Réforme des retraites : « Menace » et « amendements de clowns », les débats s’embourbent, le vote sur l’abrogation s’éloigne
A l’Assemblée nationale,
« L’hémicycle est en train d’incarner le brouhaha, le désordre, franchement ce n’est pas possible ! ». Il est presque midi ce jeudi, et la vice-présidente de l’Assemblée nationale, Naïma Moutchou, peine à tenir les débats. Les députés s’écharpent déjà depuis près de trois heures sur la proposition de loi d’abrogation de la réforme des retraites d’Emmanuel Macron, dans le cadre de la niche parlementaire de La France insoumise. Les élus de la coalition gouvernementale avaient prévenu qu’ils feraient tout pour empêcher un vote perdu d’avance sur ce texte.
« Des amendements de clowns »
Pendant toute la matinée, les députés de la majorité prennent la parole dans l’hémicycle pour défendre les près de mille amendements déposés sur ce texte. « LFI veut abroger la réforme des retraites comme on efface une dette au Monopoly. Irresponsable, irréaliste, et purement démagogique », lance Prisca Thevenot, députée Renaissance et ancienne porte-parole du gouvernement. Les discours s’enchaînent… et se ressemblent. Ils n’ont parfois que très peu à voir avec le contenu du texte, mais l’important est ailleurs : jouer la montre jusqu’à minuit ce soir, et envoyer la proposition de loi insoumise aux oubliettes.
Face à cette « obstruction parlementaire », la gauche fulmine. « Nous ne participerons pas à cette comédie et ces amendements de clowns. Vous crachez aux visages d’électrices et d’électeurs. Vous ne siégiez pas pendant deux mois sur le budget mais là, vous trouvez l’énergie pour que des gens aillent au travail jusqu’à la mort », s’emporte Hadrien Clouet, député insoumis. « Ne traitez pas vos collègues de clowns même si vous êtes des spécialistes, car le cirque au Parlement, c’est vous qui le faites ! », réplique l’élu MoDem Richard Ramos. A chaque intervention, ou presque, la présidente de séance doit intervenir pour calmer les parlementaires. « Arrêtez vos provocations, pensez à ceux qui nous écoutent… », soupire Naïma Moutchou.
« Les heures les plus sombres de notre histoire »
Appels au règlement et interruptions de séance se multiplient, encore et encore, au grand dam de la gauche, l’œil fixé sur l’horloge. Les insoumis refusent d’ailleurs de monter au micro pour tenter d’accélérer le rythme, y compris le rapporteur du texte, assis au premier rang. Alors, lorsqu’il se lève enfin, les macronistes l’acclament. Mais Ugo Bernalicis les déçoit vite. « Vous demandez des scrutins publics sur tous vos amendements d’obstruction… Faites attention, il y aura des listes avec vos noms sur le site de l’Assemblée ! ». Les macronistes hurlent. Rappel au règlement : « On ne peut pas accepter que le rapporteur menace les parlementaires, c’est INADMISSIBLE ! », hurle Sylvain Berrios, député Horizons. Suspension de séance. « Ce que fait LFI avec des listes, des noms, des adresses, ça rappelle les heures les plus sombres de notre Histoire », s’agace Mathieu Lefèvre, salle des Quatre Colonnes.
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A la reprise, Eliane Kremer, des Républicains, met le feu aux poudres lorsqu’elle estime qu’« à 64 ans comme à 60 ans, on ne va pas directement ni à l’Ehpad, ni au cercueil ! ». Jean-Philippe Tanguy, jusqu’ici silencieux avec ses collègues du RN, lui répond : « Il ne faut pas gratter longtemps pour voir la morgue de classe du parti des petits-bourgeois qui n’ont jamais travaillé ». Suspension de séance. A la reprise, l’élu RN reprend la parole et cabotine. « Je présente mes excuses à notre collègue. C’est une jeune retraitée de 62 ans de la Banque de France, un des régimes les plus favorables de la République ». Rappel à l’ordre. « C’est une attaque personnelle… », se désole Naïma Moutchou.
A la pause de la mi-journée, l’examen de l’article 1 de la proposition de loi n’a pas débuté. La pile d’amendements est toujours aussi grosse, 700 restent à l’étude. Les débats reprennent à 15 heures, et les insoumis décident désormais d’y participer. Une manière d’acter la défaite et l’impossibilité d’aller au vote avant minuit.