France

Joseph ne portait qu’un bleu de travail et avec des gants… Le nucléaire a-t-il tué cet ouvrier ?

Il était entré au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) en 1964. Pendant près de vingt ans, Joseph Jaouen y a exercé le métier de monteur d’armes nucléaires. Embauché sur le site de L’Île Longue, au large de Brest (Finistère), le Breton travaillait comme monteur de têtes nucléaires au sein de l’atelier pyrotechnique de ce lieu classé secret-défense où la France garde précieusement ses sous-marins lanceurs d’engins.

Joseph Jaouen y a travaillé jusqu’en 2000. Son cancer de la vessie a été diagnostiqué quatorze ans plus. Pendant cinq ans, il se battra contre les rechutes et les complications, avant de décéder en 2019. Depuis cette date, sa famille tente de faire condamner son employeur, estimant que le CEA est coupable d’une faute inexcusable.

Des rayons ionisants pendant près de dix ans

D’après Me Hermine Baron, avocate de la famille, Joseph Jaouen « a été exposé de manière régulière et habituelle aux rayonnements ionisants et neutroniques ». Devant le tribunal correctionnel de Brest, l’avocate s’est appuyée sur l’avis de médecins spécialisés dans la reconnaissance des maladies professionnelles. Selon eux, l’activité professionnelle « l’a exposé de manière certaine à des rayons ionisants entre 1983 et 1991. Cette exposition est suffisamment caractérisée pour établir un lien entre la pathologie et l’activité professionnelle ».

Pour travailler, Joseph Jaouen n’était équipé que de gants et d’un bleu de travail. Une protection « très insuffisante » selon l’avocate de sa famille. Un avis que ne partage pas le conseil du CEA. « Il n’y a pas de lien entre les maladies et le travail de M. Jaouen. Si on veut prouver le contraire, il faut s’appuyer sur des éléments précis », a rétorqué Me Franck Dremaux.

D’après l’association Henri Pézerat, qui soutient la famille Jaouen et les autres « irradiés des armes nucléaires », les rayonnements neutroniques sont « 20 fois plus efficaces, c’est-à-dire dangereux » que les autres types de radiations. Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 30 janvier 2025.