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France – Nouvelle-Zélande : « Hors de question qu’on baisse les bras », comment la défense des Bleus a fait tourner le match

Au Stade de France,

On oubliera, pour un moment, la volonté de jouer ballon en main, les stratégies pour envoyer les ailiers en situation de un contre un, la recherche de grandes envolées plutôt que de grands coups de pied. Non, cette victoire face aux All Blacks (30-29), samedi soir, les Bleus la doivent à leur volonté de fer et leur défense de morts de faim face une équipe qui leur était, contrairement aux deux succès de 2021 et 2023, assez supérieure.

Les stats du match reflètent parfaitement ce troisième volet arraché à la hargne, au caractère et à la force du plaquage. Les Bleus en ont effectué 208 exactement dans cette rencontre (avec 86 % de réussite), un chiffre largement supérieur à la moyenne des matchs internationaux, qui tourne plutôt autour de 160. Premier de cordée pour aller au mastic, le troisième ligne Paul Boudehent a été particulièrement immense.

« Ils ont mis vachement de rythme, que ce soit sur les courses, sur les impacts. C’était un gros match, raconte l’un des héros du soir, sorti pour une suspicion de commotion à la 70e (et un peu énervé parce qu’il n’a même pas pu voir la fin du match à la télé). Perso, je suis très content de mes sensations, mais je suis surtout super content du groupe. Le challenge était énorme. »

Enorme, parce que ces Blacks étaient venus pour punir le XV de France, comme ils l’avaient fait ces 15 derniers jours face aux Anglais puis aux Irlandais. En première période notamment, les joueurs de Scott Robertson étaient sans cesse dans l’avancée, avec beaucoup de joueurs en mouvement autour du porteur, comme des vagues s’abattant sur des rideaux bleus de plus en plus poreux.

« On savait que même menés, on pouvait revenir »

Meilleurs en mêlée, en conquête (trois touches volées), un peu partout en fait, les coéquipiers de Beauden Barrett ont étouffé leurs adversaires jusqu’à mener 14-3 à la demi-heure de jeu, après un essai sur lequel Ardie Savea a joué à la boule de bowling avec Dupont et trois autres quilles, puis un autre sur une transition ratée entre Alldritt et le capitaine français. A ce moment-là, on ne donnait pas cher de la peau de nos petits Bleus.

« On est mal rentrés dans le match. Eux étaient prêts dès la première minute », observe Louis Bielle-Biarrey. Le réveil s’est opéré petit à petit, récompensé d’abord par un essai du bizuth Romain Buros (32e), puis une séquence défensive monstrueuse de plus de deux minutes avant la sirène pour ne tourner qu’à sept points à la pause (10-17). Quasi miraculeux.

« On arrive à ne pas prendre de points, et ça nous fait du bien, parce qu’on garde un pied dans le match et c’est très important à ce moment-là, relève Thibaud Flament. Pendant la mi-temps, on a réfléchi à comment rectifier le tir, et surtout on s’est dit qu’il fallait y croire, qu’ils allaient péter et qu’on avait confiance dans les ressources qu’on avait nous pour finir le match. On l’avait préparé comme ça, on savait que même menés, on pouvait revenir. »

Alors, c'est qui les patrons finalement ?
Alors, c’est qui les patrons finalement ?  - Gabrielle Cezard

C’est un fait, les Blacks ont fini par s’user, pas aidés sûrement par un petit péché de gourmandise étonnant, surtout comparé à leurs deux succès cliniques en terres anglaises et irlandaises. Ils ont tenu le ballon parfois trop longtemps pour être honnêtes, et, à force d’insister sans toujours avancer, ont ouvert grand la porte à quelques approximations techniques. Les Français n’en attendaient pas tant pour récupérer quelques munitions bienvenues, dont celle qui a permis à Bielle-Biarrey de faire tourner la rencontre (24-17, 52e) – on s’en parlera dans un papier à part.

La force de l’ère Galthié 1

« Notre force, c’est qu’on a du caractère, savoure Boudehent. Moi j’en suis persuadé, en tant que Français, on a un supplément d’âme et sur le terrain, on est capable de se dépasser. Même si ça cogne, qu’on est menés, il est hors de question qu’on baisse les bras. En deuxième mi-temps, on s’est juste répété ce qu’on s’était dit dans la semaine : les gars, on ne lâche rien. »

Même avec seulement 39 % de possession, même quand McKenzie répondait immédiatement à Thomas Ramos pour ramener systématiquement les All Blacks à un petit point (68e puis 75e), personne ne s’est affolé. Et l’on a retrouvé ce qui faisait la force de cette équipe pendant les quatre premières années Galthié, cette hargne, cette sérénité malgré les vents contraires, avec toutefois un petit supplément dépassement de fonction. Les Bleus ont terminé la rencontre avec Dupont à l’ouverture, Mauvaka en troisième ligne et Guillard en train de jongler entre la deuxième et la troisième. Sans rien perdre de leur solidité ressuscitée en touche, en mêlée ou pour gratter quelques ballons chauds.

« Ce sont des gars spéciaux »

« C’est pas anodin, relève Gaël Fickou. Tout le monde est là, à se dépouiller. » Et lui le premier, avec notamment une ultime séquence de jeu où il a encore la force de mettre trois tampons monumentaux pour empêcher les All Blacks de l’emporter sur le fil. « Je me suis toujours envoyé comme un chien. En ce moment je me sens bien, je suis motivé, j’essaie de mettre tout ça au service de l’équipe », dit le plus capé des Bleus actuels.

« On parle beaucoup de l’enthousiasme que peuvent avoir les supporters sur les essais. Nous, c’est le sentiment que l’on a sur le terrain quand il faut tenir notre ligne pour décrocher cette victoire, confie de son côté Antoine Dupont. On peut compter les uns sur les autres. C’est un sentiment hyper grisant. » Et touchant pour Fabien Galthié, si l’on se fie au visage montré par le sélectionneur au coup de sifflet. Le boss était ému, et il ne s’en cache pas. « On peut lâcher ses émotions en fin de match, elles étaient très fortes et très agréables, avoue-t-il. On est très fiers des joueurs, Ça fait cinq ans que je les connais maintenant, ce sont des gars spéciaux. Ils sont allés chercher une victoire de prestige. »

NOTRE DOSSIER XV DE FRANCE

Celle-là fait du bien, c’est évident, au moment de terminer une année 2024 (il reste encore l’Argentine la semaine prochaine) pendant laquelle les Bleus ont donné l’impression de se chercher une nouvelle boussole, après la désillusion de la Coupe du monde. C’est marrant, on serait prêt à parier, finalement, qu’il n’y a pas que sur ce match qu’il va falloir oublier les grandes envolées. La force de cette équipe est d’une autre nature, plus brute, illuminée juste ce qu’il faut par quelques éclairs d’individualité hors normes. Et c’est très bien aussi, non ?