Je souffre du blues du dimanche soir, dois-je m’inquiéter ?
Chaque dimanche soir, c’est la même chose. Vous avez beau avoir passé un très bon week-end (ou pas d’ailleurs), vous vous sentez d’humeur morose. Vous êtes triste, tendu, énervé (rayez la mention inutile) même si vous ne comprenez pas vraiment pourquoi. Rassurez-vous, vous n’êtes pas seul à ressentir ce cafard qu’on appelle blues du dimanche soir.
Un Français sur deux serait sujet à cette mélancolie dominicale, selon Florian Ferreri, professeur de psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine et coauteur d’En finir avec le blues du dimanche soir (Ed. Hachette). Selon les personnes touchées, ce mal-être peut prendre plusieurs formes : sentiment de monotonie, d’ennui ou de temps perdu, anxiété, nervosité ou encore déprime. Ce blues s’explique-t-il seulement par la fin de récréation du week-end (et au retour des réunions passionnantes du lundi) ou cache-t-il autre chose ? En gros, est-ce grave docteur ?
Pas une pathologie en soi
« Tout seul, ce blues n’a pas lieu d’être pathologisé ni psychiatrisé, rassure d’emblée David Masson, psychiatre au Centre Psychothérapique de Nancy et responsable départemental du CURe* Grand-Est. C’est assez classique. » Cet état passager peut avoir plusieurs causes. La première : une anticipation du lendemain. « C’est le fait de se replonger trop tôt dans son environnement professionnel », explique Florian Ferreri. On pense à la montagne de dossiers qui s’empilent sur notre bureau, au projet qu’on va devoir présenter devant toute son équipe, à ces dizaines de mails auxquels on n’a pas encore répondu. Bref, on se projette. Et le cercle vicieux s’installe. « Lire ses mails le week-end peut être un facteur aggravant », rappelle le professeur.
Doit-on pour autant tout remettre en cause et claquer sa dém’ dès le demain ? Rien de moins sûr. « Le blues du dimanche a peu à voir avec le fait d’apprécier ou non son travail », assure le psychiatre. Et surtout, l’angoisse de fin de semaine ne se résume pas au manque d’entrain à l’idée de retourner au boulot.
Différentes causes
Il y a notamment le fait de traîner au lit. « Les personnes qui changent trop leur rythme par rapport à la semaine peuvent avoir la sensation d’être jetlagées en se levant tard et l’impression que c’est une journée gâchée, ce qui les rend tristes et irritables », résume Florian Ferreri. Et cette sensation peut être renforcée par l’utilisation des réseaux sociaux. « En comparant leurs week-ends, les personnes très dépendantes à leur environnement peuvent penser que leur vie est plus terne que celle des autres ».
Enfin, si vous êtes du genre à repousser à la fin de la semaine les devoirs des enfants, les problèmes de syndic et les tâches ménagères (on ne vous juge pas, on fait partie de cette team), il est logique que vous trouviez votre dimanche pourri.
Révélateur d’un burn-out ou d’une dépression ?
Si tout le monde peut donc être touché par cette morosité, certaines personnes sont plus à risque. « Les anxieux auront davantage de ruminations parce qu’ils se replongent plus facilement dans les contraintes à venir », explique David Masson. Contrairement à ce qu’on peut croire, les enfants et adolescents sont, eux aussi, particulièrement touchés par ce phénomène. « Ils ne maîtrisent pas leur agenda et ont des contraintes extérieures qui leur sont imposées la semaine, ce qui vient contrarier la parenthèse enchantée du week-end », souligne le professeur Ferreri.
Quelle qu’en soit la cause, le vague à l’âme du dimanche soir n’est donc pas dramatique en soi. « Tout seul, il ne veut pas dire grand-chose mais il peut s’inscrire dans un faisceau d’indices faisant penser à une dépression ou un burn-out », précise David Masson. Alors, à quel moment s’inquiéter ? Une question de durée, mais pas seulement. « La dépression est d’une intensité plus forte, avec une perte de plaisir, une tristesse et un manque d’énergie », assure Florian Ferreri. Mais surtout, ça ne se cantonne pas aux dimanches. « C’est tous les jours de la semaine et pendant au moins deux semaines. »
Etre attentif aux signes
Et pour le burn-out alors ? « Si une déprime importante du dimanche soir s’accompagne d’un épuisement, d’une irritabilité et de troubles du sommeil, cela peut être un indice », explique David Masson. « D’autant plus si l’on s’est surinvesti au travail pour compenser un manque de temps ou des objectifs inatteignables », complète le professeur Ferreri. Chez les enfants et adolescents, la question de la phobie scolaire peut également se poser. Mais tout dépend du contenu du blues, selon le docteur Masson. « Il faut se demander si c’est une crainte d’aller à l’école, une crainte de séparation ou dans les relations aux autres. »
Si le spleen du dimanche soir n’est pas des plus agréables, David Masson insiste : « l’inconfort généré ne doit pas être vu comme quelque chose à réprimer à tout prix. » Selon lui, ce petit blues peut être l’occasion d’une introspection. Oui, on essaie de vous faire voir les choses positivement. Et si ça ne suffit pas, il nous reste à vous promettre que, comme chaque semaine, on va survivre au lundi.