Meurtre de Victorine : « Il n’a pas eu un regard pour la famille »… Ludovic Bertin impassible à l’ouverture du procès
A la cour d’assises de l’Isère
Ils n’ont eu de cesse de le fixer, cherchant son regard pendant plus de trois heures, tout en refoulant parfois les larmes qui leur montaient aux yeux. Mais derrière la vitre du box des accusés, Ludovic Bertin est resté de marbre, sans tourner une seule fois la tête en leur direction. Jugé pour le meurtre de Victorine Dartois, commis en septembre 2020 à Villefontaine, l’accusé a bien été en peine de regarder les parents de la jeune femme dans les yeux, pas même lorsqu’il s’est adressé à eux.
« Je suis content que le procès puisse débuter pour apporter mes explications à la famille Dartois, même si j’ai conscience que tout ce que je peux dire ne va pas réparer ce que j’ai fait », lâche le père de famille tourné vers les jurés au premier jour de son procès. Vêtu d’un polo gris clair, l’homme fixe ensuite le sol. Puis se rassoit.
Lundi, les débats ont été uniquement consacrés à la personnalité de l’accusé de 28 ans et son parcours de vie. Et l’homme n’a guère été plus bavard pour l’instant. Un rapport d’enquête a permis de mettre en évidence quelques « distorsions » entre les faits rapportés ou ressentis par l’accusé et la réalité. Que dire de ce père « absent » qui ne l’a pas reconnu et qui n’aurait « quasiment jamais été présent » ? « Vos parents n’étaient pas séparés, comme vous les dîtes. Votre père, qui travaillait la semaine loin, revenait chaque week-end chez vous », observe la présidente de la cour, s’étonnant que le gamin ait « peu de souvenirs » de son géniteur décédé lorsqu’il avait pourtant neuf ans.
Scolarité chaotique et enfance désœuvrée
Devant l’enquêteur de personnalité, l’intéressé a évoqué une « enfance difficile » faite de moqueries à l’école et d’ennui. « Il n’y avait rien à faire à la maison à part regarder la télé. On habitait loin du centre-ville », indique-t-il. Pas d’activité sportive, pas de vacances en famille, des « pâtes et du riz » au menu et les « vêtements des frères aînés » qu’il fallait porter, à défaut d’avoir des habits neufs. « On n’avait pas une vie de riches mais on était tous logés à la même enseigne », nuance pourtant sa sœur qui estime n’avoir « jamais souffert d’un manque ». A la maison, la mère, employée de la Poste, s’attache pourtant à donner une « bonne éducation » à ses six enfants. Une éducation avec « un simili de sévérité », basée sur le respect et les messes du dimanche.
Au terme d’une scolarité chaotique, dans laquelle il n’était « jamais investi », le gamin a fumé son premier joint à 14 ans et goûté l’alcool, trois ans plus tard. Ensuite, tout est allé très vite. « Rapidement sa consommation est devenue excessive, note l’enquête de personnalité. Une bouteille dans la soirée, c’était devenu banal. » L’accoutumance à la cocaïne a, elle aussi, été rapide. « Jusqu’à 10 grammes dans une même soirée » et une « consommation quotidienne » au cours des deux années qui ont précédé le meurtre de Victorine. « Comment faisait-il pour acheter sa drogue puisqu’il n’avait pas de revenus à cette époque ? Cela pose question », relève la présidente de la cour, regrettant à demi-mot que l’enquêteur n’ait pas davantage approfondi le sujet.
« Ils ont besoin d’entendre le bourreau de leur fille »
« Coureur de jupon » et mari volage, Ludovic Bertin est aussi qualifié de « très bon papa » par son entourage, d’homme « réfléchi » « meneur », « empathique » « très protecteur » envers les siens et « serviable ». Pendant l’énumération de tous ces qualificatifs, l’accusé relève légèrement la tête ou fixe le dos de son avocat. Mais évite toujours soigneusement tourner la tête vers les parties civiles.
« Ludovic Bertin n’a pas daigné leur donner un seul regard alors qu’elles l’ont regardé avec insistance et sans relâche », déplore Kelly Monteiro, avocate de la famille Dartois à la sortie de l’audience. Mais qu’importe. Ce qui compte, assure-t-elle, ce sont les explications qu’il a promis de livrer. « Les parents de Victorine ont besoin d’entendre le bourreau de leur fille dire ce qu’il s’est passé. C’est lui, le dernier à l’avoir vue. Et c’est important pour la famille d’avoir cette vérité qu’elle attend depuis quatre ans », conclut-elle.