Christine Defraigne (MR) : “Liège est la seule vraie métropole en Wallonie”
L’ancienne présidente du Sénat, ancienne députée, vient de quitter la vie politique active. Elle revient, dans La Libre, sur sa longue carrière. Ancienne première échevine de la Cité ardente, elle porte un regard amoureux et critique sur sa ville. Liège, selon elle, serait maltraitée par la Wallonie et le fédéral.
- Publié le 07-12-2024 à 07h04
- Mis à jour le 07-12-2024 à 07h05
Le retour de la N-VA au pouvoir au fédéral, dans le cadre de la coalition « Arizona », cela vous convient-il ? Lorsque vous étiez présidente du Sénat, vous avez durement ferraillé avec les nationalistes…
J’ai en effet eu la vie très dure avec la N-VA… Le Sénat était dans le viseur de ce parti. J’étais seule pour préserver l’institution. Mais si l’Arizona se fait, contrairement à la « suédoise », le MR ne sera pas seul au pouvoir. Il y aura aussi Les Engagés à nos côtés. Et il y aura Vooruit en plus du côté flamand. J’ai l’impression que Bart De Wever a évolué. Il est peut-être moins dogmatique. Il se rend compte que rien n’est simple et qu’il faut composer.
guillement J’ai l’impression que Bart De Wever a évolué. Il est peut-être moins dogmatique. Il se rend compte que rien n’est simple et qu’il faut composer.«
Vous avez vécu des tensions avec plusieurs présidents du MR. En particulier avec Didier Reynders et Charles Michel. Comment l’expliquer ? On vous présente souvent comme une rebelle.
Je n’ai pas de problème avec le dernier président en date. Peut-être parce que je m’étais recentrée sur Liège et que j’étais loin des affres de la Toison d’Or (siège du parti, NdlR)… Un jour, Charles Michel m’a dit que j’avais un problème avec l’autorité. Je reconnais qu’il faut un boss. Mais je ne peux pas m’empêcher d’avoir un esprit critique. J’ai été élevée comme cela, dans le libre examen. Ce qui a été vraiment douloureux, c’était la guerre des clans au MR : elle m’a fait beaucoup souffrir. J’en ai encore les stigmates. Quand vous n’étiez pas « avec », vous étiez « contre ». C’est maintenant terminé, le livre est refermé. Avec Didier Reynders, on se reparle. Quand il s’est présenté au Conseil de l’Europe, je lui ai envoyé des messages d’encouragement. Bon, ça ne lui a pas réussi… Je porte la poisse apparemment !
Didier Reynders est suspecté d’avoir blanchi de l’argent en jouant à la Loterie. Quelle est votre réaction ?
Je n’ai jamais commenté d’affaire judiciaire en cours et je ne commencerai pas maintenant. Il faut que la justice œuvre en dehors de toute bronca médiatique. Je vous dirai simplement, qu’au MR, nous sommes collectivement et individuellement en état de sidération et d’incrédulité.
Georges-Louis Bouchez a dit qu’il veut gérer le pays « comme un ingénieur et pas comme un poète ». À Liège, cette vision a eu une conséquence : les extensions de la ligne du nouveau tram vers Seraing et Herstal ne vont pas se faire en raison de leur coût. Une erreur d’appréciation de la part du MR qui est au pouvoir à la Région wallonne ?
J’ai brièvement été mariée à un ingénieur et j’ai longuement préféré les poètes… Et les artistes. Je peux entendre les argumentations sur le tram liégeois. J’ai surtout entendu que Philippe Henry (ancien ministre wallon de la Mobilité, Écolo) avait mal géré la situation. Mais il n’empêche qu’il faut trouver une solution pour la mobilité métropolitaine.
Les Liégeois n’exagèrent-ils pas dans leurs demandes ? Tout leur est-il dû ?
Les Liégeois ont leur identité chevillée aux tripes et ne sont pas toujours très populaires le long de la E411… On n’est pas aimé, on coûte très cher. Liège constituait une principauté au sein du Saint Empire romain germanique. On ne peut renier notre histoire millénaire, elle est inscrite dans nos gènes. Je vais me faire assassiner pour cette phrase : Liège est la seule vraie métropole en Wallonie. On a un potentiel énorme, mais il faut remettre de l’ordre. Les finances sont un énorme défi. La supracommunalité est l’une des solutions.
Willy Demeyer (PS), bourgmestre de Liège, a déclaré dans La Libre que si Liège avait été française, elle aurait déjà « quatre ou cinq lignes de tram ».
Si Liège était en France, on aurait une communauté urbaine et on serait sorti d’affaire. La Communauté flamande donne beaucoup plus à ses villes que la Wallonie. Quand Anvers reçoit 1 500 euros par habitant, Liège n’en reçoit que 817. Et le fédéral doit prendre sa part dans le dossier des pensions du personnel de la Ville, dans le refinancement de la zone de police et dans le financement des revenus d’intégration. Le bourgmestre est prêt aussi à faire des réformes au niveau communal, mais il faut que ses troupes suivent…