Procès de Pierre Palmade : « On est comme des zombies, des légumes »… L’ancien humoriste condamné à deux ans ferme
Au tribunal correctionnel de Melun,
Il suffit de le voir s’approcher tant bien que mal de la barre, appuyé sur une béquille, le bras en écharpe, pour comprendre la violence du choc. « Avant », Yuksel Y., 39 ans, travaillait dans le BTP, était même chef d’équipe. Désormais, il peine à tenir debout, à porter son petit dernier dans ses bras. Il a tiré un trait sur les parties de foot et les soirées entre copains. « Ma vie d’avant, c’est comme un rêve », murmure-t-il à la barre du tribunal correctionnel de Melun. Avant. Avant le 10 février 2023, lorsque la voiture de Pierre Palmade s’est déportée sur sa voie et a percuté de plein fouet la sienne. Un choc d’une violence inouïe. Les images des véhicules projetées à l’écran montrent des carcasses en miettes. Des épaves.
Le comédien a été condamné ce mardi soir à cinq ans de prison dont deux ans ferme. Une peine assortie d’une obligation de soins, de travailler et d’indemniser les victimes. Un jugement que Pierre Palmade, visage marqué, teint cireux, a accueilli sans manifester de réaction. Depuis l’ouverture de l’audience, en début de matinée, il a le regard dans le vide. Il n’a pas plus réagi lorsque la procureure, Marie-Denise Pichonnier, avait requis cette même peine. « L’accident repose exclusivement sur une faute de conduite caractérisée », a insisté la magistrate. Si elle a salué une prise de conscience de l’ancien humoriste, elle a déploré le « fléau » de la conduite sous stupéfiants. « On dit tous les jours à des conducteurs […] qu’ils peuvent détruire des familles. On ne peut donc pas être trop indulgent. »
« Pour moi, elle était en train de dormir »
La liste des souffrances des victimes est interminable. Le corps de Yuksel Y. a été broyé dans l’accident. La douleur était telle qu’il a fallu l’anesthésier sur place. C’est sur son lit de réanimation qu’il a appris que son fils de 6 ans avait également été grièvement blessé. Il était assis juste derrière lui dans la voiture. Lui aussi a vu son pronostic vital engagé et garde d’importantes séquelles, à commencer par des problèmes d’élocution qui lui valent des moqueries dans la cour de récré. De l’accident, Yuksel Y. ne garde aucun souvenir. Un trou noir. Mila, sa belle-sœur – qui se trouvait sur le siège passager – se souvient, quant à elle, des phares qui arrivent face à eux. Et puis cette sensation d’avoir « été frappée très fort ». Très vite, elle ressent une douleur intense au niveau du ventre.
Mila, femme gracile aux longs cheveux bruns, était enceinte au moment de l’accident. 27 semaines de grossesse. Un peu plus de six mois. La césarienne pratiquée en urgence n’a pas permis de sauver sa fille, Solin. « Je l’ai prise dans mes bras, pour moi, elle était en train de dormir », explique-t-elle, des sanglots étranglés dans la gorge. Solin était viable au moment de l’accident. Mais elle n’est pas née vivante. Les expertises sont formelles, c’est l’accident qui l’a tuée. La jurisprudence est toutefois inflexible : la mort d’un fœtus, aussi dramatique soit-elle, ne peut relever de l’homicide involontaire car l’enfant à naître n’a pas de statut juridique. Raison pour laquelle Pierre Palmade a été jugé pour « blessures involontaires aggravées ».
« Je suis terrassée de voir en vrai les victimes »
Mais si aux yeux de la justice, Solin était un « fœtus », dans le cœur de sa mère, c’était déjà sa fille. Elle avait commencé à lui tricoter des vêtements, à préparer la chambre. A la barre, Mila raconte sa vie fracassée. La dépression qui a suivi l’accident. Ce post-partum impossible. Et puis cette nouvelle grossesse « très difficile ». Chaque étape lui rappelle la première. Elle peine à s’attacher. La naissance de sa fille, il y a deux mois, n’a pas permis de panser toutes les plaies. « C’est très difficile de la prendre dans mes bras, elles se ressemblent beaucoup », insiste-t-elle.
L’air un peu hagard, Pierre Palmade ne cherche pas à nier ses torts, ni même à minimiser sa responsabilité. Il ne s’étonne pas que les victimes détournent le regard lorsqu’il tente de leur présenter ses excuses. « Je comprends la colère, un fou drogué leur est rentré dedans. » Mais l’ancien humoriste tient à raconter sa vie d’avant, sa « lente descente aux enfers » qui l’a conduit devant ce tribunal.
« Il y a le mot sexe, mais c’est l’enfer »
A la barre, il retrace avec précision les trois jours de « chemsex » qui ont précédé l’accident, avec deux partenaires. « Il y a le mot sexe mais c’est l’enfer » insiste-t-il, décrivant cette pratique comme la combinaison de ses deux addictions, la drogue et le sexe. Polytoxicomane, l’ancien comédien a plongé dans la 3-MMC en 2020. Rapidement, il s’enfonce dans les abysses. Ne peut plus jouer, monter sur scène, écrire. « Une sorte de suicide accepté », insiste-t-il. Le jour des faits, il s’en est injecté à huit reprises. Et ce, entre midi et 18h30. Pour ne pas être rattrapé par le sommeil – cela fait trois jours qu’il n’a pas dormi – il prend de la cocaïne. « On est comme des zombies, des légumes, nus, ensanglantés », décrit-il.
En milieu d’après-midi, les ressources du trio sont pourtant épuisées. Pierre Palmade appelle son dealer qui accepte de faire l’aller-retour en Seine-et-Marne. En l’attendant, il décide d’aller faire les courses. « Je prends trois-quatre lignes de cocaïne et d’autorité c’est moi qui prends le volant ». Le président l’interroge. N’a-t-il pas un déclic, lui qui a perdu son père, enfant, dans un accident de la circulation ? « La notion de prudence et de légalité s’efface totalement devant trois jours de drogue », insiste-t-il. Il raconte ses cures et ses rechutes, toujours plus bas que la précédente. « La dépendance, cette maladie, est bien plus forte que la volonté et l’intelligence, insiste-t-il.
L’accident, toutefois, lui a servi de déclic. Sa sœur cadette, Hélène, en est témoin. Avant le drame, elle s’imaginait « organiser ses obsèques ». Désormais, elle lui voit un avenir à Bordeaux, « pour porter un message », explique-t-elle au tribunal. Pierre Palmade acquiesce. « Avant l’accident, j’avais vraiment perdu goût à la vie et maintenant, avec les moyens que je me donne pour me soigner, j’ai retrouvé le goût à la vie, les plaisirs simples. » Au premier rang, les parties civiles restent impassibles. Eux « ont perdu le goût de vivre », rappelle leur avocat, Me Mourad Battikh.