France

Nouveau Premier ministre : En attendant un nouveau gouvernement, le secteur du BTP mis à l’arrêt… au risque de s’effriter

Notre-Dame de Paris était bien une exception. Depuis la censure du gouvernement Barnier, votée le 4 décembre dernier, la France entière attend la nomination d’un nouveau Premier ministre et avec, celle d’un nouveau gouvernement. Si Emmanuel Macron a promis de donner un nom rapidement, peut-être ce jeudi, l’expérience montre que le président de la République aime prendre son temps.

Un secteur en particulier tremble sur ses fondations, celui du bâtiment et des travaux publics. Arnaud*, ingénieur dans un grand groupe de construction, peut en témoigner : « Depuis la censure, j’ai deux chantiers qui sont en “stand-by”. Les deux nécessitaient une petite rallonge pour lesquelles on discutait. Mais plus personnes dans les administrations ne veut signer, et les pelleteuses sont à l’arrêt. »

Des chantiers stoppés faute de financement

Fortement dépendant des commandes publiques et des décisions politiques, le BTP souffre depuis plusieurs mois. « Il est évident que la censure apporte davantage d’incertitude sur le budget des collectivités locales qui ne savent pas à quelle sauce elles vont être mangées. Alors elles freinent leurs investissements. Cela donne des appels d’offres qui ne sont pas lancés, ou alors d’autres déjà en cours qui sont mis en pause », explique Olivier Jaffard, directeur régional Nouvelle Aquitaine de l’EGF BTP, le syndicat national des entreprises de bâtiment et de travaux publics.

Pire, certains chantiers sont totalement arrêtés, comme l’un de ceux sur lesquels travaille l’entreprise d’Olivier Jaffard en Occitanie. « Nous avons la construction d’un Ehpad d’hôpital qui a été ajourné alors que nous étions déjà dans le gros œuvre, le matériel monté et du béton coulé tous les jours. Résultat : on ne sait pas quand nous serons payés et cela crée des décalages de trésorerie », explique-t-il

Censure et dissolution viennent s’ajouter à une situation déjà morose

S’il n’est pas rare de voir des projets repoussés, ça l’est en revanche davantage une fois que les travaux ont démarré. Une situation qui vient s’ajouter à un climat déjà très tendu, selon Philippe Mazet, délégué général national de l’EGF BTP : « La dissolution plus tôt cette année a amplifié l’incertitude. Mais cette situation dure depuis plusieurs mois, voire plusieurs années », explique-t-il en soulignant que le pays vit une véritable crise de l’immobilier et de la construction.

Car la construction est un investissement sur le long terme, un engagement pris par des collectivités publiques – « mais c’est la même chose dans la construction privée, de bureau ou d’habitation » – qui ont besoin de perspectives et de visibilité pour s’engager.

Les collectivités locales serrent la ceinture

Or les collectivités locales, qui s’attendaient déjà à devoir serrer leur ceinture d’un cran supplémentaire, ont appris que la dette publique était plus importante qu’annoncée. « C’est la double peine, souffle Philippe Mazet, d’autant qu’il ne suffit pas de nommer un nouveau gouvernement. Qui dit qu’il n’y aura pas une nouvelle dissolution en juin prochain ? Quels effets cela aura-t-il sur les taux d’intérêt ? Même si le budget était voté, s’il n’y a pas de majorité claire à l’Assemblée nationale, il est très probable qu’il y ait des redéploiements ou des annulations de crédits en cours d’année… »

Ces derniers temps ne s’annonçaient déjà pas très glorieux avec la fin du dispositif Pinel à partir du 31 décembre et la perspective des municipales de 2026, les années pré-élections étant en général peu favorables aux investissements locaux. Mais les acteurs du secteur pouvaient tout de même se réjouir de mesures engagées avec la ministre du Logement, Valérie Létard, comme l’élargissement du Prêt à Taux Zéro (PTZ) (étendu à tout le territoire pour le logement neuf, y compris pour la maison individuelle) ou l’exonération d’impôts des dons familiaux pour l’achat d’un logement neuf destiné à la résidence principale jusqu’à 100.000 euros par donateur.

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« Tout cela était validé, mais est-ce que l’Assemblée va le poursuivre maintenant ? », s’interroge Laure-Anne Geoffroy Duprez, présidente de l’Union nationale des architectes (UNSFA). Elle s’inquiète pour toute une filière : « On ne parle pas que de la construction. Les promoteurs, les agents immobiliers, les déménageurs, les notaires… C’est toute la chaîne qui se retrouve grippée. »

Un véritable cercle vicieux puisque la taxe appliquée sur les permis de construire, en baisse donc, permet aux collectivités territoriales de financer… des équipements et des aménagements publics.