« On est là pour rendre à la société », Antoine Arnault dévoile son grand projet pour le Paris FC
Un mois après la diffusion du communiqué officialisant la nouvelle, le rachat du Paris FC par la famille Arnault a passé un nouveau cap ce mercredi avec la première prise de parole d’Antoine, celui des cinq enfants qui se trouve en première ligne dans ce projet. L’homme de 46 ans, directeur de la communication, de l’image et de l’environnement de LVMH – et président-directeur général d’une des filiales, Christian Dior SE – sera dans cette aventure le visage de la famille du patriarche Bernard, première fortune de France et cinquième mondiale (190 milliards d’euros selon le magazine Challenges).
Hu-mi-li-té
Grand amateur de football, abonné au Parc des Princes pendant longtemps, il a naturellement pris les rênes même si cette opération a été réfléchie avec ses trois frères et sa sœur. « On en a discuté longuement, et on a trouvé que c’était une bonne idée d’investir dans un projet différent de notre activité classique, qui nous réunisse autour de quelque chose de palpitant », a-t-il lancé d’entrée pour répondre à la question que tout le monde se pose : Mais que vient faire la famille Arnault dans le football français, plutôt sinistré en ce moment et dans lequel quelques investisseurs pourtant solides tentent davantage de survivre que d’avancer avec de grandes ambitions ?
Il faut croire que l’arrivée du groupe de luxe dans le sport le plus populaire du monde intrigue, au moins autant qu’elle excite. La petite salle de presse du centre d’entraînement du Paris FC, à Orly, était pleine à craquer ce mercredi, avec près d’une centaine de journalistes venue écouter la bonne parole. Car c’est à ça qu’a ressemblé cette conférence de presse, tant Antoine Arnault s’est astreint à jouer la carte de l’humilité.
« Faire quelque chose de bien autour du sport »
« On ne fait pas ça pour gagner de l’argent, a-t-il insisté à plusieurs reprises. On le fait pour rendre à la société, à la France, à Paris, ce qui nous a été donné. On a envie de faire quelque chose de bien autour du sport, de procurer des émotions au public. L’idée n’est pas de jeter de l’argent à fonds perdu, mais de créer du partage. » Si les enfants du milliardaire s’étaient déjà décidés avant l’été, la manière dont les Jeux olympiques et paralympiques ont marqué la population aura fini de les convaincre.
A écouter le cadet, secondé par le président du PFC Pierre Ferracci, assis à ses côtés, difficile comme ça d’imaginer, même avec un esprit retors, là où ce projet pourrait capoter. Sur le papier, il n’a rien en commun avec la dilapidation d’argent qui avait perdu Jean-Luc Lagardère et ses (trop) grands desseins pour le Matra Racing dans les années 80, par exemple. Celui-là combine une immense surface financière, la promesse de s’appuyer sur l’existant (le club est actuellement leader de Ligue 2), l’expertise de Red Bull pour cibler la formation de talents et la volonté de faire les choses dans l’ordre, sur au moins dix ou quinze ans. Antoine Arnault le résume par trois piliers :
Les valeurs
« C’est le plus important. Le PFC en a déjà, j’insisterai encore davantage. Elles sont essentielles dans notre groupe, notre famille. Ethique, rigueur, engagement, humilité, club qui passe avant tout. On sera intransigeant, donc ça prendra peut-être un peu de temps, mais on ne laissera rien passer. »
La formation
« Le bassin parisien est le premier vivier de joueurs dans le monde, avec Sao Paulo. Avec l’aide de Red Bull, le cœur de notre stratégie est de construire, je l’espère, le meilleur centre de formation de France. Il y a aujourd’hui trop de talents qui se retrouvent ailleurs. Nous voulons une équipe dans laquelle il y ait cinq, six, sept joueurs formés au club, les faire progresser et à terme les revendre. Si on a une pépite qui a vocation à partir dans un autre club, plus grand, on n’hésitera pas à la laisser partir. C’est un élément essentiel de la stratégie Red Bull, à laquelle nous souscrivons totalement. »
Le temps long
« C’est quelque chose qu’on connaît dans notre groupe, on laisse temps aux groupes, aux équipes, de se structurer, de trouver cette magie. Il y a la place pour un autre club à Paris, qui aura sa philosophie propre. S’il n’y a pas de Ligue 1 à la fin de cette saison, on sera encore là, et les suivantes. On est là sur un temps extrêmement long. »
Pour ce qui est des prochaines étapes, la vente sera effective très bientôt, après obtention du feu vert de la DNCG la semaine dernière. La famille Arnault va détenir 52 % du club, puis plus de 80 % après la cession des parts de Pierre Ferracci à un horizon de trois ans. Red Bull en possédera 11 %. Côté terrain, Jurgen Klopp, récemment nommé directeur du football du groupe autrichien, est venu à Orly il y a deux semaines afin de rencontrer les différentes équipes.
Le PSG, club « ami »
Le projet va prendre forme petit à petit. « Dans le sport, les incantations ne marchent jamais très bien, observe Antoine Arnault. Ce que l’on souhaite, c’est une addition de talents qui s’incluent dans un projet, plutôt que les jeter comme ça dans un saladier en espérant que ça fonctionne. » A ceux qui y verraient une pique envers le PSG, ils auraient sûrement raison… enfin, officieusement. Dans les discussions informelles ayant précédé la conférence de presse, on a pu entendre ici et là quelques critiques sur la politique sportive (révolue) du PSG. Micro ouvert, on prône évidemment l’entende cordiale avec « mon ami Nasser », comme le cadet des Arnault appelle le président parisien.
De toute façon, le Paris FC ne compte pas jouer dans la même cour, ou en tout cas pas avant de nombreuses années. L’objectif est de monter en Ligue 1, s’installer dans la première partie de tableau puis de faire partie des habitués des coupes d’Europe. Sans achat spectaculaire de grande star, tout en agrandissant le centre d’entraînement et de formation d’Orly, et en réglant la question du stade.
NOTRE DOSSIER SUR LE PARIS FC
Cette dernière demeure le grand point d’interrogation de ce projet. « Ma préférence est au réaménagement de Charléty », a insisté Pierre Ferracci, avec l’assentiment du nouvel actionnaire majoritaire. L’idée serait de jouer à Jean-Bouin – à deux pas du Parc des Princes – le temps des travaux, mais rien n’est encore arrêté. Car entre les autorisations nécessaires et tout simplement la faisabilité de la chose, il va falloir se lever de bonne heure pour transformer le stade de la porte de Gentilly en arène de foot prête aux grandes joutes de Ligue 1.
Quant à la gratuité des places, renouvelée cette saison, elle survivra au moins pour une partie, a promis Antoine Arnault. Et la grande majorité des autres places sera proposée à des tarifs « très abordables ». Un club qui se veut donc « populaire » avec la famille Arnault à sa tête ? Tout un concept, qu’on est bien curieux d’observer.