À la suite des révélations de swissinfo.ch concernant la hausse suspecte des importations d’or kazakh et ouzbek en Suisse, la Confédération a récemment admis ne pas être en mesure d’exclure la présence d’or russe dans ces flux, en dépit des sanctions. De quoi susciter des interrogations sur ses capacités réelles de contrôle.
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05 décembre 2024 – 10:15
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Bund bestätigt SWI swissinfo.ch-Recherche: Russisches Gold kann in die Schweiz gelangen
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«Le Secrétariat d’État à l’Économie (SECO) et le Bureau central du Contrôle des métaux précieux (CMP) sont-ils en mesure d’exclure que l’or importé d’Ouzbékistan et du Kazakhstan a été extrait en Russie après le début de la guerre en Ukraine?» Cette question a été posée au Conseil fédéral dans une interpellationLien externe parlementaire, déposée fin septembre par le député Jean Tschopp (PS) et co-signée par près de vingt élus et élues socialistes et écologistes.
Le gouvernement y a répondu fin novembre: «La Suisse, à l’instar d’autres pays appliquant les mêmes sanctions, ne peut exclure que de l’or russe soit refondu dans un des pays susmentionnés puis importé en Suisse.» En d’autres termes, Berne estime possible que de l’or soit déclaré comme originaire du Kazakhstan ou d’Ouzbékistan après y avoir été transformé pour la dernière fois, mais qu’il ait été initialement produit en Russie.
Cette intervention parlementaire fait suite aux révélations de swissinfo.ch, début septembre, concernant le bond spectaculaire depuis la fin 2021 des importations d’or originaire d’Ouzbékistan et du Kazakhstan en Suisse et au Royaume-Uni – qui sont quasiment les seuls importateurs d’or originaire des deux pays d’Asie centrale.
De l’avis de plusieurs spécialistes, ces flux commerciaux présentent un risque élevé de contournement des sanctions internationales visant l’or russe – auxquelles la Suisse s’est associée – en raison de leur concomitance avec la guerre en Ukraine, des volumes considérables en jeu et des liens économiques étroits entre les deux anciennes républiques soviétiques et la Russie.
L’enquête est à lire ici:
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«Le gouvernement reconnaît les risques liés à ces importations mais semble incapable de les éliminer, ce qui soulève des inquiétudes quant à la surveillance que les autorités suisses auraient dû exercer sur les importateurs de cet or», commente Marc Ummel, responsable des matières premières chez Swissaid, une organisation non gouvernementale basée à Berne, qui supervise et enquête sur le commerce international de l’or.
Berne ne fournit toujours pas d’explication à la variation soudaine de ces flux commerciaux. «[Une telle augmentation] peut être influencée par plusieurs facteurs», indique le porte-parole du SECO Fabian Maienfisch dans un e-mail, ajoutant que «des analyses sur de longues périodes sont nécessaires pour tirer des conclusions sûres».
Les données douanières analysées dans l’enquête de swissinfo.ch remontent jusqu’en 2010 et permettent d’affirmer que le bond des importations a débuté quelques mois seulement avant que la Russie n’attaque l’Ukraine.
Selon les données douanières disponibles à ce stade pour cette année, les importations en Suisse d’or originaire du Kazakhstan ne semblent pas marquer le pas de manière significative (27 tonnes ont été importées entre janvier et septembre, contre 36 sur la même période en 2023 et 32 en 2022).
Sur les trois premiers trimestres, les importations d’or ouzbek (85 tonnes) ont quant à elles diminué par rapport à 2023 (106 tonnes) mais restent nettement supérieures à celles de 2022 (58 tonnes).
Quels contrôles en pratique?
Invité dans l’interpellation parlementaire à détailler les contrôles menés par la Confédération pour s’assurer que ces importations respectent les sanctions, le gouvernement indique dans sa réponse: «Le SECO et le CMP analysent en permanence les flux commerciaux afin d’identifier les risques de contournement des sanctions (…).»
Il ajoute que «le SECO examine systématiquement les indices de violation des sanctions et mène des enquêtes détaillées qui vont au-delà de l’analyse de chiffres commerciaux agrégés», mais donne peu de précisions sur ce que recouvrent exactement ces enquêtes.
Une réponse «évasive», selon le député Jean Tschopp. «Le Conseil fédéral admet les limites de son action et reconnaît que cela suppose une diligence accrue, mais on peine à voir comment elle se concrétise», déplore le socialiste.
À nouveau interrogé par swissinfo.ch sur la manière dont ces vérifications sont effectuées en pratique, le Secrétariat d’État à l’Économie ne mentionne pas de mesure supplémentaire spécifique. Les clarifications se font «en collaboration avec les autorités suisses et étrangères», écrit son porte-parole.
«L’Office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF) ne contrôle pas systématiquement, mais se base sur les résultats d’une analyse des risques. Les importations suspectes (…) font l’objet d’un contrôle physique et/ou d’une vérification en obtenant des informations qui permettent de connaître leur provenance.» Une distinction entre l’or minier et l’or raffiné a été instaurée dans les statistiques douanières suisses en 2021, se prévaut encore le SECO.
Il déclare par ailleurs «se tenir à la disposition des entreprises pour les rendre attentives aux risques» et précise que les transactions destinées aux raffineries peuvent être soumises à un contrôle complet selon la Loi sur le contrôle des métaux précieux (LCMPLien externe) et la Loi sur le blanchiment d’argent (LBALien externe).
Il ne répond pas à la question de swissinfo.ch portant sur les contrôles appliqués aux banques, qui ont pourtant acquis les plus gros volumes d’or kazakh et ouzbek en 2023.
Des contrôles impossibles?
Les explications de Berne ne convainquent pas Jean Tschopp, qui considère qu’elles n’apportent «aucun indice que la Suisse est en capacité de mettre en place des contrôles opérants pour ces importations».
«Vu le contexte, le risque est inhérent à toute importation d’or depuis le Kazakhstan et l’Ouzbékistan. Et on sait qu’une fois que l’or est raffiné, les contrôles sont pratiquement impossibles.» Dès lors, le parlementaire estime qu’empêcher les importations d’or depuis les deux pays serait justifié au nom du principe de précaution.
Eux-mêmes producteurs d’or, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan présentent un profil de risque propre, qui n’est pas évoqué dans la réponse du Conseil fédéral aux parlementaires. La Russie est historiquement l’un de leurs principaux partenaires commerciaux, notamment pour le métal jaune – ce qui les distingue, par exemple, des Émirats arabes unis, qui importent de l’or d’un large éventail de pays. Un récent rapport de l’institut de recherche Rand EuropeLien externe relève notamment que «les relations de la Russie avec le Kazakhstan dans le domaine de l’or restent importantes malgré les sanctions» et a identifié des participations russes dans les principales mines d’or kazakhes.
Lorsque swissinfo.ch lui demande si la Confédération tient compte d’une quelconque manière des spécificités des pays d’Asie centrale, le SECO rappelle que «ni l’importation directe ni l’importation indirecte d’or en provenance du Kazakhstan et de l’Ouzbékistan ne sont actuellement concernées par des mesures de sanction» et que la LBMA (London Bullion Market Association, le principal organe supervisant le marché de l’or) «n’a pas retiré l’accréditation des raffineries GDL (Good Delivery List) de ces pays.» Il ajoute que la Suisse ne dispose d’aucune base légale pour adopter des sanctions de manière autonome.
Pour autant, en tant qu’acteur majeur du secteur (environ un tiers de l’or mondial serait raffiné en Suisse, pays qui abrite aussi plusieurs des principales raffineries) et l’un des principaux importateurs de cet or en particulier, la Confédération a un rôle clé à jouer avec ses partenaires internationaux pour veiller au respect des sanctions, selon Jean Tschopp. De son côté, il prévoit le dépôt d’une nouvelle interpellation sous la Coupole, à laquelle il espère rallier des parlementaires au-delà des rangs de la gauche.
Texte relu et vérifié par Samuel Jaberg
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