Brouille avec l’Open VLD, toute-puissance d’Ahmed Laaouej et crainte d’être des « collabos » de la N-VA : à Bruxelles, les raisons du blocage du PS
L’échange musclé, survenu entre Martin Casier (PS) et Guy Vanhengel (Open VLD) mardi soir dans les couloirs de la VRT, illustre les tensions qui divisent désormais l’Open VLD et le PS. Mais d’autres éléments expliquent les réticences du PS à entamer les négociations pour former un gouvernement bruxellois.
- Publié le 05-12-2024 à 06h31
L’adrénaline du direct n’est pas encore redescendue, mardi soir, lorsque Martin Casier sort du plateau de Terzake, l’émission politique phare de la VRT.
Le vice-président du PS bruxellois se sait attendu au tournant par une Flandre incrédule devant le blocage des socialistes, qui refusent de négocier la formation d’un gouvernement bruxellois avec la N-VA. « Nous n’allons pas passer d’accord avec eux« , assume le socialiste.
En coulisses, certains invités ricanent lorsque le député bruxellois assure en plateau que « le PS n’est pas clientéliste ». Dès la sortie du studio, Martin Casier est interpellé par Guy Vanhengel, figure historique de l’Open VLD. D’emblée, ce vieil allié des deux précédents ministres-Présidents bruxellois, Rudi Vervoort et de Charles Picqué, fustige l’irresponsabilité du PS bruxellois. Le cas de Fouad Ahidar, élu sur une liste néerlandophone grâce à de nombreuses voix francophones, est aussi évoqué.
Le clash entre Martin Casier et Guy Vanhengel
« Si tu veux me forcer à dire que le problème, c’est la représentation garantie des Flamands à Bruxelles, je peux le dire publiquement, Guy« , le pique Martin Casier.
guillement « Dans ce cas, on parlera du communautarisme du PS. Fouad Ahidar, c’est votre problème. C’est le PS qui l’a créé en tenant un discours communautariste. »
La discussion s’envenime. « Dans ce cas, on parlera du communautarisme du PS, lui rétorque Guy Vanhengel. Fouad Ahidar, c’est votre problème. C’est le PS qui l’a créé en tenant un discours communautariste. »
« Arrête tes co… Si c’est pour entendre ça, je m’en vais », tonne Martin Casier.
L’éclat de voix interrompt les conversations de plusieurs journalistes et de personnalités présentes, dont le CEO de Bpost (Kris Peeters) et la commissaire fédérale aux drogues (Ine Van Wymersch). Le silence se fait.
Une banale prise de bec ? Oui et non. Car cette scène illustre les tensions qui divisent désormais l’Open VLD et le PS. « Si le PS et l’Open VLD ne s’entendent pas alors qu’ils gèrent la Région ensemble depuis 25 ans, on a un vrai problème », résume un socialiste.
Cette relation détériorée participe au blocage bruxellois. Ahmed Laaouej, président du PS bruxellois, a le sentiment d’avoir été dupé par l’Open VLD. « Les libéraux flamands ont tué une option politique qui permettait de faire advenir une majorité avec le CD&V, sans la N-VA, et qui avait le soutien des autres partis, glisse une source socialiste. Dans les discussions, Elke Van den Brandt avait proposé qu’un quatrième poste de secrétaire d’Etat néerlandophone soit créé pour permettre au CD&V de monter. Mais l’Open VLD a bloqué la piste, pour ensuite venir avec la création d’un poste de commissaire au gouvernement. Dans leur configuration partisane interne, qui a vu Frédéric De Gucht prendre de l’importance, ils ont voulu mettre en avant un élément de rupture par rapport au bilan de Sven Gatz (Open VLD, ministre bruxellois du budget), en amenant la N-VA à la table. C’est pour cette raison que l’Open VLD a accepté de laisser le poste de ministre à la N-VA. Et c’est pour cela, aussi, qu’ils ne sont pas prêts à faire le même pseudo-sacrifice pour le CD&V. »
Pour le PS, il suffirait donc d’offrir un poste de secrétaire d’État à Benjamin Dalle pour débloquer la situation. Une telle offre risque pourtant d’être insuffisante : le CD&V a déjà fait savoir qu’il refusait de simplement renforcer une majorité Groen/Vooruit/Open VLD dont il méprise la gestion.
Le blocage du PS s’explique aussi par des considérations strictement politiques. Les socialistes ont eu le sentiment de prendre un gros risque, rien qu’en acceptant de participer à une majorité bruxelloise avec le MR, alors que Paul Magnette avait annoncé initialement son choix pour l’opposition, partout. Cette participation rend moins cohérente la posture de socialistes qui se présentent comme un bouclier face aux mesures du fédéral. Avec la N-VA en plus dans l’attelage, la potion amère devient tout simplement imbuvable.
guillement « On ne veut pas être des collabos de la destruction de Bruxelles. »
« Mais on a aussi un vrai problème de principe vis-à-vis de la N-VA, assure un élu socialiste bruxellois. On ne veut pas être des collabos de la destruction de Bruxelles. »
Pour couronner le tout, certains socialistes fustigent David Leisterh (MR). Le formateur serait coupable, entre autres, de ne pas avoir pris en compte le refus de gouverner avec la N-VA, déjà exprimé par le PS durant les négociations d’août (NdlR : au MR, on assure n’en avoir aucun souvenir), et réitéré en novembre.
Ce que veut le PS
Le PS espère désormais que David Leisterh et Elke Van den Brandt reviendront à table, sans la N-VA et avec le CD&V, pour discuter d’une note socio-économique débarrassée de ses aspérités communautaires.
Rêvent-ils debout ? La totalité des partis flamands sont demandeurs d’une discussion institutionnelle. Et aucun parti, excepté le PS, ne croit au renfort du CD&V.
« Ahmed Laaouej veut être l’acteur principal »
Personne au sein d’un PS, en dehors de Charles Picqué, ne conteste pourtant ouvertement la position d’Ahmed Laaouej.
« Ahmed Laaouej donne l’impression de vouloir être l’acteur principal de la Région bruxelloise, celui qui décide de ce qui peut se faire ou pas. Comme s’il voulait maintenir le pouvoir du PS, malgré le résultat des élections. Et s’il n’y parvient pas, il semble prêt à aller au chaos absolu, lance un libéral flamand. Mais plus il menace, plus il braque le côté néerlandophone. Jamais un diktat du PS ne convaincra le CD&V d’entrer au gouvernement ! »