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Comment cette start-up bordelaise veut aider à créer « de la peau ou des organes » dans l’espace

Tout le monde connaît le bento, cette boîte à repas japonaise, séparée en différents compartiments. C’est sur ce modèle que la start-up bordelaise Space Cargo Unlimited annonce ce mardi le lancement de la BentoBox, une plateforme qui embarquera différentes unités de production dans l’espace, avec différents services pour fonctionner (énergie, réfrigération, contrôle de données, etc.)

La BentoBox de Space Cargo Unlimited permettra d'emporter différents éléments de production dans l'espace.
La BentoBox de Space Cargo Unlimited permettra d’emporter différents éléments de production dans l’espace. - Space Cargo Unlimited

Space Cargo Unlimited annonce également un partenariat de « plusieurs millions de dollars » avec l’entreprise allemande Atmos Space Cargo, qui développe une capsule de rentrée dans l’atmosphère, garantissant le retour des expérimentations sur Terre. Un vol test est prévu en avril 2025, avant le premier vol commercial programmé au quatrième trimestre 2025. 20 Minutes a interrogé le président de Space Cargo Unlimited, Nicolas Gaume.

Pouvez-vous expliquer ce qu’est exactement cette « BentoBox » que vous allez envoyer dans l’espace ?

Il s’agit d’une plateforme de production, qui sera en fait le premier composant et le cœur de Rev-1, notre future micro-usine spatiale en cours de développement. C’est une infrastructure dans laquelle se trouvent différentes unités de production, de la taille d’une imprimante, à destination de différents clients, et qui va leur permettre de produire des éléments dans l’espace de manière totalement automatisée. Elle peut emporter 100 kg de masse et 240 litres de volume. Nous sommes par ailleurs associés à une société allemande qui va nous permettre de disposer d’un bouclier thermique gonflable pour revenir sur Terre, une phase toujours délicate.

Un bouclier thermique gonflable permettra aux éléments envoyés dans l'espace de revenir sur Terre
Un bouclier thermique gonflable permettra aux éléments envoyés dans l’espace de revenir sur Terre - Space Cargo Unlimited

Qui sont les clients intéressés par vos missions ?

Nous aurons environ cinq clients par lancement, qui veulent utiliser l’environnement spatial et notamment l’absence de gravité, pour fabriquer différents produits à haute valeur ajoutée pour la Terre. Nos thématiques tourneront essentiellement autour de l’industrie pharmaceutique, technologique et les nouveaux matériaux. Nous avons déjà rempli le premier vol de la Bentobox à 80 %, et elle sera complète au début de l’année 2025. Pour ce premier vol, nous n’aurons que des entreprises européennes, notamment une qui veut développer des organes dans l’espace, parce que sans gravité, les cellules souches se développent beaucoup plus vite. Demain, on pourra ainsi fabriquer des cornées, on pourra développer de la peau pour effectuer des greffes de grands brûlés. Nous avons un autre client qui veut produire de la fibre optique au fluorure, qui a beaucoup d’intérêt mais qui est très difficile à fabriquer sur Terre. On va aussi faire voler un industriel qui va tester des capteurs laser, qui réagissent de manière très différente en l’absence de gravité. Nous pourrons également faire des alliages qui seront beaucoup plus résistants. Et nous voulons proposer cette capacité à produire dans l’espace à des coûts très bas.

Comment ?

Parce que l’on est absolument sans êtres humains. Il y a deux éléments dans le coût : le lancement – la fusée – qui coûte de moins en moins cher à la faveur de la compétition internationale et des projets de réutilisation de lanceurs, développés notamment par Space X. Et après, ce sont les infrastructures elles-mêmes, c’est-à-dire les véhicules spatiaux en orbite, qui ont tous été conçus pour accueillir des astronautes, permettant de faire de la recherche. Cela amène des contraintes de sécurité, techniques…, qui multiplient par 50 voire 100 les coûts. Nous avons un dispositif entièrement automatisé, et donc beaucoup moins cher. .

Au final, quel sera le coût de ces missions pour vos clients ?

Cela dépend car nous avons différentes catégories de clients. Certains ne travaillent qu’à travers des cargos passifs, c’est-à-dire qu’ils envoient quelque chose dans l’espace et le récupèrent. Le plus « petit » dans cette catégorie fait une mission pour 25.000 euros. Mais d’autres font des choses beaucoup plus complexes avec de la production dans l’espace, et là cela va jusqu’à un peu plus de trois millions d’euros pour le plus gros client. Nous avons aussi des clients qui veulent des lancements récurrents. Nous sommes déjà en mesure d’annoncer sept vols, et nous sommes en train de commercialiser les deuxième et troisième vols pour 2026.

Avec quel lanceur partirez-vous pour ces missions ?

Avec Space X. J’ai hâte qu’il y ait des solutions européennes, mais aujourd’hui ce lanceur reste la solution de référence pour accéder à l’espace, à des coûts accessibles.

Quelle sera la durée des vols ?

Nous proposons des vols de deux semaines avec la Bentobox, sachant que la capsule Rev-1 fera, elle, des vols de deux mois. Certains clients ont besoin de temps, d’autres de seulement quelques jours. La plateforme tournera à 600 km d’altitude, sur une orbite polaire [autour des deux pôles], et après avoir décollé de Cap Canaveral, elle se posera dans l’eau, certainement aux Açores.

Vous aviez également envoyé de la vigne sur l’ISS, qui a ensuite été replantée sur Terre. Où en est cette expérimentation ?

Le but était de développer une vigne plus résistante aux pathogènes. Nous avons de très bons résultats, et nous allons démarrer une commercialisation l’année prochaine, ce qui fait de nous la seule entreprise au monde qui a produit quelque chose dans l’espace avec une valeur ajoutée pour la Terre, et qui va être commercialisée, auprès des viticulteurs.