JO 2024 : « Soutiens ton sportif », c’est quoi cette cagnotte en ligne pour financer les athlètes de haut niveau ?
Vous en avez marre des cagnottes qui viennent assombrir des journées déjà bien moroses ? Ce n’est pas fini. Après le Leetchi pour le pot de départ de Maxime et ses quinze années de boîte où il était plus connu pour ses pauses clopes que son efficacité, le petit pot commun pour offrir à Tatie Danielle une parure de draps brodés, voici « Soutiens ton sportif », une cagnotte destinée à financer des athlètes de haut niveau.
Lancée ce mercredi par la Fondation du sport français (FDSF), à Paris, devant des membres de Fédé, le Medef, des sportifs de haut niveau dont le médaillé olympique au tir à l’arc Thomas Chirault, et le ministre des Sports, Gil Avérous, la plateforme permet aux entreprises et aux particuliers de faire un don pour le sportif de votre choix, présent dans ce dispositif. Mais, contrairement aux plateformes « habituelles », votre contribution financière pour la prochaine médaille d’or des Jeux de Los Angeles en 2028 en flag football sera déductible des impôts (60 % pour les entreprises, 66 % pour les particuliers).
Diminution de la précarité des sportifs
Evidemment, ce dispositif fait écho aux nombreuses cagnottes lancées par les sportifs avant les Jeux olympiques de Paris 2024, qui cherchaient des financements pour préparer au mieux le rendez-vous du siècle. « Qui, en amont des Jeux, n’a pas serré les dents au moins une fois quand on a vu des sportifs dire je n’ai pas les moyens de m’entraîner correctement, a demandé à l’assistance Charlotte Feraille, déléguée générale de la FDSF. Ça nous a fait râler, n’est-ce pas ? Parce qu’on a travaillé sans relâche pour que la précarité des sportifs diminue. »
Le travail a été bien fait. Alors que, en 2016, au moment des JO de Rio, 40 % de la délégation française vivait en dessous du seuil de pauvreté, plus aucun athlète présent à Paris cet été n’était concerné, notamment grâce au Pacte de performance, qui a permis le mariage d’une entreprise et d’un sportif de haut niveau (609 au total).
« Mais, malgré nos moyens inédits, ça n’est pas suffisant, indique Charlotte Feraille. Il y a 600 participants aux Jeux, plus de 6.000 sportifs de haut niveau et plus de 15.000 si on inclut les espoirs et les collectifs nationaux. On ne peut pas tout gérer avec nos petits moyens. Alors, il faut démocratiser parce que chaque sportif a le droit d’accéder à la performance. On a besoin d’élever le niveau. »
« On sait que les plus médiatisés sont les plus soutenus »
D’où, donc, ce projet « Soutiens ton sportif ». Techniquement, un athlète qui voudra bénéficier de ce dispositif devra s’inscrire sur la plateforme, en détaillant son projet et sa « candidature » sera étudiée par un groupe d’expert, une sorte de commission de validation, avec une possible intervention des Fédérations, qui connaissent quand même le mieux leurs athlètes. Petit hic, les espoirs et les collectifs nationaux ne sont pas « autorisés » à candidater, de par les statuts de la Fondation du sport français, sauf cas exceptionnel.
« Je sais très bien que ceux qui sont le plus médiatisés sont les plus soutenus, c’est vraiment ceux qui sont en émergence qu’il faut prendre, glisse à 20 Minutes Rémy Delhomme, le nouveau président de la Fédération française d’escrime. Cette plateforme, je la trouve géniale, il faut voir jusqu’où on peut la porter, et je pense que les discussions sont encore en cours. »
Le sentiment de satisfaction, sans les quelques interrogations, était aussi présent chez Thomas Chirault, en argent à Paris : « C’est une innovation, ça permet à un cercle plus large de personnes de participer dans un projet sportif, avec en plus une déduction fiscale qui n’était pas possible jusqu’à aujourd’hui. Ce sont des éléments motivants qui peuvent donner plus envie aux gens de venir aider un sportif, qui en a besoin. Avec la certification des projets, on a l’assurance d’investir dans un projet avec un réel fond. Ça permet de donner la chance à tout le monde. »
« L’argent public va se faire de plus en plus rare »
Et, surtout, selon l’archer, ça va aussi permettre aux athlètes, qui déploraient un manque d’aide financière des Fédés ou de l’Etat et qui ne se sentaient pas « légitimes » ou « honteux » d’ouvrir une cagnotte en ligne avant les JO, de franchir le pas, vu que c’est institutionnalisé.
Mais est-ce bien le rôle de PME ou de particuliers de financer une carrière de haut niveau, quand plusieurs impôts ont déjà été fléchés en partie pour financer le monde sportif (taxe buffet, taxe sur les paris sportifs et les jeux) ? « Je pense qu’aujourd’hui, il faut qu’on ait conscience d’une chose, c’est que l’argent public va se faire de plus en plus rare, indique à 20 Minutes Gil Avérous. C’est un sujet de discussion quotidien. Il faut qu’on fasse nation aussi à travers l’accompagnement des sportifs et qu’on implique tout un chacun, le particulier comme le monde de l’entreprise. »
« Il faut vraiment qu’on se dise qu’on est tous ensemble dans le même pays et c’est normal, légitime, qu’on contribue tous à soutenir des actions d’intérêt public, ajoute le ministre de la Jeunesse et des Sports. Et soutenir un athlète dans son cursus sportif, c’est d’intérêt public. Il n’y a pas de honte à avoir là-dessus. Contribuer à une cause, contribuer à une cagnotte, ce n’est plus un sujet de honte. Il ne faut pas que les sportifs aient honte de ça. C’est l’évolution naturelle de la société et c’est même vertueux. »
Reste que le sportif, et notamment l’archer Thomas Chirault, va devoir, avec « Soutiens ton sportif » ajouter une corde de plus à son arc, pour vendre son projet et attirer les mécènes, qui ne pourront pas être issus du même foyer fiscal pour des raisons évidemment légales avec la défiscalisation des dons. « On doit gérer notre projet, gérer notre reconversion, les entraînements, les compétitions, plein de choses qui entrent en jeu, explique-t-il. C’est une charge supplémentaire de gérer ça et ça montre qu’on met la main à la pâte et qu’on veut réussir. Il y a un investissement en matière de temps, mais ça apporte une valorisation de notre projet. » Parce que c’est notre projet à tous, maintenant.