Avec François Bayrou, Emmanuel Macron a-t-il trouvé un Premier ministre capable de durer plus de trois mois ?
D’un communiqué laconique, l’Elysée a annoncé la nouvelle à la mi-journée : « Le président de la République a nommé M. François Bayrou Premier ministre, et l’a chargé de former un gouvernement ». Neuf jours après la censure votée par l’Assemblée nationale, et après de longues tergiversations, Emmanuel Macron a donc trouvé un successeur à Michel Barnier.
Pour sa première prise de parole, le patron du MoDem a expliqué vouloir la « réconciliation nécessaire » du pays, tout en mesurant « la difficulté de la tâche ». En choisissant de nommer le Béarnais à Matignon, le chef de l’Etat a-t-il vraiment trouvé un choix de stabilité ?
Pas de censure « a priori » du PS
Avant même de poser ses valises à Matignon, François Bayrou a obtenu une première victoire politique non négligeable. Le Parti socialiste, qui a voté la censure de Michel Barnier, a indiqué qu’il ne censurerait pas « a priori » le nouveau chef du gouvernement, au contraire des insoumis. « On n’approuve pas cette nomination, qui s’inscrit trop dans la continuité du macronisme, mais nous voulons éviter le chaos des gouvernements qui tombent les uns après les autres », assure Laurent Baumel, député PS d’Indre-et-Loire.
De quoi déjà offrir un peu d’oxygène au nouveau locataire de Matignon. Mais les socialistes, comme les communistes et les écologistes, demandent des gages. « On espère qu’il s’engage à ne pas utiliser le 49.3, comme nous l’avions proposé », précise notamment Laurent Baumel.
Le « pistolet à blanc » du RN
Côté MoDem, on insiste sur une conséquence de cette nouvelle donne : le maire de Pau aura l’avantage de ne pas être dans les griffes du Rassemblement national comme son prédécesseur. « Si le PS prend ses responsabilités en s’engageant à ne pas censurer a priori, Marine Le Pen se retrouve de fait avec un pistolet à blanc », remarque Erwan Balanant, député MoDem du Finistère. Car seule une censure votée par le RN et l’ensemble du NFP pourrait faire tomber le futur gouvernement. « François Bayrou a toujours tenté de faire des ponts entre la gauche et la droite. Je suis convaincu qu’on pourra trouver des compromis avec la gauche, sur la taxation des profits par exemple », dit Erwan Balanant.
Mais en choisissant de nommer François Bayrou plutôt qu’un socialiste, comme Bernard Cazeneuve par exemple, Emmanuel Macron s’offre quand même un filet de sécurité. Car le RN, qui aurait censuré un Premier ministre de gauche, entend également laisser sa chance au produit. « Nous lui demandons d’entreprendre ce que son prédécesseur n’a pas voulu faire : entendre et écouter les oppositions pour construire un budget raisonnable et réfléchi », a pressé Marine Le Pen sur X. Si les socialistes lâchaient finalement François Bayrou en rase campagne, ce dernier pourrait encore survivre avec l’accord implicite du RN.
De grosses interrogations
Ces éléments suffiront-ils à garantir de la stabilité gouvernementale dans les mois à venir ? Pas forcément. Les débats budgétaires ont montré les importantes divergences entre la gauche, le bloc central et la droite. Et chaque camp fait désormais monter les enchères. « On souhaite des avancées sur les retraites, le pouvoir achat, les services publics… », prévient Laurent Baumel. En perdant Matignon, Les Républicains de Laurent Wauquiez conditionnent désormais aussi leur participation au gouvernement. « Le sujet immigration ne pourra pas être mis de côté », prévient le député LR Eric Pauget, qui espère le maintien de Bruno Retailleau à l’Intérieur.
Le ministre démissionnaire sera reçu ce vendredi à Matignon pour obtenir « des garanties ». Mais une partie de la gauche demande sa tête… « Bayrou va vite être confronté au principe de réalité, à commencer par le budget », conclut Eric Pauget. Il ajoute : « Je pense qu’on peut trouver des compromis… Mais je suis de nature optimiste, je pensais que Michel Barnier était parti pour durer… »