Chauffage : « L’effet PQ » terminé, est-ce le moment d’acheter ses granulés (et son bois) ?
Deux chariots remplis chacun avec 20 sacs de 15 kg de pellets. Lundi dernier, pendant que certains commémoraient le 11-Novembre, d’autres pensaient à leur chauffage. Ce grand magasin de bricolage en périphérie de Strasbourg était exceptionnellement ouvert et beaucoup en ont profité.
Pour une promotion ? Même pas. Vérification faite, ces mêmes articles sont en réduction… ce week-end ! La tonne de granulés va ainsi passer à 300 euros tout pile. Bien loin des 800 voire 850 qu’elle avait pu atteindre à la même période en 2022.
« Il y avait eu une panique générale et on ne maîtrisait plus rien, se souvient Eric Vial, délégué général de Propellet, l’association nationale des professionnels du secteur. La guerre en Ukraine avait fait naître une psychose sur l’énergie. Les gens avaient eu peur et s’étaient rués dessus, quitte parfois à surstocker, ce qui avait créé une pénurie et donc une flambée des tarifs. C’était »l’effet PQ » mais il est largement terminé maintenant. »
Le graphique de l’Office national des forêts (ONF) le confirme : le prix du fameux combustible n’a cessé de baisser depuis le début de l’année 2023. A l’inverse, par exemple, du gaz et surtout de l’électricité. Pour une conclusion sans appel : le bois reste « l’énergie la moins chère du marché ».
Des offres de présaison « au printemps »
Mais est-ce justement le bon moment pour s’équiper ? Oui et non. « Il faut savoir que la production de pellets reste la même toute l’année, reprend Eric Vial. Au printemps, les usines ont autant besoin de les écouler que pendant la saison de chauffe donc c’est souvent à ce moment-là qu’il y a des offres de présaison. »
Les plus prévoyants le savent. Comme cette famille installée à côté de Châlons-en-Champagne (Marne), habitué à commander « en avril ». « On prend trois palettes ce moment-là pour avoir le meilleur prix, qui est aussi dégressif selon la quantité, détaille Clément. Nous, on consomme environ 2,5 tonnes à l’année, pour une maison de 146 m². On n’avait pas de réseau d’eau de chauffage dans la maison et comparé à l’installation d’une pompe à chaleur, le choix du poêle à pellets était plus rentable. »
Ce trentenaire aurait aussi pu choisir une installation à bûches mais… « c’est trop de contraintes, entre les salissures et le stockage. Et la journée, il faut quelqu’un pour remplir le poêle. Les pellets, on met un sac et ça fonctionne quasiment tout seul ». Quitte à payer un tout peu plus cher. Tant que ça ? Les fameuses courbes de l’ONF le montrent : un kilowattheure (kWh) revient à moins de six centimes d’euros avec une bûche contre environ 7,50 pour les granulés (et 0,28 l’électricité).
« La différence n’est vraiment pas énorme », relativise Christophe Glad. Le président du groupement syndical des négociants en bois de chauffage d’Alsace sait de quoi il parle : son entreprise vend les deux. Soit « 100 à 130 euros le stère livré » et « 300 à 350 euros la tonne de pellets ».
Le professionnel observe une tendance au ralentissement chez les consommateurs. « Les gens ont moins d’argent et attendent de plus en plus le dernier moment pour s’équiper. Sur les bûches, j’avais des délais de livraison de dix mois il y a deux ans alors qu’en ce moment, je peux vous livrer la semaine prochaine. Pour les pellets, je vois de plus en plus de personnes venir chercher quelques sacs de temps en temps alors qu’ils prenaient une palette entière. Ils font attention à leur budget. »
« On n’aurait peut-être pas ce discours si l’hiver dernier n’avait pas battu des records de douceurs », complète son confrère dans le Sud-Ouest Pascal Canadell. Le patron d’Aquitaine Bois Energie parle lui aussi d’une « année atypique » sans ressentir la même frilosité dans les foyers. « Oui, mes délais se sont raccourcis mais par exemple, je livre entre 25 et 30 stères chaque jour, toute l’année. On encourage les gens à anticiper contre une petite réduction et, s’ils le peuvent, à finir le séchage du bois chez eux. Ça leur permet de faire des économies. »
Le prix du stère a aussi augmenté mais…
Car les bûches ont aussi vu leur tarif croître ces dernières années. Pas de manière spectaculaire mais douce et constante. « La filière avait besoin d’être revalorisée car le prix du bois était le même depuis vingt ans. Il faut ajouter à cela que les coûts de bûcheronnage, de débardage, de transport et des énergies qui ont été répercutés », poursuit Pascal Canadell en se souvenant d’un stère qui coûtait « environ 80 euros il y a trois, quatre ans ». Contre 100 minimum chez un professionnel aujourd’hui.
Mais ce tarif n’évolue plus. « La bûche reste globalement à un prix stable car c’est un produit local avec très peu d’imports », synthétise Axel Richard, du Syndicat des énergies renouvelables (Ser). Il donne au passage le nombre de personnes chauffées au bois en France : 7,5 millions, dont 1,8 million aux granulés. Qui, eux, ont déjà été victimes de nettes fluctuations de marchés. « C’est arrivé une fois sur les quinze dernières années et ça ne reviendra pas à 800 euros la tonne, assure le délégué général de Propellet. On ne peut pas dire que le prix sera stable car on ne maîtrise pas tout mais il pourrait avoir une hausse régulière liée à l’inflation, c’est tout. »
Alors, bois ou granulés finalement ? « Les deux produits ne sont pas concurrents, conclut Eric Vial. La différence ne se fait pas sur le pouvoir calorifique (un tonne de granulés équivaut à environ quatre stères) mais sur l’usage qu’on veut avoir de son poêle ou de sa chaudière. »