France

Jellycat, Miniso… Pourquoi les adultes sont fous de peluches ?

Vous avez honte de dormir encore avec votre doudou ? Vous ne devriez pas car sans le savoir vous êtes complètement dans la tendance « kidulte », cette tribu qui assume sa passion dévorante pour les jouets et les peluches. « Cette génération de jeunes adultes se sent isolée, ils n’ont plus envie de se sociabiliser. Contrairement aux humains, les doudous ne demandent pas d’effort pour entretenir des liens » analyse Sandrine Doppler, consultante en marketing.

Au cinquième étage des Galeries Lafayette, dans l’enseigne de jouets FAO Schwarz, un spectacle étonne devant le rayon de la marque Jellycat. La marque de doudous anglais créée en 1999 et qui connaît un succès fou depuis quatre ans, a ouvert à Paris une « pâtisserie » pas comme les autres. Pas question d’acheter un macaron à la pistache mais plutôt de dévaliser les étals de sucreries… en peluches. En ce matin du mois de décembre, des clients asiatiques et britanniques s’extasient devant les tartes aux fraises et s’amusent à filmer la vendeuse en train de faire semblant de la napper de chantilly à l’aide d’une poche à douilles vide… Le tout pour 40 euros. « Mais c’est super cher ! » s’esclaffe Marco venu dans le magasin avec sa petite amie. « Dans notre pâtisserie parisienne, nos clients sont des adultes. Ils viennent chercher une expérience immersive et premium. Les enfants eux, ne sont pas intéressés par des doudous en forme d’éclairs ou de madeleines », confesse Abele Ferrero, responsable du magasin de jouets.

Qui a acheté tous les cannelés ?

Les grands auraient-ils besoin d’un retour en enfance ? Les ventes de la marque Jellycat, ont été quasiment multipliées par quatre depuis 2019 et ont atteint les 240 millions d’euros en 2023. Pour Sandrine Doppler, le climat anxiogène en France et dans le monde peut expliquer cette envie de câliner Colette la madeleine : « on a envie de douceur, de câliner et de retourner à des sentiments d’enfants avec des peluches. Les marques jouent beaucoup sur la nostalgie mais aussi sur l’apaisement. ».

Un avis que partage Ariel Wizman, associé de la marque chinoise Miniso qui vend des peluches et accessoires kawaii : « Je pense que c’est une tendance pas du tout passagère et qui va rester. On remarque que la jeunesse hésite à rentrer dans l’âge adulte. Nos produits ont une fonction doudou mais pas que. Aujourd’hui la mode est à accessoiriser ses tenues, on a donc pas mal de jeunes femmes qui viennent acheter des peluches aussi sur des porte-clés pour le côté mode », ajoute l’ancien journaliste de Canal+.

Acheter de la nourriture… Sans culpabiliser

Mia, 25 ans, collectionne les Jellycat, dans sa chambre. « C’est une véritable obsession, confesse la jeune femme. J’aime beaucoup la gamme de la nourriture, elles sont douces et super mignonnes avec leurs petits pieds et leurs sourires. » Pour Sandrine Doppler, le succès des doudous nourriture n’est pas un hasard : « On a besoin de comfort food émotionnelle et les produits en forme d’aliments vont nous permettre de créer en positif avec la nourriture. On peut s’acheter une part de pizza ou de gâteaux… Cela nous fait déculpabiliser. »

L’attrait des « kidultes » pour les doudous gourmands, Abele Ferrero en est témoin tous les jours. « A Paris, nous vendons beaucoup de peluches tartes aux fraises ou aux citrons mais nous avons un problème, nous sommes en rupture de stock de cannelés. Les clients venaient les acheter par 15. Je n’avais même pas le temps d’organiser le rayon que le carton était déjà vidé… On a eu la même chose avec le camembert », sourit le patron du magasin.

La folie du kawaii

A l’heure où nous sommes nombreux à nous creuser la tête pour les cadeaux de Noël, les peluches sont une valeur sûre. « Miniso offre une large gamme de produits pas très chers et de qualité. Mais je dirais que notre plus grande force c’est d’avoir des licences hyperpopulaires. On parle à tout le monde : aux enfants avec Disney, aux fans de K-pop avec la marque des coréens de BTS, BT21 et à la Gen Z avec Hello Kitty », explique Ariel Wizman. Après avoir regardé toutes les peluches populaires, une similitude nous saute aux yeux : une esthétique très « kawaii ». Aujourd’hui les marques ont choisi d’adopter les codes culturels du Japon, « on aime les mangas et le kawaii, on partage de plus en plus de codes culturels avec le Japon. Quitte à devenir de petits ambassadeurs » sourit Sandrine Doppler.