« Dans cette nouvelle génération d’artistes, on se soutient, on est solidaires », assurent Mentissa et Joseph Kamel
Joseph Kamel et Mentissa viennent de sortir Tu vis, un duo qui figure sur la réédition de l’album Miroirs de l’auteur, compositeur et interprète de 28 ans. Cette chanson n’est pas née de l’opportunisme de leurs labels respectifs mais d’une « envie commune », dixit le chanteur. Tous deux avaient collaboré pour plusieurs titres de La Vingtaine, le premier disque de l’artiste belge de 25 ans, sorti fin 2022. « De là est née une histoire artistique et amicale », poursuit Joseph Kamel. Ce sont donc deux artistes parmi les plus prometteurs de leur génération et deux potes que 20 Minutes a rencontré pour une interview croisée.
La chanson « Tu vis » parle de la distance qui vous sépare de vos proches. C’était un sujet évident pour concevoir ce duo ?
Joseph Kamel : On avait prévu trois jours de studio avec Mentissa pour prendre le temps de composer. Il se trouve que mes parents travaillent dans l’humanitaire et qu’ils sont rarement là. Lors de notre deuxième journée de travail, ma maman partait vers un endroit un peu dangereux. Je suis arrivé inquiet au studio. J’en ai parlé à Mentissa, non pas pour que ça inspire une chanson, juste comme une confidence. Je lui ai raconté que mes parents partaient et me ramenaient toutes leurs histoires vécues à l’étranger. Elle m’a répondu : « Tu vis à travers eux ». Et la chanson est partie de là.
Mentissa : Pour l’anecdote, le premier jour, on avait écrit et composé une chanson qu’on trouvait super. On se disait que c’était celle qu’il nous fallait pour notre duo. On savait qu’on avait déjà notre titre, mais comme il nous restait deux jours de studio, on a décidé d’en profiter, en bonus.
J. : Plutôt que de ne rien faire, faisons une chanson… Et Tu vis a été une évidence.
Lorsqu’il y a de telles évidences, on pressent que la chanson est spéciale et on espère qu’elle fera particulièrement écho auprès du public ?
J. : Quand on chiale pendant l’enregistrement, déjà, c’est bon signe. (Il rit)
M. : Il y a eu une connexion. Quand on a commencé à écrire les paroles, on a senti qu’elles étaient chargées émotionnellement. Quand on l’a chantée, la pièce s’est transformée et est devenue un endroit très « safe ». On a senti cette émotion particulière, cette chanson est spéciale.
Avant de vous rencontrer que pensiez-vous de vos parcours respectifs ?
J. : Je connaissais Menti pour avoir suivi « The Voice » [elle était finaliste de la saison 10 en 2021] …
M. : (dubitative) Ouais, c’est ça… Mais tu ne me connaissais pas du tout ! (elle rit)
J. : Si, avec le titre Et bam, attend ! Tu étais numéro 1 partout.
M. : (agréablement surprise) Ah tu me connaissais ?
J. : Ben quand même ! Quand on m’a dit que j’allais écrire pour Mentissa, j’ai pensé : « Il y a eu Vianney [son coach dans « The Voice », qui a signé Et bam] avant, c’est chaud quand même ! » (Ils rient tous les deux) J’aimais cette chanson, tu n’avais que celle-là à ce moment-là et je me disais que ça pourrait donner quelque chose d’assez nouveau d’écrire pour toi. Ça me faisait flipper un peu aussi. J’étais honoré parce que je n’avais jamais écrit pour quelqu’un d’autre que moi avant de la rencontrer.
M. : Moi, j’étais très fan de sa chanson Dis moi. A ce moment-là, je l’écoutais en boucle. Mon label me demandait de faire une liste de personnes avec lesquelles j’aimerais coécrire mon album. Je leur ai tout de suite parlé de Joseph Kamel. On s’est rencontrés pour voir si humainement ça collait. Tout de suite on a vu qu’on avait le même humour, le même lâcher prise, le même professionnalisme aussi. On s’est revus plusieurs fois, on est allé à Londres travailler également. Et de toutes ces rencontres sont nés trois titres.
J. : Non, quatre. Parce qu’il y en a un qu’on a fait ensemble et que finalement j’ai gardé pour moi.
M. : Une collaboration fructueuse ! (elle rit) L’amitié qu’on a. C’est une chance. Dans cette nouvelle génération d’artistes, on se soutient, on est solidaires. Pour moi, c’est un luxe d’avoir un ami comme Joseph qui comprend ce que je vis, on a les mêmes doutes, les mêmes craintes et on a la chance de vivre ça ensemble. Je suis arrivée dans ce monde artistique il y a trois ans, un peu seule. Petit à petit, je fais des rencontres qui sont plus fortes que d’autres et je m’en estime très heureuse.
J. : (Emu) C’est gentil. Tu vas me faire chialer. (Ils rient). Merci beaucoup. C’est réciproque.
Mentissa, vous avez participé à « The Voice » et vous Joseph à « The Artist ». Le télécrochet, c’est un tremplin qui fait gagner des années ?
J. : Mon cas est particulier car j’ai fait un télécrochet qui n’a pas marché [les audiences étaient effectivement très faibles]. (Ils rient) Il avait le mérite d’exister, c’était le premier télécrochet d’auteurs, compositeurs et interprètes. J’avais l’occasion de présenter mes propres chansons sur France 2, à une heure de grande écoute et de faire des rencontres. Aujourd’hui, beaucoup d’artistes dans la variété ont démarré avec « Nouvelle Star », « Popstars », « Star Academy », « The Voice »… Cela peut être un vrai tremplin mais c’est loin d’être systématique.
M. : Pour moi « The Voice » a joué un très grand rôle, j’y ai fait la rencontre de Vianney et, après l’émission, je n’ai jamais arrêté de faire de la musique alors que je ne faisais pas du tout cela avant. Mon rêve est devenu une réalité.
Joseph, vous avez coécrit « Ceux qu’on était » avec Pierre Garnier qui est devenu un tube avant même qu’il remporte « Star Academy ». Comment avez-vous vécu le phénomène autour de cette chanson ?
J. : Personne ne s’attendait à l’histoire qu’allait vivre cette chanson et à ce qu’allait vivre Pierre. J’ai vécu tout ça comme un fan d’un club de foot qui voit petit à petit que son équipe est en train de gagner la Ligue des champions. C’est assez fou. Quand, durant la finale, Dadju a fait chanter à Pierre Ceux qu’on était plutôt que la chanson prévue, c’était comme une finale de Coupe du monde. J’étais avec toute l’équipe et on trouvait ça incroyable. Cette chanson, c’est celle de Pierre, et il la porte tellement bien.
Vous êtes de la même génération. Qu’est-ce que cela implique d’être un ou une artiste dans sa vingtaine et qui essaye de faire carrière dans la musique ?
J. : Il faut s’accrocher. On n’a pas la recette. Il faut tous les jours essayer de faire du mieux qu’on peut, de donner le maximum que ce soit en studio ou sur scène, d’être le plus sincère et présent, à 100 % avec les gens.
M. : La vingtaine, c’est une période qui part dans tous les sens, dans le bon comme dans le mauvais. Il nous arrive des choses superbes et parfois on se retrouve face à un mur qu’il faut franchir. Il faut réussir à se surpasser. Je me dis qu’à cet âge, tout est permis, mais il faut faire des choix et les bons choix. Ce qui est beau, c’est qu’on a le droit à l’erreur, on peut se pardonner d’en faire et recommencer. C’est une période où comme, tout est possible, ça donne le vertige. Surtout dans un métier comme le nôtre où, aujourd’hui, il y a tellement d’artistes… Il faut essayer de ne pas se comparer aux autres, de rester proche de qui on est. Le fait d’avoir une vie normale avec mes amis, ma famille, permet de souffler et de relativiser.
De plus en plus d’artistes mettent en avant l’importance de prendre soin de leur santé mentale. Cela vous parle ?
J. : C’est hyperimportant. De plus en plus, on prend conscience, du moins j’espère, que c’est une question de santé, de la même manière que si on est blessé au genou, il faut se soigner. Quand on est blessé à la tête, ben, c’est pareil. Il faut prendre le temps, consulter, s’entourer des bonnes personnes. Pour moi, il n’y a zéro tabou là-dessus.
M. : Ce n’est pas facile de trouver l’équilibre. La musique, c’est chanter. Chanter, c’est une vibration, une énergie assez profonde. C’est un métier qui en demande beaucoup psychologiquement quand tu es sur scène, que tu parles avec ton public, que tu chantes avec lui. Ce métier donne beaucoup mais prend aussi pas mal. Dans tout ce processus, il faut réussir à prendre des pauses. Parfois, on veut rendre fier nos entourages, nos équipes qui travaillent avec nous. On donne tout pour ne pas se décevoir et ne pas décevoir les autres. Par moments, on sent que ça tire un peu. Il faut juste réussir à dire « stop » au bon moment. Ce n’est quand même pas évident de se demander à quel moment la santé mentale devient LA priorité.
Mentissa, vous allez participer à la sélection belge pour l’Eurovision 2025. L’an passé, dans une interview accordée à « 20 Minutes », vous disiez que ce concours était une responsabilité que vous ne vouliez pas prendre. Qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis ?
M. : Le timing. L’année dernière, je n’étais pas prête, ma priorité, c’était ma tournée, mes projets en cours. L’Eurovision aurait été une responsabilité beaucoup trop grande à ce moment-là. Un an plus tard, j’ai fini ma tournée, où j’ai appris plein de choses, j’ai l’impression de ne plus être la même personne. Là, je me sens les épaules de représenter mon pays à l’Eurovision. ça reste quand même très stressant car je veux faire les choses bien. Si demain j’ai tout un pays, la Belgique, derrière moi, ce serait énorme comme responsabilité. Mais l’idée me plaît. ça m’amuse aussi de recommencer un concours. C’est sûr que c’est dangereux, mais il faut rester humble, ne pas oublier d’où l’on vient.
La chanson sera révélée en janvier… Elle sera en français ?
M. : Je ne peux pas trop en révéler pour le moment. Ce que je peux dire, c’est que ce sera le premier single de mon deuxième album. Et je pense que les gens vont être surpris parce que ce n’est pas forcément là qu’on m’attend pour la suite.
J. : Tu fais de la drill, du rap hardcore ? (Mentissa éclate de rire).
Et vous Joseph, France Télévisions vous a appelé pour représenter la France ?
J. : Je n’ai pas reçu de coup de fil. Il faut que je vérifie, j’ai tendance à ne pas écouter ma messagerie (il sourit).
Ça vous intéresserait d’y concourir ?
J. : Honnêtement, il ne faut jamais dire jamais.
M. : Tu serais pas mal, en fait, à l’Eurovision…
J. : Tu crois ? Ouais mais après je n’aurais pas envie d’être en concurrence avec Mentissa, on est trop copains.