France

Nouveau Premier ministre : Le jeu vidéo « Geo-Political Simulator » peut-il résoudre la crise politique en France ?

Rangez Le Prince de Machiavel, les indiscrétions du Canard Enchaîné ou les cours de sciences politiques. A l’heure de l’intelligence artificielle et du métavers, la solution à la crise politique en France déclenchée par la censure du gouvernement Barnier est à peut-être à chercher du côté du jeu vidéo. Un jeu français en particulier, pousse la politique très loin : Geo-Political Simulator, du studio Eversim.

Ce jeu de gestion permet d’incarner un chef d’Etat de presque n’importe quel pays et de passer toute sorte de mesure. La simulation est extrêmement poussée, avec des menus en cascade et des variables économiques de partout. Le but : se maintenir au pouvoir le plus longtemps possible. Et avec la moitié du pays dans la rue à la moindre loi, la tâche semble aussi difficile que de faire passer une réforme en France.

Pots-de-vin, « en même temps » ou coalition de gauche ?

En septembre, le jeu a même sorti une mise à jour spéciale pour rendre compte de la division à l’Assemblée nationale française. L’expérience peut-elle enseigner quelque chose aux politiciens du dimanche ? Mehdi, passionné de jeu de stratégie, a passé plus de cent heures sur Geo-Political Simulator depuis qu’il l’a découvert il y a quelques mois. Il s’est déjà mis dans la même situation qu’Emmanuel Macron, avec une assemblée divisée en trois blocs gauche/centre et droite/extrême droite. « J’ai essayé une coalition transpartisane, une coalition de gauche, une coalition de droite/extrême droite, les trois ont assez mal marché », constate-t-il tristement. Il a trouvé une solution en bidouillant une coalition progressiste. « Le plus simple c’était un gouvernement de gauche, du Modem au PCF, raconte Mehdi. J’avais une majorité relative pour passer pas mal de lois, et ça se jouait souvent avec les voix de Liot. »

Les développeurs d’Eversim ont eux aussi compilé quelques conseils. « Il faut créer des législations consensuelles, indique André Rocques, cofondateur du studio. A la fin, le but c’est toujours de faire passer des lois. » Autre conseil de Mehdi : « Avoir un ministre populaire pour faire voter sa législation, ça joue beaucoup. » Le jeu permet de manière assez simple de savoir à l’avance comment une force politique se positionne sur une réforme, donc il devient facile de gouverner sans idéologie, en essayant juste de plaire aux uns ou aux autres une réforme sur deux.

« J’ai utilisé des idées de droite, mais aussi un peu de gauche, détaille Damien, un autre joueur amateur de Geo-Political Simulator. Pour redresser l’économie, j’ai joué sur la fiscalité et la réduction du budget dans les secteurs coûteux comme la santé, l’immigration ou les fonctionnaires. » Une sorte de « en même temps » à la Macron, mais qui fonctionne quoi. Autre technique, qu’on ne recommandera peut-être pas dans la vraie vie : les pots-de-vin. « Il y a des chefs de parti corruptibles, ça peut jouer aussi », glisse André Rocques, qui ne précisera pas qui de Laurent Wauquiez ou d’Olivier Faure est le plus susceptible de vouloir s’offrir une villa au Cap d’Agde avec de l’argent sale.

« Il y a une part de psychologie politique »

Mais le meilleur apprentissage se trouve dans la différence entre la réalité et le jeu. « On gère quand même les couleurs des partis politiques, mais la grande différence avec la vraie vie, ce sont les stratégies personnelles, analyse le cofondateur d’Eversim. Je pense qu’aujourd’hui, beaucoup de politiciens pensent aux élections présidentielles ou à des possibles élections législatives à l’été. Il y a une part de stratégie et de psychologie politique. »

Les fans de Geo-Political Simulator le répètent : ça n’est qu’un jeu, avec ces bugs et ces défauts, mais il permet quand même d’en apprendre un peu sur la politique. « Au niveau des négociations, ça montre que la politique est un jeu de promesses. J’ai aussi appris comment se tiennent les élections dans d’autres pays, explique Mehdi. Je suis étudiant en mathématiques et je m’intéresse aux simulations, et je trouve ça intéressant de pouvoir tout modeler jusqu’à se retrouver avec des scénarios un peu débiles. »

Pour Damien, « même sans le considérer comme un programme éducatif, je le mets dans la catégorie des jeux qui permettent d’apprendre. En jouant, je comprends un peu plus certaines décisions politiques et pourquoi elles ne peuvent pas plaire à tout le monde ».

« Je pense que si un chef d’Etat l’utilise pour savoir quoi faire dans l’avenir, c’est un peu ambitieux, euphémise André Rocques. Mais pour comprendre les difficultés d’un gouvernement quand on appartient au commun des mortels, ça peut être utile. » Le jeu a tout de même servi de base à un « serious game » utilisé par l’Otan, assure Eversim.

Malgré son petit côté kitsch, son gameplay à base de menus et ses graphismes vieillots, Geo-Political Simulator cache aussi quelques moments d’hilarité. « Dans mon cas, Emmanuel Macron s’était fait empalé par un animal au salon de l’Agriculture et il est mort sur le coup, donc je me suis retrouvé à jouer avec Elisabeth Borne qui était Première ministre à ce moment-là, raconte Mehdi. Ma popularité a triplé. » En nommant un nouveau Premier ministre ce jeudi soir, le véritable Emmanuel Macron osera peut-être une sortie de crise moins radicale.