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« Réveillez-vous les hommes »… Eric Métayer se penche (encore) sur la pédocriminalité

Le hasard du calendrier veut que la diffusion intervienne six ans après la sortie du film Les Chatouilles. Acclamée par la critique, saluée par le public, l’œuvre d’Andréa Bescond et Eric Métayer avait remué les tripes de tous ceux qui l’avaient visionnée. Six ans après ce succès, le réalisateur français s’est pourtant rendu à l’évidence. La pédocriminalité n’a pas disparu en France. Pour l’illustrer, le metteur en scène s’est cette fois penché sur une histoire vraie, dont il a tiré son nouveau film Signalements, qui sera diffusé ce mercredi 20 novembre sur France 2. L’histoire abominable et pourtant vraie de Karine Jambu, violée sous les yeux de ses parents alors qu’elle n’avait pas encore 5 ans à Rennes. Et qui n’a jamais fait l’objet d’un placement malgré les innombrables signalements effectués par sa tante Laurence Brunet-Jambu.

20 Minutes a rencontré le réalisateur, qui semblait encore bouleversé par cette histoire, à l’occasion d’une avant-première.

Comment réagissez-vous aux remarques de Karine qui évoque un film « allégé » par rapport à son histoire ?

Elle a tout à fait raison et c’est un choix de notre part. Si on était allés aussi loin dans le film que ce qu’a vécu Karine, on aurait fait un truc inregardable, un film dans lequel on n’arrive pas à respirer. Si on avait raconté la véritable histoire de Karine, de ce que j’ai lu des procès-verbaux, de ce que j’ai lu du livre, je pense que les gens auraient éteint la télé. Là, je pense que c’est regardable. Le film est là pour faire passer un message, il n’est pas là seulement pour dire aux gens : « regardez comment elle a souffert ! » Si on en montre trop, les gens ne regardent plus.

L’objectif, c’était de s’attaquer à l’Aide sociale à l’enfance ?

Non, je ne me suis pas attaqué à l’Aide sociale à l’enfance mais à l’histoire de Laurence et Karine. C’est un deuxième volet qui m’intéressait. Le volet de la problématique de la justice, de toutes les instances sociales qui sont en dysfonctionnement total. Il y a des personnes qui sont dans la noirceur et refusent les choses dans toutes les institutions. Mais il y a aussi un manque de moyens terribles.

Cécile Bois et Flavie Dachy interprètent avec brio les rôles de Laurence Brunet-Jambu et de sa nièce Karine dans le film Signalements.
Cécile Bois et Flavie Dachy interprètent avec brio les rôles de Laurence Brunet-Jambu et de sa nièce Karine dans le film Signalements.  - France TV

Quand on entend qu’il y a 170.000 pédocriminels condamnés par an en France, on se demande comment on va y arriver. C’est ce qu’il se passe dans le film quand on voit ce juge qui explique qu’il n’a que six magistrats pour 300 dossiers. Ils ne peuvent pas tout traiter, c’est impossible. Je pense à Mickey dans Fantasia qui essaye d’enlever de l’eau et les balais la ramènent. A un moment donné on coule, c’est évident.

Dans ce film, vous adressez aussi un message aux hommes…

Oui, parce que j’ai l’impression que nous ne sommes pas dans ce combat. Pour masculiniser un peu le film, on a changé l’institutrice qui a effectué les signalements de Karine en homme. Parce que sinon, on n’avait que des femmes. Moi, j’en ai marre d’entendre : écoutons les enfants et qu’il ne se passe rien derrière. Le pédocriminel, il se renouvelle. D’abord parce que très souvent, ils ont eux-mêmes été victimes de ces violences quand ils étaient enfants. Alors le message derrière, c’est : « réveillez-vous les hommes ». J’ai envie de dire « agissons ». Parce que là, j’ai honte.

Dans votre film, vous gardez aussi une note d’espoir…

Oui, il y a cette envie de dire : « battez-vous ». Dans le film, on voit le nombre de jours qu’a duré le calvaire de Karine. Et on est déjà à 4.000 jours. Mais dans la réalité, c’était beaucoup plus ! On parle de vingt et un ans de souffrance depuis sa naissance.

Sur la question des violences faites aux enfants, c’est toute la société qui doit se bouger, car seul, on n’y arrivera pas. Si demain, il y a trois millions de personnes qui font un sit-in dans la rue et qui disent : « maintenant, vous trouvez la solution », ça va changer les choses. Il n’y a que nous qui pouvons les bouger. Les pédocriminels, ils sont dans toutes les classes sociales, vous vous doutez bien. Un homme protège un homme. Si on n’en parle pas, c’est se taire et laisser ces enfants dans le silence.