France

Procès des chiens de chasse tués en Ardèche : C’est quoi Longo Maï, communauté « agricole et alternative », qui est poursuivie ?

Ce mardi, le tribunal correctionnel de Privas, en Ardèche, va juger un homme de 51 ans, appartenant à la communauté agricole alternative Longo Maï, pour « atteinte volontaire à la vie d’un animal » et « violences » après la mort de sept chiens de chasse, tués sur le terrain de cette association en décembre dernier. En quoi consiste cette coopérative agricole et artisanale « anarchiste et anticapitaliste » ? Pourquoi est-elle impliquée dans un procès ? 20 Minutes fait le point.

Ça veut dire quoi exactement Longo Maï ?

Longo Maï signifie en provençal « pourvu que ça dure ». Cette communauté a été fondée sur « une colline en friche de 300 ha près de Forcalquier », à Limans, dans les Alpes-de-Haute-Provence, en 1973, à la suite de « la rencontre, après mai 1968, de militants suisses, autrichiens, allemands et français », décrit la branche suisse sur son site. Ils étaient une vingtaine de jeunes citadins, majoritairement issus de familles plutôt aisées et de deux groupuscules gauchistes : Spartakus, des marxistes-­révolutionnaires autrichiens, et Hydra, des anarcho-syndicalistes suisses.

Cette communauté a été pensée sous la forme d’une société de coopérative ouvrière de production (SCOP) pour « mettre en pratique leur idée d’une vie juste ». Cité par Socialter, l’un des pionniers du mouvement résume leur idéologie : « Ne pas établir de coupure, au quotidien, entre travail professionnel, vie privée et engagement politique, lier théorie et pratique, refuser le salariat, atteindre l’autosubsistance, non pour se couper du monde mais pour se donner les moyens d’agir sur lui ». C’est aujourd’hui une collective sous forme de GFA (groupement foncier agricole), qui regroupe un réseau de dix coopératives : cinq en France, principalement dans le Sud Est, les autres en Allemagne, Autriche, Ukraine, Suisse et Costa Rica.

Cette communauté se présente donc comme une communauté agricole, laïque, rurale, anarchiste et anticapitaliste. Son fonctionnement est fondé sur la gestion autonome et écologique de l’énergie, de l’eau. Au total, la communauté Longo Maï regroupe environ 200 adultes et une cinquantaine d’enfants.

Quelles sont leurs valeurs politiques ?

Longo Maï ne se reconnaît dans aucune idéologie politique actuelle, même si les fondateurs de la communauté sont issus de l’extrême gauche. Pour autant, les membres ne sont « détournés » de la politique.

Interrogée en 2022 par Socialter, l’une des personnes vivant à Limans, assurait que c’était « une histoire d’échelle ». « La nôtre est à la fois locale et internationale. L’internationalisme fait partie de nos valeurs fondatrices, on est tous venus de différents pays d’Europe, à un moment de l’histoire où ce n’était pas du tout une évidence. Dans les années 1970, on a soutenu les dockers anglais, les mineurs belges, les Chiliens qui fuyaient Pinochet, accueilli des Kurdes… Maintenant, il y a même une fromagerie Longo Maï en Ukraine et une coopérative au Costa Rica », avait-elle affirmé.

Comment vivent les membres de Longo Maï ?

Pas de hiérarchie, pas de salaire et pas de minima sociaux. Les membres de Longo Maï vivent principalement de ce qu’ils produisent. Les ressources propres de la communauté sont l’élevage, la production céréalière et maraîchère. Ils ont aussi développé la vente extérieure sur les marchés de leurs produits. La filière la plus développée est la laine. Les fonds récoltés (ainsi que les dons) leur permettent de financer leurs voyages et d’éventuels travaux sur leurs terrains, comme le relate Socialter. Et tous les biens financiers sont mis en commun.

En Ardèche, où une coopérative est installée depuis les années 1970, une vingtaine d’adultes et d’enfants habitent actuellement dans la ferme sur le chemin de Treynas. Cette dernière a mis en place une filière complète forêt-bois, avec une scierie, menuiserie et une équipe de charpentiers. Interrogée par Reporterre, l’une des figures des lieux a expliqué que les membres se considéraient comme « des paysans-forestiers ». Répondant aux allégations comme quoi cette communauté serait « coupée du monde », une autre membre a assuré qu’ils allaient « au foot ou à la danse », qu’ils étaient « impliqués dans les associations des écoles des enfants ».

Pourquoi la communauté est-elle poursuivie en justice ?

Le 16 décembre 2023, sept chiens de chasse sont entrés sur le terrain de Longo Maï, à Chanéac, un village de 250 habitants situé dans le nord du parc régional des Monts d’Ardèche, et se sont attaqués aux cochons de cette communauté. Ils ont alors été abattus au fusil. Les faits se sont déroulés en marge d’une battue aux sangliers, d’après France 3.

L’auteur des tirs a dit avoir regretté son geste, tout en assurant à nouveau ne pas avoir eu « d’autres choix » que de tuer les chiens de chasse. « Nous étions en danger », après avoir essayé d’écarter les canidés à mains nues, avec des cris et malgré des sommations, a-t-il dit.

« Ce sont les circonstances qui ont commandé le fait de devoir tuer ces chiens », a assuré l’avocat de Longo Maï, Vincent Brengarth, en décembre dernier. « Il n’y a eu strictement aucune espèce de caractère prémédité », a-t-il déclaré. Une témoin de la scène avait expliqué au journal local que les cochons auraient été frénétiquement pris pour cible par la meute de chiens de chasse, avec « une violence extrême ».

En savoir plus sur l’affaire Longo Maï

Les faits sont arrivés dans un contexte de tension entre les chasseurs et la communauté. A la suite de cette affaire, – et de sa médiatisation –, les membres de la coopérative agricole ont reçu un « torrent de menaces et d’actes d’intimidation » sur les réseaux sociaux et par téléphone. Ils ont, eux aussi, déposé plainte.