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Vietnam : Condamnée à mort pour escroquerie, elle doit rembourser 20 milliards de dollars pour rester en vie

Elle est considérée comme le cerveau d’une escroquerie à 27 milliards de dollars. Un tribunal de Ho Chi Minh-Ville a confirmé mardi en appel la condamnation à mort de Truong My Lan, l’ancienne patronne d’un géant de l’immobilier qui a orchestré le plus grand scandale financier qu’ait connu le Vietnam. Les juges ont estimé qu’il n’y avait « aucune raison » de réduire la peine prononcée en première instance contre l’ex-dirigeante.

Mais si celle-ci rend trois quarts des sommes détournées, les juges ont précisé que la peine capitale pourrait être commuée en prison à perpétuité.

Un scandale aux proportions historiques

En chemise bleue, Truong My Lan était apparue dans la matinée au premier rang de la salle d’audience. A ses côtés, son mari, le milliardaire hongkongais, Eric Chu Nap Kee, accusé de violation des règles bancaires. Sa peine d’emprisonnement de neuf ans a été raccourcie à sept années en appel. Plus d’une centaine d’avocats ont participé au procès en appel, qui a duré un mois, selon des médias d’Etat.

La femme d’affaires a dérobé pendant une décennie des milliards de dollars, via un montage d’obligations frauduleuses transitant par la Saigon Commercial Bank (SCB), détenue à plus de 90 % par son groupe, Van Thinh Phat, spécialisé dans l’immobilier.

Le scandale, aux proportions historiques, a choqué l’opinion publique au Vietnam, provoquant des rassemblements, exceptionnellement tolérés par le pouvoir communiste. Des dizaines de milliers de personnes qui ont investi leurs économies auprès de la SCB ont perdu leur argent.

Les procès contre la dirigeante illustrent aussi bien le laisser-aller du secteur bancaire, durant une période d’enrichissement rapide et inédit du pays, que la campagne anticorruption menée tambours battants par les autorités.

Dommages « énormes »

Dans sa demande d’appel rédigée à la main, consultée par l’AFP, Truong My Lan avait déploré la condamnation à mort rendue en première instance, un verdict « trop sévère et dur », appelant la cour à adopter une « approche plus humaine et indulgente ». Pour rembourser sa dette, elle a suggéré de liquider la SCB et de vendre ses actifs. Truong My Lan et Van Thinh Phat possèdent notamment des parts dans des projets immobiliers d’envergure – gratte-ciel, centre commercial, port, lotissements – à Ho Chi Minh-Ville, la capitale économique du sud du pays.

Elle a remis à la justice plus de 600 propriétés familiales, a affirmé son équipe d’avocats, qui estime que les biens rendus – d’une valeur non-dévoilée – devaient lui permettre de bénéficier de la clémence des juges. La loi vietnamienne permet aux condamnés à mort d’échapper à une exécution, si trois quarts des actifs mal acquis sont rendus, ou en cas de coopération considérée comme suffisante avec les autorités.

Les procureurs ont indiqué la semaine dernière qu’elle n’avait pas rempli les conditions, et que les conséquences de son crime étaient « énormes et sans précédent ». L’avocat de Truong My Lan a indiqué mardi qu’une exécution, qui s’opère par injection létale au Vietnam, n’interviendrait pas avant plusieurs années selon toute vraisemblance.

Le secteur bancaire, entre corruption et laxisme

Le tribunal a également confirmé en appel la perpétuité prononcée contre un responsable de la banque centrale, qui a accepté un pot-de-vin de cinq millions de dollars pour passer sous silence les méfaits de la femme d’affaires. Dans un autre volet du scandale, elle a été condamnée mi-octobre à la prison à perpétuité, pour blanchiment d’argent, fraude, et transfert illégal d’argent transfrontalier.

La banque centrale a indiqué en avril avoir injecté des fonds pour stabiliser la SCB, sans révéler combien. L’affaire hors normes illustre les faiblesses du secteur bancaire vietnamien, entre corruption et laxisme sur l’application des règles, dans une économie qui tourne à plein régime depuis plusieurs années, selon des experts.

Un tribunal peut prononcer la peine de mort au Vietnam pour les crimes considérés comme les plus graves, notamment liés au trafic de drogues. Les statistiques sur le nombre d’exécutions et de condamnations sont classées secret d’Etat.