa frontière, la jugeant trop poreuse. « On voit renaître le mythe de la frontière passoire qui avait émergé après le 11-Septembre », soupire Pierre-Alexandre Beylier. En réalité, « les flux ont plus souvent été dans l’autre sens », jusqu’à la renégociation de l’accord sur les pays tiers sûrs pour les demandeurs d’asile en mars 2023. Depuis l’immigration illégale depuis le Canada vers les Etats-Unis a explosé, avec près de 22.000 arrestations à la frontière entre janvier et septembre 2024, contre 2.238 en 2022, selon le Journal de Montréal.

Quelle est la réaction du Canada ?

Face aux rires de Donald Trump et son équipe lors du dîner de Mar-a-Lago, Justin Trudeau a fait bonne figure. Mais le post de Donald Trump, sur son réseau social Truth Social, montrant une image générée par IA sur laquelle le président pose au sommet des montagnes canadiennes avec le drapeau à la feuille d’érable, accompagnée d’un message « Oh Canada », le 3 décembre, a achevé de crisper de l’autre côté de la frontière.

« Justin Trudeau a réuni les Premiers ministres des différentes provinces pour avoir une réponse coordonnée et faire pression », explique Pierre-Alexandre Beylier. Doug Ford, le Premier ministre de l’Ontario, région la plus peuplée du pays, a menacé de couper l’approvisionnement en électricité d’un million et demi de foyers aux Etats-Unis. « Les Américains sont dépendants du Canada pour l’électricité et le pétrole », rappelle Pierre-Alexandre Beylier. A plus d’un mois de l’investiture de Donald Trump, le bras de fer est parti pour durer.