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Affaire Gérard Depardieu : Huissier, « manipulation »… Où en est bataille autour des rushs de « Complément d’enquête » ?

Gérard Depardieu visait-il bien une fillette sur un cheval ? Les propos sexuels de l’acteur dans l’émission Complément d’enquête diffusée il y a un an ont suscité une vive polémique et précipité sa chute. Mais depuis, le doute s’est insinué et la justice a ordonné une expertise.

Dans ce documentaire, dont certaines scènes ont été tournées en Corée du Nord en 2018, on voit Gérard Depardieu multiplier les propos misogynes et insultants envers des femmes et en prononcer d’autres à caractère sexuel lorsqu’une petite fille à cheval passe à l’image. « Si jamais il galope, elle jouit », lance-t-il notamment. D’emblée, la séquence, issue d’enregistrements par la société Hikari pour les 70 ans du pays, écœure. Devenu l’artiste le plus clivant de France, le comédien met sa carrière en pause.

A quand remonte l’affaire ?

Le 7 décembre 2023, France 2 diffuse un reportage dans Complément d’enquête sur « la chute de l’ogre ». Mais le dossier rebondit surtout lorsque le 20 décembre, Emmanuel Macron dénonce une « chasse à l’homme ». Le président affirme, sur la séquence du haras : « j’ai vu les images, j’ai aussi entendu qu’il y avait des polémiques sur les mots qui étaient en décalage avec les images […] Les gens auront à en débattre. »

Que fait France Télévisions ?

Eh bien le groupe a recours à une procédure rare : le passage du reportage, réalisé et produit par Hikari, est « authentifié » par huissier. Ainsi, « il n’y a aucun doute et aucune ambiguïté sur le fait que c’est bien la jeune fille à l’image qui est ciblée par les propos de Gérard Depardieu », assure le groupe public.

De son côté, Hikari et Reporters sans frontières s’inquiètent « d’un risque d’atteinte au secret des sources », « pierre angulaire de la liberté de la presse ». En outre, Hikari s’est pourvu en cassation, refusant de fournir les rushs (enregistrements bruts) constituant, selon eux, un matériau journalistique. « C’est uniquement parce qu’on ne veut pas créer de précédent », explique une source proche. Car, « dans le futur, cela voudrait dire que n’importe quelle personne mise en cause pourrait demander à accéder à tous nos rushs et infos ».

Que fait et dit le clan Depardieu ?

Il contre-attaque. L’acteur saisit en mars le régulateur de l’audiovisuel et assigne Hikari et France Télévisions en référé pour obtenir les enregistrements et une expertise. L’avocat de Gérard Depardieu, Jérémie Assous, a lui fait citer directement Hikari, notamment pour « montage illicite » et « abus de confiance », arguant que le tournage était celui d’une fiction. Il pointe aussi des « gros plans tricheurs » sur l’enfant, alors que celle-ci « se situe loin » de l’acteur, « contrairement à ce qu’a voulu faire croire » la partie adverse. La « preuve » étant « établie », le producteur et France Télé « en répondront devant le juge pénal et seront condamnés à réparer le préjudice considérable causé à Gérard Depardieu », défend Me Assous.

Quant à la famille de l’acteur, elle s’indigne d’une « manipulation monstrueuse ». Ces propos portaient sur une cavalière d’une trentaine d’années en second plan, soutiennent Gérard Depardieu et l’écrivain Yann Moix, qui l’accompagnait.

Que fait la justice ?

Le tribunal judiciaire de Paris ordonne le 30 mai la communication des enregistrements correspondant strictement à la séquence du haras. Dans un arrêt du 18 octobre, consulté par l’AFP, la cour d’appel de Paris souligne « qu’il ne fait pas de doute que le reportage » de Complément d’enquête procède « d’un travail journalistique » qui « participait d’un débat d’intérêt général » en plein mouvement #MeToo. Toutefois, « la société Hikari ne démontre pas que les enregistrements de la séquence du haras, réalisés en 2018, dans des circonstances mal définies […] constituent un élément de travail journalistique ».

La cour ordonne donc une expertise afin de déterminer « avec précision toutes les opérations de montage intervenues » et d’indiquer « dans la mesure du possible » à qui s’adressait Depardieu. L’expert doit « visionner en présence des parties » les enregistrements litigieux.

Christian Ardan, l’expert, doit rendre son rapport avant le 30 avril. Mais France Télé et Hikari ont demandé sa récusation, au motif que ce producteur de cinéma a des liens avec Gérard Depardieu et son entourage.

Quelles sont les suites judiciaires ?

Une audience devant le tribunal correctionnel de Paris est fixée au 6 mai. Cependant, selon un avocat d’Hikari, Christophe Bigot, cibler le montage est « un rideau de fumée » : « c’est une façon d’éviter qu’on parle de l’image désastreuse de Depardieu dans le documentaire, et cela fait diversion ».

Tout sur l’affaire Gérard Depardieu

Accusé d’agressions sexuelles sur le tournage des Volets verts en 2021, l’acteur devait être jugé en octobre. Son procès a été renvoyé en mars pour raison de santé. Là aussi, il nie vigoureusement. Parallèlement, le parquet de Paris a requis en août son renvoi devant la cour criminelle pour viols et agressions sexuelles sur Charlotte Arnould.