France

Budget 2025 : Comment Michel Barnier a perdu sa « partie de poker » avec le Rassemblement national

A l’Assemblée nationale,

« On est comme les dindes qui attendent Noël », ironisait la semaine dernière le patron des députés MoDem, Marc Fesneau. Michel Barnier et ses ministres ne devraient donc pas voir les fêtes de fin d’année. Le Premier ministre a engagé la responsabilité de son gouvernement sur le budget de la Sécurité sociale, ce lundi, à l’Assemblée nationale. Un 49.3 aux allures de saut dans le vide, puisque Michel Barnier devrait être censuré mercredi par les voix de la gauche et du Rassemblement national.

« On savait que le RN était l’arbitre »

Jusqu’au bout, pourtant, l’ancien négociateur du Brexit aura tenté d’obtenir un accord avec le RN pour éviter la chute. Dans la matinée, le Premier ministre décroche son téléphone pour appeler Marine Le Pen. Et dans la foulée, Matignon publie un communiqué faisant état d’une nouvelle concession dans la liste de courses dressée par la triple candidate à la présidentielle : l’abandon du « déremboursement des médicaments » en 2025. A midi, dans les couloirs de l’Assemblée, le député RN Philippe Ballard ne peut que donner le point. « Ils prennent enfin en considération nos 11 millions d’électeurs aux législatives ». Michel Barnier semble s’offrir un peu d’air. Mais c’est sans compter l’appétit de glouton du premier groupe à l’Assemblée nationale.

Car quelques minutes avant la séance, Marine Le Pen passe devant les journalistes pour rappeler une énième ligne rouge : « Nous avons déposé un amendement sur le renoncement à la désindexation des retraites. A charge pour le gouvernement de l’accepter ou de ne pas l’accepter ». Un peu plus loin, l’élu du groupe Liot et ex-macroniste Paul Molac fait la grimace : « En mettant Barnier à Matignon, on savait que le RN était l’arbitre. On en arrive aujourd’hui à ce jeu de poker menteur entre les deux… »

« Barnier, c’est pire que Borne et Attal »

Le suspense prend fin vers 15h30, quand Michel Barnier monte à la tribune. Le Premier ministre évoque « un moment de vérité » en s’adressant à la représentation nationale. « A vous de décider si notre pays se dote de textes financiers responsables, indispensables et utiles. Ou alors si nous entrons en territoire inconnu ». Avant d’activer le 49.3, Michel Barnier presse les élus de « préférer l’avenir de la Nation » par rapport aux « intérêts particuliers ». Sur son banc, Marine Le Pen fait la moue, les bras croisés. A aucun moment, l’indexation des retraites n’a été évoquée. Sans surprise, Mathilde Panot annonce très vite le dépôt d’une motion de censure : « Il aura mercredi à la fois le déshonneur et la censure », prédit la patronne des insoumis. Elle pointe notamment les concessions faites au RN sur les taxes sur l’électricité ou sur l’Aide médicale d’Etat.

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Sans surprise non plus, le RN annonce qu’il votera la censure. « Barnier, c’est finalement pire que Borne et Attal. Il y a un côté hypocrite. Il donne des miettes pour faire croire à un geste, mais derrière, c’est le même mépris, grince l’élu RN Thomas Ménagé. Il a joué en pensant qu’on ne censurerait pas. On a pourtant été clairs sur l’indexation des retraites. Soit il n’a pas compris, soit il est kamikaze ».

Au sein du « bloc central », on tente bien de mettre la pression sur les oppositions, mais sans y croire. « Le Premier ministre a bien tenté le compromis, mais pour ça, il faut être deux. Or le RN avait toujours plus de demandes. Et la gauche a refusé de se mettre à table », regrette le macroniste Jean-René Cazeneuve. Son collègue Eric Woerth ajoute : « Ce n’est pas l’échec de Barnier, il a fait ce qu’il pouvait sans aller à l’excès. C’est l’échec du RN et de son incapacité à se comporter comme un parti de gouvernement ». La « partie de poker » terminée, c’est bien Michel Barnier qui est en passe de quitter la table.