France

Colère des agriculteurs : Quelles promesses ont été tenues ?

Ils s’étaient mobilisés plusieurs semaines en janvier, manifestant dans toute la France pour réclamer des aides et des mesures de simplification et dénoncer les contraintes administratives pesant sur leur profession.

Alors que les agriculteurs ont de nouveau manifesté ce lundi pour réclamer l’application de ces aides et l’arrêt des négociations en vue d’un accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur, 20 Minutes fait le point sur ce qu’a obtenu le monde agricole depuis janvier et les aides promises encore en suspens.

Face à la colère, le gouvernement avait acté dès janvier l’abandon de la hausse prévue de la taxe sur le gazole non routier (GNR), carburant des tracteurs, et l’application en juillet de cet avantage fiscal dès la livraison, sans avoir besoin d’en demander le remboursement après coup.

Le gouvernement de Gabriel Attal avait pris au total « 70 engagements » et débloqué des aides d’urgence aux filières en difficulté : 50 millions d’euros pour les élevages touchés par la maladie hémorragique épizootique MHE, 35 millions pour les exploitations affectées par des inondations et tempêtes, 80 millions pour la viticulture et 90 millions pour la filière bio.

Ont aussi été annoncés 150 millions d’euros d’exonérations fiscales pour les éleveurs bovins ainsi qu’un plan de soutien à la filière du blé dur.

Côté législation, un projet de loi d’orientation agricole a été voté par l’Assemblée avant la dissolution, répondant à plusieurs demandes de l’alliance majoritaire FNSEA et Jeunes agriculteurs (JA). Ce texte reviendra le 14 janvier en séance publique au Sénat.

Il place l’agriculture au rang d’« intérêt général majeur », met en place un guichet unique pour l’installation de nouveaux agriculteurs, facilite la construction de bâtiments d’élevage ou de réserves d’eau, et prévoit une réglementation simplifiée pour les haies.

Des prêts garantis par l’Etat

Après plus de deux mois de parenthèse politique, le nouveau Premier ministre Michel Barnier a annoncé début octobre la création d’un fond d’urgence de 75 millions d’euros pour les éleveurs victimes de la fièvre catarrhale ovine de sérotype 3, une nouvelle épizootie.

Vendredi, les mesures promises en soutien conjoncturel (aléas climatiques et sanitaires) et structurel aux exploitations ont été détaillées : des prêts garantis par l’Etat, à taux réduits, seront proposés « dans les plus brefs délais », en coopération avec des banques volontaires.

Ces annonces – au coût pour les finances publiques non précisé – « vont dans le bon sens », ont réagi FNSEA et JA.

Un « contrôle administratif unique »

La ministre de l’Agriculture Annie Genevard a annoncé un « contrôle administratif unique », pour limiter les visites à une par an et par exploitation – hors contrôle fiscal, judiciaire ou du respect des arrêtés sécheresse.

Pourtant, à peine plus de 10 % des exploitations ont été contrôlées en 2023, et 1 % seulement a subi deux contrôles ou plus, a révélé un rapport d’inspection ministériel commandé lors de la crise et dévoilé mercredi.

Les syndicats, d’accord sur le sujet des complications administratives, sont en revanche divisés sur l’importance des normes, notamment environnementales.

Ces avancées n’ont pas répondu à toutes les demandes des syndicats agricoles, qui demandent également un revenu décent et s’opposent au projet de traité de libre-échange de l’UE avec le Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay).

Cet accord, en éliminant les droits de douane, permettrait l’importation supplémentaire de produits agricoles (viande, sucre, miel…) produits avec des normes sociales, environnementales, voire sanitaires, différentes de celles en vigueur dans l’UE, source de concurrence déloyale et de déstabilisation des filières européennes, alertent-ils.

La crainte de sa concrétisation rapide est le sujet « qui a fait déborder le vase », explique-t-on aux JA.

Sans être hostile au libre-échange, l’alliance FNSEA-JA dénonce une « Europe passoire » qui laisse entrer des produits agricoles « ne respectant pas les normes imposées aux agriculteurs européens », tout en réclamant des « moyens de production », parmi lesquels un stockage accru de l’eau et l’accès à des pesticides interdits en France mais autorisés ailleurs en Europe.

La Coordination rurale (CR, 2e syndicat agricole) demande « un vrai plan de sauvetage », en exigeant de « sortir l’agriculture de tous les accords de libre-échange ». Elle réclame des aides à la trésorerie plus massives, un « GNR plafonné à un euro TTC » et veut voir l’Etat sévir contre les grosses coopératives qui « se sont développées à l’international et délocalisent leurs résultats ».

Du côté de la Confédération paysanne (3e syndicat agricole), la question centrale reste celle du « revenu des paysans ». Le syndicat demande des « prix minimum garantis » et l’accompagnement de réformes structurelles pour soutenir la transition agro-écologique.