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Corée du Sud : Manifestation, vote… Tout comprendre sur l’épisode très tendu de la loi martiale

Une déclaration inattendue qui a plongé, pendant quelques heures, le pays dans le tumulte. Le président de la Corée du Sud, Yoon Suk Yeol, a proclamé ce mardi la loi martiale dans le pays. « Pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l’Etat […], je déclare la loi martiale », a déclaré le président en direct dans une allocution télévisée surprise et tardive (à 23 heures, heure locale). Des troubles ont immédiatement éclaté, avant qu’il ne fasse marche arrière.

La situation dans le pays est extrêmement tendue entre le gouvernement au pouvoir et l’opposition. La loi martiale n’avait plus été instaurée depuis le processus de démocratisation du pays enclenché à la fin des années 1980.

Pourquoi le président a-t-il déclaré la loi martiale ?

Cette décision de déclarer la loi martiale est intervenue alors que la Corée du Sud est en plein débat houleux pour l’adoption de son budget – oui, comme en France. L’opposition, majoritaire au Parlement et dont le Parti démocrate (centre) est la principale figure, a approuvé la semaine dernière un programme budgétaire considérablement réduit. Le président Yoon Suk Yeol a accusé les élus de l’opposition de couper « tous les budgets essentiels aux fonctions premières de la nation qui sont la lutte contre les crimes liés à la drogue et le maintien de la sécurité publique […] transformant le pays en un paradis de la drogue et en un lieu de chaos pour la sécurité publique ».

Il a même qualifié l’opposition de « forces hostiles à l’Etat » et a dit vouloir protéger le pays de menaces émanant de la Corée du Nord. « Notre Assemblée nationale est devenue un refuge de criminels, un repaire de dictature législative qui cherche à paralyser les systèmes administratif et judiciaire et à renverser notre ordre démocratique libéral », a-t-il encore justifié.

Des manifestations immédiates à l’appel de l’opposition

Le chef de l’opposition sud-coréenne, Lee Jae-myung, qui a perdu de justesse les élections présidentielles de 2022, a qualifié la loi martiale d’ « illégale » et a appelé la population à se rassembler devant le parlement en signe de protestation. Des centaines de personnes ont entendu son appel, affluant devant le Parlement, à partir d’une heure du matin, heure locale (17 heures heure française), chantant « Arrêtez Yoon Suk Yeol ». Des hélicoptères militaires ont atterri sur le toit du parlement à Séoul, d’après des images en direct diffusées par les chaînes de télévision.

Quelque 190 députés sont parvenus à entrer dans l’Assemblée, après en avoir été brièvement empêchés par des soldats qui ont fini par quitter les lieux. Ils ont voté à l’unanimité en faveur d’une motion bloquant l’application de la loi martiale et appelant à sa levée. « Sur les 190 députés présents, 190 se sont prononcés en faveur de la résolution demandant la levée de la loi martiale, qui est donc adoptée », a déclaré le président de l’Assemblée nationale, Woo Won-shik. Depuis, l’armée a réaffirmé son allégeance au président.

Qu’aurait impliqué la loi martiale ?

La loi martiale n’avait pas été utilisée depuis plus de quarante ans dans le pays, qui a connu un processus de démocratisation et de libéralisation à la fin du XXe siècle. Elle prévoit l’interdiction de toutes les « activités politiques ». Les médias sont placés sous la surveillance du gouvernement.

Une communauté internationale qui a fait pression

Différents pays ont réagi à la proclamation de la loi martiale, généralement avec préoccupation. « Nous suivons la situation de très près et avec inquiétude », a déclaré Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU. « La situation est alarmante. Nous la suivons de près », a déclaré de son côté le porte-parole de la présidence russe Dmitri Peskov à l’agence de presse Interfax.

« Nous observons avec une grande inquiétude les récents développements en Corée du Sud, a commenté pour sa part Kurt Campbell, adjoint du secrétaire d’Etat américain. Nous espérons et attendons que les différends politiques soient résolus pacifiquement et dans le respect de l’État de droit. » Les Etats-Unis ont aussi affirmé ne pas avoir été mis au courant à l’avance de la décision du président sud-coréen, et espèrent que le vote du Parlement pour suspendre la loi martiale sera respecté. En France, Emmanuel Macron, actuellement en déplacement en Arabie saoudite, n’a pas fait de commentaire.

Tous ces avertissements et les troubles immédiats qui ont éclaté dans la capitale semblent avoir ramené le président sud-coréen à la raison.