Cancer : « J’ai mes règles par le nombril », Chloé, 24 ans, a bénéficié d’une première en France pour sauver son utérus
Tout faire pour garder son utérus et conserver sa fertilité. A 24 ans, Chloé*, a appris être atteinte d’un cancer très agressif et rare au niveau de la cloison recto vaginale. Pour garder une chance d’avoir des enfants, la jeune femme a accepté d’expérimenter un schéma thérapeutique imaginé et mis en place par l’équipe du professeur Chérif Akladios, chef du pôle de gynécologie, obstétrique et fertilité des Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Une première en France au cours de laquelle son utérus a été déplacé.
Alors que Chloé, jeune mariée résidant près de Strasbourg, attend avec impatience un dernier acte chirurgical, le 3 décembre prochain, qui va permettre de remettre son utérus en place. La jeune femme raconte à 20 Minutes son difficile et incroyable parcours de santé.
Comment avez-vous encaissé l’annonce de ce cancer ?
Après un banal contrôle chez ma gynécologue en juin dernier – ça faisait un moment que je n’en avais pas fait –, on a découvert une grosse masse. Puis, la tumeur a rapidement grossi et quelques semaines après, la tumeur appuyait sur mes reins, etc., au point que je ne pouvais même plus m’asseoir. On a même voulu m’opérer car on pensait que c’était un gros kyste. Après une biopsie, la nouvelle est tombée. Sur le coup, j’étais un peu confuse, je ne réalisais pas bien ce qui arrivait. On ne se doute pas vraiment que cela peut être « ça », d’autant plus qu’il n’y a pas de cancer du côté de mes parents, de ma famille. Les premiers jours je demandais si c’était sûr, j’étais dans le déni.
A 24 ans, comment réagit-on par rapport à son avenir ?
J’ai des projets. Je venais d’ailleurs de signer un contrat de travail dans une entreprise. Ça bouscule tout. Ce n’est pas évident d’autant qu’on m’a clairement dit au début qu’on allait devoir m’enlever tous les organes du bas. Il y avait des pronostics qui étaient très mauvais, on me prévenait des traitements lourds et intenses de chimiothérapie. La tumeur était tellement grosse qu’ils ne savaient pas ce que cela présageait. Je me suis dit qu’il ne fallait pas baisser les bras parce qu’il y a toujours un espoir, on ne sait jamais ce qui peut arriver. C’est difficile de positiver. Mon premier réflexe a été de me convaincre que j’allais bien, que chaque étape du traitement allait bien se passer, car rien n’est impossible.
La question de la fertilité est-elle tout de suite arrivée ?
L’oncologue m’a directement expliqué qu’on pouvait récupérer et conserver les ovocytes, mais que ce n’était pas sûr que cela fonctionne, la tumeur était si volumineuse. Mais surtout que cela prendrait du temps, qu’on allait devoir retarder la chimiothérapie et donc il y avait des risques pour ma vie. Avec mon mari, nous nous sommes rapidement résignés à ne pas les conserver.
Comment en êtes-vous arrivée à parler de déplacer votre utérus ?
Dirigée vers le professeur Chérif Akladios en septembre, j’ai été prise en charge tout de suite par son équipe. J’ai commencé tous les traitements, car, étant jeune, les cellules se multiplient vite et la tumeur prenait trop de place. La chimio a permis de réduire la tumeur et donc d’envisager une opération pour la retirer. Mais juste avant, de la radiothérapie a été jugée nécessaire au niveau de la zone pelvienne. Cela allait donc toucher mon utérus, car la tumeur se situe entre le rectum et le vagin. C’est à ce moment-là que le professeur Akladios m’a proposé faire une transposition utérine, c’est-à-dire, pour préserver l’utérus, de le couper du vagin et de le retourner vers le nombril permettant ainsi de l’écarter de la zone de radiation.
Pourquoi se résoudre à « servir de cobaye » ?
Au début, j’étais super perplexe, on se pose beaucoup de questions. L’opération initialement prévue était déjà lourde en elle-même alors rajouté cette transposition, je me suis demandé si cela valait coup. Mais je me suis dit qu’il valait mieux avoir des remords que des regrets et les explications claires et explicites du professeur, et de toute son équipe, qui m’a dit qu’il n’y avait pas de risque, m’ont aidé. C’est vrai aussi que j’étais super bien entourée, par mon mari, ma famille, mes amis, c’est décisif et primordial. Alors j’ai voulu essayer, cela me donnait une nouvelle direction, et pourquoi pas donner un espoir à d’autres femmes qui pourraient à l’avenir rencontrer cette situation, même si cela reste un essai.
C’est long et douloureux ?
L’opération a duré sept heures. La tumeur colle aux organes, il a alors fallu aussi retirer le rectum, une partie du vagin. Ils ont pris un bout d’intestin qu’ils ont remis à la place du rectum, et le temps de cicatrisation, on m’a mis provisoirement une poche au ventre. Le vagin a dû être reconstruit en plus de la transposition utérine, mais comme tout cela créé un vide au niveau de l’utérus, ils ont dû combler par une prothèse mammaire pour pas que l’intestin tombe. pendant l’opération, il y avait beaucoup de professionnels dans leur domaine. Dans les premiers temps, c’était très douloureux.
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Comment vivez-vous au quotidien ?
Ce n’est pas toujours facile mais c’est moins douloureux qu’au début. Jusqu’à la prochaine opération où l’utérus sera remis en place, pour l’instant, j’ai mes règles par le nombril. Mais vu qu’il a été retourné, le sang circule moins bien, il peut arriver qu’il nécrose et meurt. Alors pour éviter les risques, on m’a donné une pilule qui arrête mes règles. Les soins au quotidien ne sont évidents, surtout que beaucoup de choses évoluent. Même pour les infirmières comme c’était la première fois qu’elles voyaient ça. J’ai plusieurs appareillages, je fais très attention à tout, je ne dors jamais sur le ventre. C’est aussi un état psychlogique très différent. En matière de confort, j’ai hâte d’avoir la deuxième opération. Pour mon cancer, le temps de rémission est plus long, sur dix ans. Il y aune appréhension à chaque contrôle. Tout le monde est très rassurant, sur le fait que je puisse reprendre le cours de ma vie, assez rapidement.
*Le prénom a été modifié