Les robots humanoïdes progressent mais sont encore loin d’envahir notre quotidien
Un monde de robot sera peut-être un jour davantage que de la science-fiction. Le 10 octobre, Tesla, l’entreprise de robotique d’Elon Musk, dévoilait Optimus, son projet d’assistant personnel futuriste. Ce robot humanoïde promet de vous accompagner pour toutes vos tâches ménagères ou même d’être votre compagnon pour discuter ou jouer à des jeux sociétés, même si sa date de sortie n’a pas été communiquée.
Et pour cause : depuis des années, des entreprises nous promettent l’arrivée des androïdes dans notre quotidien. Pour l’instant, il faut surtout se contenter de ChatGPT et d’aspirateurs autonomes qui se coincent contre le tapis. « Le public est habitué à la mise en scène marketing, mais ce n’est pas la vérité : Les robots tombent et sont lents », assène Serena Ivaldi, directrice de recherche du centre de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) de l’université de Lorraine.
Le public curieux, justement, ainsi que la fine fleur de la robotique, était invité à Nancy, vendredi, pour discuter des avancées du secteur. L’Inria y ouvrait la semaine de la robotique, un sommet rassemblant de nombreux chercheurs et entreprises du domaine. Le premier week-end était particulièrement consacré aux robots humanoïdes. Signe que le sujet intéresse de plus en plus, c’est la deuxième année consécutive que l’événement est ouvert aux visiteurs, des ateliers grand public comme des concours de « robot soccer » sont organisés et une affluence record est attendue.
Un nouvel intérêt pour les robots humanoïdes
Dans les allées du centre des Congrès de Nancy, chaque exposant met en avant ou fait défiler son robot plus ou moins bipède. Des images de science-fiction qui, malgré les vidéos promotionnelles sur les stands, semblent encore loin. Les petits dispositifs autonomes comme les aspirateurs, les bras robotiques industriels ou même les machines quadrupèdes, comme Spot, la machine de Boston Dynamics qui surveille la résidence de Donald Trump à Mar-a-Lago (Floride), ont déjà creusé leur trou.
Mais « les humanoïdes ne sont pas encore à ce stade, reprend Serena Ivaldi. Savoir marcher et bouger « dans la vraie vie » est encore difficile. Demander à un robot d’interagir vocalement est aussi extrêmement compliqué. On doit arriver au point où le robot agit comme une personne : qu’il comprenne une nouvelle consigne, qu’il sache trouver un plan d’action de manière parfois créative, et qu’il puisse l’exécuter de façon autonome. »
Mais la tendance est en train de changer. « Pendant des années, les humanoïdes ont été vus comme des prototypes coûteux, reconnaît Serena Ivaldi. Depuis que Tesla veut faire de l’humanoïde, beaucoup d’entreprises se lancent aussi. Quarante start-up chinoises travaillent sur des robots humanoïdes. » Le Beijing Humanoid Robot Innovation Center a même récemment annoncé que Tiangong, son robot humanoïde, deviendrait bientôt open source, c’est-à-dire que n’importe qui pourra librement consulter et se réapproprier son programme.
« Un changement de paradigme »
Si ce n’est suivre la tendance, pourquoi s’entêter à donner deux bras et un semblant de visage en diodes aux robots, là où un bras automatique suffirait ? En échangeant sur le salon, les mêmes arguments reviennent souvent. Le robot humanoïde se déplace, monte des escaliers, il est polyvalent, reprogrammable. Avec l’IA, on peut lui dire quoi faire. « L’argument avancé, c’est souvent que l’environnement est fait pour des humains donc c’est plus pratique. Même si, dans les usines, on a souvent de grands espaces plats, nuance Emile Kroeger de United Robotics Group. Sinon, c’est vrai qu’il y a un côté un peu sympa. Les gens comprennent tout de suite comment le robot se comporte, et c’est plus pratique pour le commander. »
Il est plus facile, par exemple, de comprendre un robot qui prend un air fâché ou appelle à l’aide devant un obstacle que d’évaluer les intentions d’un drone à l’arrêt. « C’est un changement de paradigme par rapport aux bras industriels », résume Serena Ivaldi.
Un aspect humain pour le réconfort
Les robots humanoïdes ont aussi simplement le don pour nous fasciner. Il suffit que l’un d’entre eux trébuche dans les allées du palais des Congrès pour que les visiteurs prennent un air peiné pour lui. Au centre du salon, un stand attire d’ailleurs l’attention plus que les autres. Dans un décor en carton et entouré d’extraits de ce qui pourrait être un dessin animé diffusé sur France 3, le public peut rencontrer Miroki et Miroka, les deux robots humanoïdes de l’entreprise française Enchanted Labs.
Ces deux robots sur roues sont présentés comme des solutions pour les hôpitaux, mais aussi des secteurs comme l’hôtellerie et l’événementiel. Ici, le soin apporté à leur apparence prend tout son sens. « Ce sont des robots évoluant dans un environnement humain, donc il est important de générer de l’engagement. Pour apporter du réconfort à l’hôpital par exemple, c’est bien d’avoir un petit personnage, défend Jérôme Monceaux, fondateur d’Enchanted Labs et qui a déjà créé d’autres modèles d’androïde, comme le robot programmable Nao, parfois utilisé comme outil pédagogique. Il admet aussi que le marché potentiel des « people-facing robot », en contact avec du public, dépasse largement le secteur industriel.
« C’est du marketing, tout le monde voit les vidéos »
Pour discuter avec les utilisateurs, Miroki est équipé d’une IA générative. Jérôme Monceau se tourne vers le robot, enthousiaste de faire une démonstration : « Peux-tu me dire ce que tu vois ? » Silence de plusieurs longues secondes. Pas de réponse – la faute à la connexion ou au bruit ambiant nous justifie-t-on. Pour la conversation, il faudra repasser. Cette anecdote et les quelques gamelles de robots bipèdes de la journée soulignent encore les limites de la robotique.
Nous continuons la recherche du robot qui pourra satisfaire nos rêves de science-fiction. Le bipède de PAL Robotics, une entreprise espagnole nouvellement implantée en France et déjà active sur le marché des bras et des « manipulateurs mobiles », pourra-t-il un jour déambuler avec nous au travail ? « Pas celui-là précisément. Je veux dire… c’est du marketing quoi, tout le monde voit les vidéos », admet un représentant.
On en revient aux présentations du robot Optimus. L’une d’entre elles a fait plus de 8 millions de vues sur YouTube et donné lieu à de nombreuses reprises dans les médias. « Peut-être que Tesla sera plus rapide dans le domaine, mais il y a encore beaucoup d’obstacles : le coût, la distribution, l’acceptabilité pour les utilisateurs, l’autonomie, liste le représentant de PAL Robotics. Avec deux heures d’autonomie, il va finir par tomber. Et peut-être que le robot peut tomber avec un peu de grâce, mais ça reste pas pratique. »
Finalement, la morale de l’histoire, c’est peut-être qu’il faut au mieux s’armer de patience, au pire, abandonner l’idée d’avoir un androïde à tout faire chez soi. « La plupart des gens n’ont pas forcément besoin d’un robot qui fait tout et qui peut apprendre au fur et à mesure, reconnaît Emile Kroeger de United Robotics Group.
Quand on regarde les assistants domestiques comme Google Home ou Alexa, ce sont souvent les mêmes usages qui reviennent : mettre un compte à rebours, mettre de la musique. Les robots aussi n’auraient que quelques usages très précis. » Jérôme Monceaux de Enchanted Labs, lui, garde son optimiste, comme un inventeur qui attend de voir sa machine voler : « On veut faire en sorte que ce ne soit pas un objet qu’on sorte pour des événements, mais quelque chose qui vit avec nous. »