Cérémonie des Pics d’or : « La chasse aux pauvres devient un sport national », dénonce Guillaume Meurice
Il va monter sur scène ce lundi soir à Paris, au théâtre de l’Atelier, pour la cérémonie des Pics d’or, organisée par la Fondation Abbé Pierre et qui récompense les pires dispositifs anti-SDF. Aux côtés de cinq autres comédiens, auteurs ou humoristes, parmi lesquels Blanche Gardin, Amelle Chahbi ou Christian Page, Guillaume Meurice y décernera le prix « Bouge de là », qui récompense le pire (ou le meilleur, selon le point de vue) arrêté municipal anti-mendicité.
20 Minutes en a profité pour quelques petites questions à celui qui est plus habitué à distribuer les piques aux politiques, longtemps sur France Inter et aujourd’hui au micro de Radio Nova. Une courte interview réalisée par questions-réponses écrites, peut-être rédigées depuis un banc de Paris où il « aime [s]’asseoir pour regarder les gens passer, laisser [s] on esprit vagabonder, repenser à cette phrase d’Emmanuel Macron en 2017 : « La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. » »
Pourquoi s’engager pour les Pics d’Or ?
Parce que plus le temps passe, plus on a l’impression que la chasse aux pauvres devient un sport national. La prochaine étape, c’est sûrement l’inscription aux Jeux olympiques. Et on a de bonnes chances de médailles.
Qu’est-ce que ce mobilier urbain dit de notre société ?
Il dit qui on tolère dans l’espace public et qui on veut voir disparaître. Car les laissés-pour-compte rappellent aux gens de pouvoir leur incompétence, chaque jour, et la faillite du système qu’ils défendent. Pour résumer, notre structure économique laisse de plus en plus de monde sur le bas-côté de la route. Mais on ne tolère même plus aux gens d’y rester.
Que peut l’humour pour dénoncer le cynisme des gouvernants à l’œuvre avec ce mobilier ?
Je ne pense pas qu’il n’y ait qu’une seule bonne manière mais l’humour peut sans doute participer d’une prise de conscience. Notamment sur le cas du mobilier anti-SDF qui est un sujet assez peu connu du grand public. Et puis « c’est la politesse du désespoir bordel de merde » comme disait Boris Vian quand il était énervé.
Quand avez-vous remarqué que beaucoup de choses étaient faites pour chasser les gens à la rue de la rue elle-même ?
En tentant de m’asseoir quelque part pour partager un moment avec des potes. Entre les bancs avec de grosses barres au milieu, les pics, les bacs à fleur, les rebords glissants, etc., il fallait avoir gagné trois fois « Koh-Lanta » pour avoir le droit de se poser.
Quelle invention – si on peut dire ça – vous a le plus choquée/surprise par sa vilaine ingéniosité ?
Toutes. Ce qui m’interroge le plus ce sont les gens qui sont censés réfléchir à ce genre de dispositif. « Michel aujourd’hui je voudrais que tu bosses sur le projet pour emmerder un maximum de SDF ! » Qu’est-ce qu’ils font ces gens-là en rentrant chez eux ? Comment ils répondent aux questions de leurs enfants ? « Tu vois Myrtille, aujourd’hui ton papa a tenté de développer un système pour électrocuter le scrotum des clochards. »
A l’inverse pouvez-vous imaginer/décrire un type de mobilier urbain qui serait « SDF friendly » ?
Le seul mobilier urbain « SDF friendly » sera un banc-bélier qui permettrait d’enfoncer les portes des dizaines de milliers de logements vides pour y mettre des gens à l’abri.