Sous les balles, entre vie et mort : au cœur de l’urgence médicale en zone de guerre avec l’armée belge
Plongée en zone de guerre : lors de l’exercice Green Light, organisé par l’armée belge, La DH s’est glissée dans la peau d’un blessé. Inspiré par la réalité brutale du terrain en Ukraine, cet entraînement simule des situations de guerre pour perfectionner les compétences médicales en conditions extrêmes.
- Publié le 07-12-2024 à 11h16
« Blessure par balle ! » La Belgique est en guerre. Nous sommes retranchés sur notre territoire mais les explosions ennemies résonnent à quelques kilomètres. L’air est lourd, la tension palpable. Et lors d’une patrouille de routine, tout bascule : des tirs éclatent. En première ligne, je suis touché. Une pluie de débris s’est abattue sur moi. Une douleur brûlante me déchire le ventre, puis le thorax. Je peine à respirer.
Mon regard glisse vers le sol : j’entrevois des morceaux d’intestins émergent de ma blessure, le sang jaillit, et ma respiration devient sifflante. Bilan : pneumothorax. Je suis cloué au sol, incapable de bouger, le corps noué dans une boue glaciale qui m’écrase un peu plus. Le froid paralyse mes doigts, mais c’est bien l’hémorragie qui finit de m’épuiser.
La voix du sergent éclate dans le tumulte : « Évacuation immédiate ! » Quelques secondes plus tard, je distingue des silhouettes qui s’approchent en courant. Les premiers intervenants médicaux sont déjà là.
Sans perdre une seule seconde, une infirmière militaire m’administre les premiers soins : un pansement compressif est appliqué pour contenir l’hémorragie. Une bouteille d’oxygène est rapidement fixée, m’aidant à respirer malgré la douleur qui m’écrase la poitrine.
Maintenir en vie, à tout prix
L’efficacité du personnel est impressionnante : chaque geste est limpide, chaque mouvement devient vital. Sous l’assaut du vent glacial et des tirs ennemis, ils parviennent à me stabiliser. Mais une autre épreuve commence : il faut me transporter de toute urgence jusqu’au premier poste médical avancé.
« Est-ce que vous arrivez-vous à respirer ? Quelle note pour votre douleur ? » Les questions fusent, aussi rapides que les gestes des secouristes. Pas de place pour l’hésitation, chaque seconde compte.
En un éclair, l’équipe d’évacuation est à mes côtés, le bruit de leurs bottes résonne sur le sol détrempé. Ils sont le maillon vital de cette chaîne médicale opérationnelle. Le médecin s’approche, le regard rivé sur ma blessure. Il récupère les premières informations tout en ordonnant d’une voix ferme : « Stabilisation et préparation pour l’évacuation« .
Le moindre échange d’information est codifié et permet aux secouristes d’avoir toutes les données le plus rapidement et le plus efficacement possible.
On me hisse sans traîner sur un brancard. Une couverture de survie est tirée sur moi, et des sangles sont rapidement fixées pour éviter tout mouvement lors du transport. La douleur est lancinante, mais il n’y a pas le temps de s’y attarder. En quelques secondes, je suis installé dans un véhicule blindé d’évacuation militaire.
Un voyage en apnée
Le moteur rugit, on fonce sans tarder vers le Role 1, premier poste de secours de cette chaîne médicale d’urgence. Ce que l’on trouve ici n’a rien à envier à un SMUR classique ou à une salle de déchocage. Ces installations temporaires reproduisent avec une étonnante fidélité les conditions d’une première prise en charge hospitalière après un traumatisme.
Dans cet habitacle exigu, les gestes sont précis : une perfusion d’antidouleurs est posée, un masque à oxygène enfoncé sur mon visage. La douleur diminue légèrement, mais reste omniprésente, une brûlure sourde qui refuse de me quitter.
Après quelques minutes, le véhicule s’arrête brusquement. On me transporte sous une tente renforcée. Une pâle lumière éclaire les équipements médicaux sophistiqués. Une infirmière s’affaire à mes côtés, tandis qu’un médecin se penche sur moi pour un examen rapide.
Tout ici est codifié à l’extrême, presque chorégraphié. L’objectif ? Une prise en charge aussi structurée que possible, même sous pression. Chaque étape suit un schéma précis : plus on se rapproche de la ligne de front, plus l’aspect tactique domine. Des protocoles rigoureusement établis permettent de ne rien oublier, tout en évitant la saturation mentale des équipes.
Les infirmiers et ambulanciers suivent ces procédures à la lettre. Mais la présence d’un médecin sur le terrain apporte un avantage crucial : il peut adapter les protocoles en fonction des réalités imprévisibles de la situation. C’est lui qui assume les décisions critiques grâce à son expérience et sa capacité à sortir des sentiers battus.
« Poumon touché, pneumothorax confirmé. Préparez pour une intervention de damage control resuscitation ». Ici, l’objectif n’est pas de me soigner entièrement, mais bien de stabiliser mes fonctions vitales, de stopper les hémorragies internes et de préparer mon corps à résister jusqu’au Role 2.
Des mains expertes agissent sans relâche. Une aiguille pénètre ma cage thoracique pour relâcher la pression sur mon poumon, un geste douloureux mais salvateur. Le médecin me parle pour maintenir mon attention, surveillant chaque signe de détérioration.
Chaque étape est une victoire : maintenir la circulation sanguine, éviter un arrêt cardiaque, prévenir le choc hypovolémique. Le temps semble suspendu, mais chaque minute qui s’écoule est un pas de plus vers la survie.
La chirurgie de la dernière chance
Mon état ne s’améliorant pas vraiment, il est temps de me transférer au « Role 2 Forward », un véritable hôpital de campagne où l’on pratique la chirurgie de survie. Ce n’est pas un simple poste médical avancé mais une véritable salle d’opération sous toile, capable de fonctionner au plus près des combats.
Rapidement, je suis conduit à travers le terrain accidenté vers cette installation d’apparence sommaire. De loin, ce n’est qu’un assemblage de grandes tentes, mais à l’intérieur, on se retrouve plongé dans un hôpital digne de ceux que l’on connaît en milieu civil.
Les murs sont certes remplacés par des toiles robustes, mais l’équipement est à la pointe. Des lits opératoires, des moniteurs de survie, un laboratoire complet — tout est là, prêt à traiter les blessures les plus graves. Il se compose notamment de quatre tentes qui peuvent être déplacées très facilement. Particulièrement compact, cet hôpital de campagne peut être placé au plus proche sur le terrain sera déployé principalement à l’avenir dans le cadre d’opérations de haute intensité.
On me stabilise une dernière fois avant l’intervention. Le bruit des machines, le va-et-vient des infirmiers et des médecins en tenue de combat… C’est un ballet parfaitement orchestré. Ici, l’objectif n’est pas d’opérer dans le détail, mais de sauver des vies. Ce que le personnel qualifie de chirurgie de guerre.
« On le prépare pour une thoracotomie, » annonce le chirurgien en chef. C’est une procédure invasive, mais c’est la seule façon d’évacuer l’air comprimé dans ma poitrine et de réparer les dégâts internes. La salle s’active. Dans ce lieu, les patients ne restent jamais plus de 48 heures. Après l’opération, deux choix s’offrent à moi : soit un retour rapide au front si mon état le permet, soit un transfert vers un hôpital plus éloigné pour des soins prolongés.
Ici, la guerre ne laisse pas de place à l’erreur ou à l’hésitation, femmes et hommes se battent ensemble pour que même les blessures les plus critiques ne soient pas une condamnation. Inspiré par la réalité brutale du terrain en Ukraine, cet entraînement illustre le fonctionnement de la chaîne médicale en conditions extrêmes, guidé par une même maxime : improviser, innover, survivre.