Algérie

La numérisation dans le secteur de l’éducation en Algérie : quel est le bilan ?

Depuis plusieurs mois, le secteur de l’éducation nationale en Algérie traverse une phase de transformation numérique ambitieuse, visant à moderniser les processus administratifs et à simplifier l’accès des élèves et des enseignants aux services publics.

Cependant, les premiers retours sur l’implémentation des outils numériques dans le cadre scolaire ont mis en évidence des défis inattendus et des dysfonctionnements qui ont mis à mal l’efficacité attendue du système. Les récentes conférences nationales sur la numérisation, organisées en décembre, ont permis de faire un bilan de ces avancées tout en soulevant des questions cruciales sur l’avenir de cette transition.

Une numérisation qui complique plutôt qu’elle ne simplifie

Lors des premières conférences sur la numérisation, organisées dans tout le pays, plusieurs dysfonctionnements ont été mis en évidence concernant le système d’enregistrement des élèves et la gestion des inscriptions scolaires.

Au cœur du problème se trouve la plateforme numérique, mise en place pour centraliser les démarches administratives, notamment l’inscription des élèves dans les établissements scolaires. Bien que l’objectif initial ait été de simplifier les tâches des directeurs d’établissements, des parents et des élèves, la réalité a été bien différente.

Les rapports des commissions locales, qui ont clôturé leurs travaux le 5 décembre, montrent que l’introduction de ces technologies a généré davantage de confusion que d’efficacité. Plusieurs aspects du système ont été jugés non conformes aux lois et aux textes en vigueur, notamment en ce qui concerne la gestion des délais et des processus d’inscription. Par exemple, les plateformes imposaient des dates précises pour les inscriptions, ce qui a entravé la fluidité des démarches et a retardé la rentrée scolaire de nombreux élèves.

Des problèmes structurels liés à la plateforme

Les rapports des conférences révèlent un problème majeur : la plateforme est souvent mal adaptée aux spécificités du système éducatif algérien. L’une des critiques principales concerne la gestion des inscriptions. En imposant des délais stricts pour l’inscription des élèves, le système néglige un principe fondamental inscrit dans la constitution algérienne : l’éducation est un droit.

Par conséquent, cette approche a provoqué des retards dans l’inscription des élèves et a compliqué l’accès à l’éducation pour plusieurs d’entre eux. En conséquence, plusieurs élèves n’ont pas pu accéder à l’éducation en temps voulu, faute d’un enregistrement à temps sur la plateforme numérique. Ce dysfonctionnement a exacerbé les inégalités d’accès à l’éducation, en particulier dans les zones rurales et les régions les plus reculées.

La plateforme a également posé problème concernant le transfert des élèves d’une institution à une autre ou d’une wilaya à une autre. Normalement, ces démarches relèvent d’une procédure administrative simple, souvent facilitée par une « mobilité des parents » due à des raisons professionnelles ou géographiques. Cependant, avec la numérisation, ces démarches sont devenues opaques, avec des délais imposés qui ont engendré confusion et mécontentement.

Une révision nécessaire pour améliorer l’expérience utilisateur

Face à l’ampleur de ces critiques, le ministère de l’Éducation nationale a pris des mesures pour évaluer et rectifier la situation. Les autorités ont lancé un premier sondage national le 6 décembre 2024 pour collecter les avis des différents acteurs impliqués dans la numérisation du secteur éducatif, notamment les enseignants, les directeurs d’établissements, et les parents d’élèves. Ce sondage vise à évaluer l’impact des outils numériques sur le système éducatif et à recueillir des suggestions pour améliorer leur efficacité.

Ce sondage, qui restera ouvert jusqu’au 19 décembre, vise à identifier les problèmes spécifiques rencontrés par les usagers de la plateforme et à proposer des solutions pour améliorer le système.

Le ministre de l’Éducation, Mohamed El-Said Saâdawi, a souligné l’importance d’une approche collaborative pour résoudre ces difficultés. Il a exprimé son engagement à travailler en concert avec les syndicats d’enseignants et les autres parties prenantes pour apporter des solutions durables.

Selon lui, la numérisation doit avant tout servir les usagers et non compliquer leur quotidien. Ce travail participatif permettra d’apporter des ajustements nécessaires pour rendre la plateforme plus fluide et plus fonctionnelle avant son lancement officiel de la « version 2025 » prévue pour mars prochain.

Une transition numérique nécessaire mais complexe

Le processus de numérisation dans le secteur éducatif n’est pas sans défis, mais il reste indispensable pour moderniser l’administration publique et répondre aux besoins des générations futures. La transition numérique est un projet ambitieux qui nécessite une planification rigoureuse et une évaluation constante de ses effets sur le terrain.

L’objectif de simplification est louable, mais sa mise en œuvre doit s’adapter aux spécificités locales et aux réalités du terrain, en particulier dans un pays comme l’Algérie où les disparités régionales restent marquées. Les autorités doivent donc veiller à ce que les solutions proposées répondent aux besoins variés des différentes régions et ne créent pas d’inégalités dans l’accès aux ressources numériques.

À l’issue des conférences régionales, prévues pour les 22 et 23 décembre 2024, les recommandations issues des discussions devraient permettre d’affiner le système et de préparer le terrain pour un déploiement plus efficace en 2025. Si le gouvernement parvient à résoudre les problèmes actuels, il pourrait établir une base solide pour l’avenir de la numérisation dans le secteur de l’éducation.

En somme, cette révision critique du système numérique est une étape essentielle pour garantir que la numérisation ne soit pas simplement une tendance technologique, mais un outil véritablement efficace au service de l’éducation nationale.